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Publié le 1 octobre 2009 par Soulier Avocats

Arrêts en défaveur de l’agent commercial : suffisamment rares pour être relevés

Le statut d’agent commercial issu de la loi n°91-593 du 25 juin 1991 transposant la Directive communautaire 86/653 CEE du 18 décembre 1986 est notoirement protecteur pour l’agent. Ainsi les articles L.134-1 et suivants du Code de commerce (ayant codifié la loi de 1991 précitée) consacrent notamment le droit quasi-automatique de l’agent à une indemnité compensatrice « en cas de cessation de ses relations avec le mandant » (article L.134-12 du Code de commerce), étant rappelé que, de son côté, la jurisprudence vient, la plupart du temps, interpréter en faveur de l’agent les dispositions législatives. Ainsi est-il désormais établi par une jurisprudence constante que l’indemnité compensatrice à laquelle a droit l’agent s’élève, en général, à deux ans de commissions brutes, que le contrat d’agence ait été à durée déterminée ou indéterminée.

Dans l’éventail des décisions rendues périodiquement sur le statut d’agent commercial, deux arrêts récents de la Cour de cassation des 15 et 29 septembre 2009 doivent retenir notre attention en ce qu’ils viennent apporter – ce  qui est rare –  une interprétation restrictive des droits de l’agent commercial dans deux domaines particuliers que sont (i) l’exercice de l’action en réparation dans un délai d’un an à compter de la rupture des relations et (ii) le droit à l’indemnité de remploi consacré depuis quelques années par un courant jurisprudentiel des juges du fond.

1. L’exercice de l’action en réparation par l’agent commercial

Aux termes de l’article L.134-12 du Code de commerce, « l’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits ». Jusqu’alors la jurisprudence n’attachait aucun formalisme particulier à la notification concernée  – du moment que l’intention de l’agent y est exprimée de manière non équivoque – considérant notamment qu’une assignation en référé manifestait de façon expresse l’intention de l’agent de faire valoir ses droits (Cour d’appel de Paris, 20 octobre 2004).

Dans un arrêt du 29 septembre 2009, la Cour de cassation reprécise, au détriment de l’agent commercial, ce qu’il faut entendre par « notification » au mandant de l’intention de faire valoir ses droits. En l’espèce, l’agent est sanctionné pour avoir mal qualifié juridiquement la relation qui l’unissait avec son mandant !

Après cessation le 30 mars 2004 du contrat le liant à son mandant, l’agent commercial, s’estimant salarié, l’a assigné le 10 juin 2004 en paiement d’indemnités et dommages et intérêts devant le conseil de prud’hommes ; sa demande ayant été déclarée irrecevable par la juridiction prud’homale le 6 juin 2005, l’agent commercial a introduit une action en réparation devant le Tribunal de commerce.

Pour contrer l’argument sur la déchéance de ses droits que le mandant n’a pas manqué de lui opposer, l’agent considérait que « l’assignation devant le conseil des prud’hommes valait notification » de son intention non équivoque de réclamer des indemnités « peu important qu’elle ait été présentée devant une juridiction incompétente sous une qualification erronée ». La Cour d’Appel de Montpellier lui a donné raison, contredite en cela par la Cour de cassation laquelle estime, en définitive, que les demandes de l’agent « présentées devant le Conseil des prud’hommes et fondées sur l’existence d’un prétendu contrat de travail, ne pouvaient valoir notification [au mandant] de l’intention de l’intéressé de réclamer une indemnisation au titre de la cessation d’un contrat d’agent commercial ».

L’agent est donc déchu de son droit d’agir en réparation.

2. Le coup d’arrêt porté à « l’indemnité de remploi » accordée à l’agent commercial

Depuis ces dernières années, un courant jurisprudentiel de plus en plus nourri octroyait à l’agent commercial, en sus de l’indemnité compensatrice, une indemnité dite de « remploi » censée compenser la charge fiscale pesant sur l’agent au titre de l’indemnité de fin de contrat.

En effet, l’indemnité de fin de contrat est en principe soumise à l’imposition des plus-values à court terme, c’est-à-dire aujourd’hui à un prélèvement de 28,1% pour les personnes physiques (16% + 12,1% de prélèvements sociaux) et environ 33% pour les personnes morales.

De nombreux juges du fond, estimant qu’il n’était pas équitable que l’indemnité compensatrice versée à l’agent soit entamée du montant de cette imposition, ont dès lors jugé qu’une indemnité complémentaire autonome (couvrant cette charge fiscale) devait également être versée par le mandant, ce qui augmentait de plus d’un quart le coût de la rupture du contrat d’agence commerciale (l’assiette de calcul de l’indemnité de remploi étant l’indemnité de fin de contrat).

Ainsi, les juges du fond motivent le plus souvent, au travers d’une jurisprudence abondante, l’octroi d’une indemnité de remploi de la manière suivante : « en application du principe de réparation intégrale, l’indemnité de remploi est donc due puisqu’elle constitue une conséquence fiscale directe de l’indemnité de résiliation qui n’aurait pas existé si le contrat s’était poursuivi ».

C’était sans compter une décision récente de la Cour de cassation du 15 septembre 2009 qui met un coup d’arrêt brutal à la jurisprudence en faveur d’une indemnité de remploi. Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation estime « qu’a violé l’article L.134-12 du Code de commerce la cour d’appel qui, pour condamner la société à verser à l’agent commercial la somme de 39 514,78 euros à titre d’indemnité de remploi, a retenu que la réparation du préjudice devant être intégrale, c’est à bon droit que celui-ci réclame une indemnité de remploi pour compenser l’incidence fiscale résultant de l’imposition de l’indemnité de résiliation qui lui est allouée, alors que l’assujettissement à l’impôt de l’indemnité de cessation de contrat ne constitue pas un préjudice réparable ».