Adoption de la loi « Sapin II » : Un renforcement du dispositif anticorruption et des évolutions dans l’encadrement des relations commerciales
Adoptée par le Parlement le 8 novembre dernier, la loi « Sapin II » vise en particulier à améliorer l’efficacité du dispositif législatif français en matière de lutte contre la corruption. De nouvelles mesures sont ainsi prévues pour prévenir et sanctionner la corruption.
Ce texte apporte également certaines évolutions à la législation applicable aux relations commerciales entre opérateurs économiques, notamment concernant les pratiques restrictives de concurrence, la convention unique et les délais de paiement.
La loi dite « Sapin II », qui a été adoptée en lecture définitive à l’Assemblée nationale le 8 novembre 2016[1], vise à « renforcer la transparence, mieux lutter contre la corruption et moderniser la vie économique ».
L’un des apports majeurs de ce texte est le renforcement du dispositif français en matière de lutte contre la corruption (1). Des changements significatifs en matière d’encadrement des relations commerciales entre entreprises sont également à prévoir (2).
1. Un renforcement du dispositif de lutte contre la corruption
Dans le but d’améliorer le régime français anticorruption, la loi Sapin II instaure des mesures visant à mieux prévenir et détecter la corruption, et notamment :
- La constitution d’une Agence française anticorruption
Ce texte crée une Agence française anti-corruption qui sera placée sous l’autorité des ministres de la justice et des finances.
Cette agence est notamment chargée d’élaborer des recommandations relatives à la prévention et la détection de la corruption. Elle peut en outre contrôler les programmes internes de prévention de la corruption prévues dans les administrations de l’Etat ainsi que les mesures et procédures de prévention contre les faits de corruption ou de trafic d’influence qui doivent être mises en œuvre par les « grandes entreprises ».
- La création d’une obligation de prévention des risques de corruption pour les « grandes entreprises »
Selon cette loi, les sociétés employant au moins 500 salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros, sont tenues de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence.
Ces mesures comprennent notamment l’élaboration d’un code de conduite, d’un dispositif d’alerte interne, d’une cartographie des risques de corruption ainsi que d’un dispositif de formation du personnel exposé aux risques de corruption et de trafic d’influence.
En cas de non-respect par les entreprises de ces obligations, l’Agence française anticorruption peut les enjoindre à s’y conformer et prononcer une amende pouvant aller jusqu’à 200.000 euros pour les personnes physiques et 1 million d’euros pour les personnes morales.
- La création d’une peine complémentaire de mise en conformité
La loi Sapin II crée une peine complémentaire dite « de mise en conformité » en cas de condamnation pour des délits de corruption ou trafic d’influence. Cette peine consiste en l’obligation pour l’auteur du délit de se soumettre, sous le contrôle de l’Agence française anticorruption, et pour une durée maximale de 5 ans, à un programme de mise en conformité de ses mesures et procédures de prévention et détection de la corruption et du trafic d’influence.
Cette loi comporte en outre des mesures destinées à mieux sanctionner la corruption. Sont ainsi notamment prévues :
- L’instauration d’une convention judiciaire d’intérêt public
Le texte prévoit l’instauration d’une « convention judiciaire d’intérêt public » qui pourra être proposée par le procureur de la République à une société mise en cause pour des délits de corruption avant que les poursuites ne soient initiées.
Dans le cadre de cette procédure, la société devra verser une amende d’intérêt public au Trésor public (dont le montant est proportionné aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % de son chiffre d’affaires annuel moyen) et se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l’Agence française anticorruption, à un programme de mise en conformité de ses mesures et procédures de prévention et détection de la corruption et du trafic d’influence.
- L’adoption de mesures visant à faciliter la poursuite de faits de corruption d’agents public étrangers
Une nouvelle infraction de trafic d’influence d’agent public étranger est instaurée. Il est également prévu une extension du champ d’application de la loi pénale française en dehors de la France pour les infractions de corruption et de trafic d’influence commises à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français.
2. Des évolutions en matière d’encadrement des relations commerciales
Parmi les dispositions de ce texte relatives aux relations commerciales entre professionnels, nous retiendrons les évolutions suivantes :
- De nouvelles pratiques restrictives de concurrence
La loi instaure de nouvelles pratiques commerciales prohibées, telles que :
- Le fait, notamment dans les conventions uniques, « d’imposer une clause de révision du prix (…) par référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de services qui sont l’objet de la convention» ;
- Le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure».
- Un allongement de la durée de la convention unique
Il est prévu que les distributeurs et fournisseurs pourront désormais conclure une convention unique pour une durée de deux ou trois ans, et non plus seulement d’un an.
Lorsque cette convention est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, elle doit fixer les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d’un ou de plusieurs indices publics reflétant l’évolution du prix des facteurs de production.
Ces dispositions, qui sont également prévues pour la convention unique entre le fournisseur et le grossiste, sont applicables aux conventions conclues à compter du 1er janvier 2017.
- Sur les délais de paiement:
Le texte institue un délai de paiement spécifique pour les « achats effectués en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l’article 275 du code général des impôts, de biens destinés à faire l’objet d’une livraison en l’état hors de l’Union européenne ». Ce délai ne peut dépasser 90 jours à compter de la date d’émission de la facture.
Le délai convenu entre les parties doit être expressément stipulé par contrat et ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier.
A noter que ces dispositions ne sont pas applicables selon la loi « aux achats effectués par les grandes entreprises ».
- L’alourdissement de certaines sanctions
Le montant maximum de l’amende civile prévue par l’article L.442-6 en matière de pratiques restrictives de concurrence est porté à 5 millions d’euros (au lieu de 2 millions selon le régime actuel).
En outre, le montant maximum de l’amende administrative en cas de non-respect des dispositions applicables aux délais de paiement passe de 375.000 euros à 2 millions d’euros.
[1] La loi doit en principe entrer en vigueur le lendemain de sa publication. A noter cependant que le texte fait actuellement l’objet de recours devant le Conseil constitutionnel déposés le 15 novembre 2016. Le Conseil Constitutionnel devrait rendre sa décision d’ici le 15 décembre prochain.