Bientôt une nouvelle directive sur la lutte contre la criminalité environnementale
Un accord provisoire a été conclu entre le Parlement européen et le Conseil sur la protection de l’environnement par le droit pénal[1].
Cet accord porte sur une proposition de directive dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité de l’application du droit pénal et de lutter contre les infractions environnementales les plus graves qui peuvent avoir des effets dévastateurs tant sur l’environnement que sur la santé humaine.
La criminalité environnementale est en effet l’une des activités les plus lucratives de la criminalité organisée dans le monde et a des conséquences importantes non seulement sur l’environnement mais également sur la santé humaine[2].
Cette forme de criminalité peut recouvrir une grande variété d’actes : la collecte, le transport, la valorisation ou l’élimination inappropriés de déchets ; l’émission ou le rejet illégal de substance dans l’atmosphère, l’eau ou le sol ; ou encore la mise à mort, la destruction, la détention ou le commerce d’espèces animales ou végétales sauvages protégées.
L’objectif de la future directive est de mettre à jour les règles de l’Union européenne dans ce domaine et les sanctions qui en découlent.
Une première directive de l’Union européenne relative à la protection de l’environnement par le droit pénal a en effet été adoptée en 2008[3].
Mais à la suite d’une évaluation réalisée en 2019-2020, la Commission européenne a conclu que l’effet de la directive avait été limité, étant donné que le nombre d’affaires ayant fait l’objet d’une enquête ayant abouti et donnant lieu à une condamnation restait faible. Les sanctions imposées étaient en outre trop faibles pour être dissuasives et la coopération transfrontière n’avait pas été systématique. Or, selon les estimations du PNUE et d’Interpol, les pertes annuelles causées par la criminalité environnementale se situent entre 91 et 258 milliards de dollars en 2016[4].
Le 15 décembre 2021, la Commission a donc présenté une proposition visant à améliorer l’efficacité de la directive[5].
C’est cette proposition de directive qui a fait l’objet d’un accord provisoire entre le Parlement européen et le Conseil.
Nouvelles infractions
La future directive fournira une liste mise à jour des actes liés à l’environnement qui sont considérés comme des infractions pénales au niveau européen.
On passerait ainsi de neuf à dix-huit le nombre d’infractions qui existent actuellement dans le droit pénal de l’Union européenne.
Cette liste comprendra, entre autres infractions, l’importation et l’utilisation du mercure et des gaz à effet de serre fluorés, l’importation d’espèces invasives, l’épuisement illégal des ressources en eau, la pollution causée par les navires, le trafic de bois, le recyclage illégal de composants polluants des navires et les infractions graves à la législation sur les produits chimiques.
Pour le reste, les infractions déjà existantes seront clarifiées.
La liste en revanche ne visera pas la législation sur les OGM ou la pêche illégale.
Infractions qualifiées
La notion d’ « infraction qualifiée » serait introduite.
Les infractions visées dans la directive, et commises intentionnellement, seront considérées comme des infractions qualifiées si elles causent la destruction, la dégradation irréversible, étendue et substantielle, ou la dégradation durable, étendue et substantielle d’un écosystème d’une taille considérable ou d’une grande valeur environnementale, ou d’un habitat naturel au sein d’un site protégé, ou de la qualité de l’air, de la qualité du sol ou de la qualité de l’eau.
Sanctions
Une des nouveautés consistera à appliquer des types et des niveaux de sanctions similaires aux personnes physiques et morales dans l’ensemble de l’UE.
Par exemple, la collecte, le transport et le traitement illégaux de déchets ou la mise sur le marché de bois récolté illégalement ou de produits dérivés fabriqués à partir de bois récolté illégalement seront passibles d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins cinq ans dans les États membres.
Pour les personnes physiques qui commettent l’une des infractions visées par la directive, le texte prévoit les sanctions suivantes :
- Pour les infractions intentionnelles causant le décès d’une personne : une peine d’emprisonnement maximale d’au moins dix ans ;
- Pour les infractions qualifiées ayant des conséquences catastrophiques : une peine d’emprisonnement maximale d’au moins huit ans ;
- Pour les infractions commises du fait d’au moins une négligence grave causant la mort d’une personne : une peine d’emprisonnement maximale d’au moins cinq ans ;
- Pour les autres infractions intentionnelles visées par la législation : une peine d’emprisonnement maximale d’au moins cinq ans ou d’au moins trois ans.
Pour les personnes morales, le texte prévoit les sanctions suivantes :
- Pour les infractions les plus graves : une amende maximale d’au moins 5 % du chiffre d’affaires mondial total de la personne morale ou, à défaut, de 40 millions d’euros ;
- Pour toutes les autres infractions : une amende maximale d’au moins 3 % du chiffre d’affaires mondial total de la personne morale ou, à défaut, de 24 millions d’euros.
Des mesures supplémentaires peuvent également être prises, y compris l’obligation pour l’auteur de l’infraction de restaurer l’environnement ou de compenser les coûts liés au dommage, l’exclusion de l’accès au financement public ou le retrait des permis ou autorisations.
Les dommages particulièrement graves causés à l’environnement devront être traités comme une infraction aggravée, avec des sanctions plus élevées.
En outre, il existera des circonstances aggravantes spécifiques et des sanctions et mesures accessoires (en plus des sanctions financières) pour permettre une réponse adaptée à des infractions spécifiques.
Enfin, les personnes qui signalent des infractions environnementales et coopèrent avec les autorités répressives bénéficieront de mesures de soutien dans le cadre de la procédure pénale.
Prochaines étapes
L’accord doit encore être confirmé par les deux institutions avant de faire l’objet de la procédure d’adoption formelle.
Il appartient à présent au Parlement européen et au Conseil d’adopter formellement l’accord politique.
La directive entrera en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Une fois la nouvelle directive entrée en vigueur, les États membres devront inclure dans leur droit pénal les règles précitées.
[1] Communiqué de presse de la Commission européenne, 16 novembre 2023. Disponible à l’adresse : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_5817. Communiqué de presse du Parlement européen, 16 novembre 2023. Disponible à l’adresse : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20230929IPR06108/criminalite-environnementale-nouvelles-infractions-et-sanctions-renforcees
[2] Infographie du Conseil européen, mise à jour le 11 août 2023. Disponible à l’adresse : https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/eu-fight-environmental-crime-2018-2021/
[3] Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Disponible à l’adresse : http://data.europa.eu/eli/dir/2008/99/oj
[4] Programme des Nations-Unies pour l’environnement et Interpol (2016). Strategic Report: Environment, Peace and Security: A Convergence of Threats. https://wedocs.unep.org/20.500.11822/17008
[5] Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant la directive 2008/99/CE. Disponible à l’adresse : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2021%3A851%3AFIN