Coronavirus Covid-19 – Responsabilité pénale des employeurs : véritable atténuation ou simple rappel du principe d’individualisation des peines ?
Le 11 mai 2020, l’état d’urgence sanitaire a été prorogé par l’adoption de la loi n°2020-546[1], complétant ainsi les dispositions existantes. Cette loi vise notamment à atténuer la responsabilité de l’employeur en cas de contamination ou d’exposition à la contamination du Covid-19.
En effet, nombreuses sont les entreprises qui ont dû continuer à fonctionner depuis le début de la crise, exposant les salariés à un risque de contamination. En cas de contraction par l’un deux du virus, l’employeur pourrait voir sa responsabilité, tant celle du dirigeant personne physique que celle de la personne morale, être recherchée.
C’est dans ce contexte que le gouvernement a entrepris d’atténuer la responsabilité pénale de l’employeur. Toutefois, s’agit-il véritablement d’une atténuation ou d’un simple rappel du principe de l’individualisation des peines ?
La loi du 11 mai 2020 insère un article L. 3136-2 au Code de la santé publique, ainsi rédigé : « L’article 121-3 du Code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. »
Faute de dépénaliser purement et simplement la contamination ou le fait d’être exposé au Covid-19, pour les salariés ayant continué à se rendre sur leur lieu de travail pendant toute la période de la crise, le texte invite simplement le juge à prendre en compte le contexte infractionnel avant de condamner.
En principe, en vertu de l’individualisation des peines, le juge est tenu de se pencher sur les circonstances entourant l’infraction et sur la personnalité de son auteur. Il est à espérer que cette piqûre de rappel incitera davantage les juges à s’intéresser concrètement aux situations infractionnelles et surtout à leur auteur.
Toutefois, il convient de préciser que la disposition nouvellement insérée dans le Code de la santé publique n’a vocation qu’à s’appliquer à des faits commis pendant la période d’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire entre le 24 mars 2020 et le 10 juillet 2020. Par ailleurs, cette disposition s’applique aux décideurs chargés d’exécuter les mesures d’état d’urgence sanitaire, en opposition aux politiques chargés de décider lesdites mesures.
Quelques difficultés d’appréciation et d’application sont tout de même prévisibles. Le Code du travail prévoit que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. S’il ne prend pas ces mesures, alors même que les salariés sont exposés au Covid-19, la violation des dispositions du Code du travail peut constituer une atteinte à l’intégrité d’autrui ou une mise en danger de la vie d’autrui. Ces infractions seront respectivement constituées dès lors que le salarié aura contracté le Covid-19 ou lorsqu’il sera exposé à un risque de le contracter.
L’étendue de la responsabilité de l’employeur dépendra alors du lien de causalité (direct ou indirect) et de la nature de la faute (simple ou qualifiée). Toute la difficulté réside dans l’appréciation du comportement fautif : est-il constitutif d’un simple manquement ou d’une violation délibérée ?
Les recommandations sanitaires ont été évolutives tout au long de la crise, notamment en ce qui concerne le port du masque. L’employeur qui n’a pas rendu obligatoire le port du masque par ses salariés dès le début de la crise va-t-il voir sa responsabilité être recherchée ? Tout comme celui qui n’a pas été en mesure de fournir des masques à ses salariés dès le début de la crise ? Par rapport à quel comportement d’une personne normalement diligente les juges vont-ils devoir se prononcer ?
Le texte n’apportant aucune précision à ce sujet, les juges devront apprécier chaque situation. Ils pourront par exemple avoir recours à la jurisprudence existante en matière d’amiante, celle-ci considérant que l’exposition d’un salarié à l’amiante est constitutive d’une mise en danger de la vie d’autrui de la part de l’employeur, étant donné la dangerosité connue de l’amiante. Le raisonnement pourrait tout à fait être le même s’agissant du Covid-19.
[1]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041865244&categorieLien=id#:~:text=LOI%20n%C2%B0%202020%2D546,et%20compl%C3%A9tant%20ses%20dispositions%20%7C%20Legifrance