Contrôle des investissements étrangers en France : entre renforcement et plus grande lisibilité pour les investisseurs
« Dans un contexte mondial de tensions commerciales et de repli protectionniste, la France confirme son attractivité et son ouverture au monde ». Ce bilan, issu d’un rapport de Business France[1] sur les investissements étrangers en France, confirme l’amélioration de l’attractivité de la France au cours de l’année 2018.
Attractivité ne rime toutefois pas avec absence de contrôle pour autant qu’un cadre juridique simple et rapide soit proposé aux investisseurs étrangers.
C’est dans ce contexte que deux textes sont récemment venus finaliser le dispositif du contrôle des investissements étrangers en France.
La maîtrise et le contrôle des investissements étrangers se sont largement intensifiés à travers le monde et de nombreux pays se sont dotés d’un cadre législatif adapté. Au niveau européen, un cadre juridique commun aux pays membres, issue du Règlement n°2019/452 du 19 mars 2019, établissant un filtrage des investissements directs dans l’union européenne et une coopération entre Etats membres, entrera en application le 11 octobre 2020.
Le décret n°2019-1590 du 31 décembre 2019 et l’arrêté daté du même jour, relatifs aux investissements étrangers en France, achèvent la réforme du contrôle des investissements engagée depuis déjà plusieurs mois par la France dans le cadre du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Loi PACTE du 22 mai 2019[2]). Les dispositions en résultant entreront en vigueur à compter du 1er avril 2020.
La liberté des relations financières entre la France et l’étranger reste le principe mais certains investissements doivent toutefois se soumettre à une procédure d’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie si plusieurs conditions sont réunies.
Critères d’éligibilité à la procédure d’autorisation : une extension du champ d’application
La procédure d’autorisation préalable s’impose à certains investisseurs effectuant certains types d’investissements dans des domaines d’activité dits « sensibles », précisément définis.
Préalable indispensable, l’investissement doit être réalisé par un investisseur[3] (i) personne physique de nationalité étrangère, (ii) personne physique de nationalité française non domiciliée en France, (iii) entité de droit étranger ou (iv) entité de droit français contrôlée[4] par une ou plusieurs personnes mentionnées ci-avant.
Toute opération consistant en l’acquisition d’une branche d’activité ou dans la prise de contrôle d’une entité de droit français par un investisseur, tel que défini ci-avant, constitue un investissement au sens de la règlementation sur le contrôle des investissements étrangers.
Par ailleurs, le décret du 31 décembre 2019 soumet également à autorisation tout investissement entraînant un franchissement de seuil de 25% de détention des droits de vote d’une entité de droit français, contre 33% jusqu’à présent[5]. Si l’investisseur détenait déjà 25% des droits de vote ayant précédemment donné lieu à autorisation, la nouvelle prise de participation sera, selon le cas, soit dispensée de toute formalité, soit devra faire l’objet d’une notification préalable au ministre de l’économie.
Enfin, les activités, dites « sensibles » touchant jusqu’à présent principalement à la défense nationale ou susceptibles de mettre en jeu l’ordre public et les activités essentielles à la garantie des intérêts du pays ont été étendues au domaine des médias et de la presse écrite papier et numérique, ainsi que de la sécurité alimentaire, du stockage d’énergie et des technologies quantiques. Une analyse attentive du nouvel Article R. 151-3 du Code monétaire et financier devra être effectuée par l’investisseur et la structure cible avant la réalisation de l’opération.
Meilleur encadrement des délais d’instruction de la demande d’autorisation
Jusqu’ici, l’administration disposait d’un délai de deux mois pour se positionner sur la demande d’autorisation, alors même qu’une incertitude pouvait exister sur l’éligibilité de l’investissement à la procédure de contrôle en raison parfois de la difficulté à déterminer si des intérêts nationaux pouvaient être concernés. Dans le doute, la prudence imposait la saisine du ministère de l’économie et le délai de deux mois pouvait parfois s’avérer pénalisant pour les protagonistes à l’opération d’investissement.
Avec une première réponse en 30 jours, la procédure garantit désormais un cadre juridique moins contraignant pour les investisseurs. A l’échéance de cette première période, le ministre chargé de l’économie indiquera que soit l’opération ne relève pas de la procédure d’autorisation, soit en relève et est autorisée sans condition, soit qu’elle en relève et qu’un examen complémentaire est nécessaire. Le ministre disposera alors d’un délai supplémentaire de 45 jours[6], à l’issue duquel, en l’absence de réponse, la demande d’autorisation sera réputée rejetée.
Des sanctions adaptées en cas de défaut d’autorisation ou de non-respect des conditions de l’autorisation
Afin de répondre efficacement aux différents manquements potentiels, la loi PACTE a introduit différentes mesures permettant une meilleure graduation des sanctions, en fonction du défaut constaté et de sa gravité. Jusqu’à lors, une opération réalisée sans autorisation préalable était nulle de plein droit, sans possibilité de régularisation.
Ainsi, dans le cadre de ses pouvoirs de police, le ministre pourra :
- Lorsqu’un investissement a été réalisé sans autorisation : enjoindre l’investisseur de déposer une demande d’autorisation à des fins de régularisation, de modifier l’opération ou de rétablir à ses frais la situation antérieure ;
- Lorsqu’une opération a été réalisée au mépris des conditions assortissant l’autorisation : retirer l’autorisation délivrée, imposer le respect des conditions initiales ou en fixer de nouvelles (telles que le rétablissement de la situation antérieure ou la cession des activités).
La
loi PACTE a par ailleurs doté le ministre chargé de l’économie de pouvoirs de
sanctions pécuniaires, pouvant aller jusqu’au double du montant de
l’investissement irrégulier, 10% du chiffre d’affaires de la société cible, 1
million d’euros pour une personne physique ou 5 millions d’euros pour une personne
morale. Ce dispositif de sanctions étant principalement destiné à dissuader des
investissements réalisés pour un euro symbolique.
[1] Agence gouvernementale notamment chargée d’aider les entreprises dans leur développement à l’international et d’attirer des investisseurs étrangers en France
[2] LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
[3] Article R. 151-1 (I) du Code monétaire et financier
[4] Article R. 151-1 (II et III) du Code monétaire et financier sur la notion de contrôle et de chaine de contrôle
[5] Article R. 151-2 du Code monétaire et financier
[6] Article R. 151-6 du Code monétaire et financier