CHSCT : récentes évolutions légales et jurisprudentielles
Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), partenaire social au domaine restreint, est devenu au fil du temps un acteur incontournable, impliqué dans de nombreuses étapes de la vie quotidienne des entreprises.
Cette implication croissante de cette institution est logique au vu de l’importance prise par les préoccupations et les obligations liées à la santé au travail dans les entreprises, toutes activités et toutes dimensions confondues.
Rappelons que l’employeur a une obligation de résultat en termes de santé au travail, santé physique mais aussi santé mentale (article L. 4121-1du Code du travail). La jurisprudence en ces domaines est fournie. Les tribunaux ont notamment eu à traiter du rôle du CHSCT dans les consultations dont l’objet peut avoir un possible lien avec la santé des salariés, et sur les expertises, sources de difficultés dans les entreprises, notamment du fait des coûts importants qu’elles engendrent.
Petit tour de piste des récentes évolutions en la matière.
1. L’interprétation extensive de la modification des conditions de travail et de la mutation technologique
Nous relèverons l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 août 2013 (n° 13/05861) qui confirme la tendance des tribunaux à interpréter de manière extensive les obligations issues de l’article L.4612-8 du Code du travail qui prévoit la consultation du CHSCT « avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».
En l’espèce, SFR Rive Défense consulte ses Comité d’Entreprise (CE) et Comité Central d’Entreprise (CCE) lors du déploiement de la technologie 4G devant devenir le pivot de sa stratégie commerciale. La société se contente d’informer le CHSCT, estimant que cette évolution n’avait aucune conséquence sur les conditions de travail des salariés. Le déploiement de la 4G est piloté par sept chefs de projet qui, pour ce faire, ont suivi deux jours de formation.
Le CHSCT réclame quant à lui une véritable consultation et l’élaboration d’un plan d’adaptation. Et il l’obtiendra. La Cour d’Appel de Versailles a considéré qu’un projet d’une telle importance stratégique a évidemment une incidence sur les conditions de travail des salariés. Ce qui démontre à quel point les évidences des uns ne sont pas celles des autres ! Le juge part du principe que si la 4G ne concerne que quelques chefs de projet, « dans sa phase finale, [elle] aura une incidence importante sur d’autres secteurs d’activité tels les commerciaux ».
Dès lors, ce qui est stratégique pour l’entreprise relèverait nécessairement du domaine de consultation du CHSCT et non seulement du CE.
Force est de constater que la consultation préalable du CHSCT avant toute consultation du CE relative aux activités et aux évolutions de la société, devient incontournable. La Cour de Cassation l’a rappelé récemment à plusieurs reprises (Cass. Soc., 4 juillet 2012, n°11-19.678 et 10 juillet 2013, n°12-17.196). La Cour d’appel de Versailles a étendu cette obligation à un cas dans lequel l’évolution en cause n’avait pas de conséquence immédiate sur les conditions de travail ni sur les postes.
Certes toute évolution est susceptible de générer des questionnements donc des inquiétudes chez les salariés … ce qui peut être source de stress et affecte donc au final leurs conditions de travail. Ce qui à ce titre, est suffisant pour justifier la consultation du CHSCT.
Un autre volet du litige visait l’obligation d’élaboration d’un plan d’adaptation, devant faire l’objet d’une consultation du CHSCT, dès lors que l’employeur envisage de mettre en œuvre des mutations technologiques importantes et rapides (Articles L.4612-10 et L.2323-14 du Code du travail). En l’espèce, la 4G était considérée par SFR comme une évolution des technologies existantes (2G et 3G) ce qui excluait la notion de « mutation technologique » visée par le Code du travail et mettait en avant que la 4G était une évolution à destination de la clientèle et n’était en aucun cas un nouvel outil mis à disposition du personnel, qui conserve ses méthodes de travail habituelles et des missions identiques.
Qu’importe ces arguments semblant pourtant évidents ! La Cour considère que l’introduction de la 4G est un projet important qui impacte le personnel et dont la mise en œuvre est rapide. Dès lors, le déploiement de la 4G doit faire l’objet d’un plan d’adaptation !
2. L’articulation des compétences CE/CHSCT
Dans de nombreux domaines, les compétences de ces deux instances sont donc dorénavant complémentaires et indissociables.
L’avis émis par le CHSCT étant nécessaire à l’examen du dossier en cause par le CE, l’entreprise doit consulter le CHSCT avant le CE ou, au plus tard concomitamment afin que le CE dispose de l’avis du CHSCT pour lui-même se positionner et émettre son propre avis.
La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a modifié l’article L.2323-3 du Code du travail qui dispose : « Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut, un décret en Conseil d’Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité d’entreprise sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L.2323-6 à L.2323-60, ainsi qu’aux article L.2281-12, L.2323-72 et L.3121-11. Ces délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d’entreprise d’exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l’importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l’information et de la consultation du ou des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. »
Le décret 2013-552 du 26 juin 2013 a pour sa part modifié l’article R.4614-3 pour intégrer un délai spécifique de trois jours en cas de convocation du CHSCT dans le cadre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs.
3. L’instance de coordination des CHSCT
Créée par la loi de sécurisation de l’emploi, l’instance de coordination est une instance facultative et temporaire, qui a pour vocation d’organiser le recours à une expertise unique quand plusieurs CHSCT d’établissements sont concernés par le projet en cause.
Seul l’employeur peut être à l’origine de la mise en place de cette instance. Il en est le premier bénéficiaire puisqu’il pourra ainsi éviter les coûts de multiples expertises faites par chaque CHSCT.
C’est une instance temporaire, composée de l’employeur, de un à trois représentants (selon le nombre de CHSCT concernés) de chaque CHSCT concerné par le projet et de tiers (médecin du travail, inspecteur du travail, etc.).
Les représentants des CHSCT sont désignés par la délégation du personnel de chaque CHSCT, en son sein, et pour la durée de leur mandat. Cette désignation doit intervenir lors de la première réunion suivant l’élection, et doit indiquer l’ordre de priorité des trois représentants. Pour les CHSCT en place au 1er juillet 2013, la désignation doit intervenir lors de la première réunion du CHSCT suivant cette date.
Les représentants désignés ne bénéficient pas d’heures de délégation en sus, mais l’article L.4614-3 du Code du travail a été modifié et intègre la participation à l’instance comme motif de dépassement des heures de délégation attribuées.
L’instance peut rendre son propre avis sur le projet mais ce n’est pas automatique. Elle devra en décider lors de sa première réunion (Art. R.4616-8). Cet avis est alors transmis, avec le rapport de l’expert, à chacun des CHSCT qui rendront à leur tour leur avis, l’instance de coordination ne se substituant pas à chacun des comités concernés.
La loi de sécurisation de l’emploi a encadré les délais de consultation, d’expertise, de remise des avis. Nul doute que les entreprises auront du mal à concilier ces multiples délais applicables aux divers intervenants. Ce sera plus particulièrement le cas pour les projets de restructuration et de compression d’effectifs.