Création d’une chambre spécialisée dans les litiges du commerce international au sein de la Cour d’appel de Paris
Le 7 février 2018, la Cour d’appel de Paris s’est dotée d’une nouvelle chambre spécialisée dans les litiges du commerce international.
Après le Brexit et dans un contexte de repositionnement de la France sur la scène internationale économique, Paris renforce son attractivité pour les investisseurs étrangers.
Article rédigé en collaboration avec Marie Stervinou, juriste-stagiaire
Le Brexit laisse à Paris l’opportunité de récupérer une partie du contentieux économique international jusqu’alors jugé à Londres. En effet, en quittant l’Union européenne, le Royaume Uni se prive du dispositif de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires prévu par le règlement Bruxelles I bis, ce qui obligera les opérateurs économiques à faire une demande d’exequatur dans chaque Etat de l’Union européenne afin d’y faire reconnaitre et exécuter les décisions britanniques.
La volonté de créer une chambre internationale au sein de la Cour d’appel s’est manifestée dès le mois de mars 2017 par la publication d’un rapport du Haut comité juridique de la place financière de Paris intitulé « Préconisations sur la mise en place à Paris de chambres spécialisées pour le traitement du contentieux international des affaires ».
L’idée n’est pas nouvelle puisque le Tribunal de commerce de Paris compte depuis 1995 une chambre internationale. Fusionnée en 2015 avec la chambre de droit européen créée en 1997, la Chambre internationale et de droit européen est composée de juges anglophones.
La création d’une chambre spécialisée au sein de la Cour d’appel de Paris permet à la capitale de se doter d’un second degré de juridiction et ainsi de compléter son offre internationale, déjà importante en raison de sa notoriété en matière d’arbitrage (avec notamment la Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale).
C’est dans ce contexte qu’ont été signés le 7 février 2018 par la Garde des sceaux, Nicole Belloubet, deux protocoles : l’un relatif au Tribunal de commerce de Paris et l’autre à la Cour d’appel de Paris. L’objectif est d’organiser les modalités selon lesquelles les affaires internationales seront examinées et jugées.
La procédure sera similaire devant les deux degrés de juridictions et les magistrats appliqueront aussi bien le droit français que les dispositions de droits étrangers.
Ces deux chambres seront compétentes pour traiter des contentieux:
- en matière de contrats commerciaux et de rupture commerciale,
- en matière de transport,
- en matière de concurrence déloyale,
- actions en réparation à la suite de la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles,
- et enfin les litiges en matière d’opérations sur instruments financiers, conventions-cadre de place, de contrats, d’instruments et de produits financiers.
Par ailleurs, pour que la juridiction parisienne soit une réelle alternative aux juridictions anglo-saxonnes et attire les opérateurs économiques internationaux, elle autorise, sous certaines conditions, l’usage de la langue anglaise et privilégie la procédure testimoniale.
- L’admission de la langue anglaise
L’Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) et la Constitution française imposent l’usage du Français au cours des procédures judiciaires. Conformément à ces deux textes, les actes de procédures produits devant les juridictions françaises doivent être rédigés en français. Toute pièce rédigée en langue étrangère doit être accompagnée d’une traduction en français.
Devant les chambres internationales Parisiennes, les pièces en langue anglaise pourront être versées au débat sans traduction. Les actes de procédure devront en revanche nécessairement être rédigés en français, accompagnés ou non de traduction en langue étrangère.
Les plaidoiries seront en français, mais pourront faire l’objet d’une traduction simultanée par un interprète, aux frais de la partie qui le demande. Cela étant, les parties qui comparaissent devant le juge (témoins, experts, avocats) seront autorisées à s’exprimer en langue anglaise.
Les décisions seront rendues en langue française avec une traduction jurée en anglais.
- La procédure testimoniale
Les procédures françaises sont essentiellement écrites en matière de contentieux économique. Même si théoriquement la procédure est orale devant le Tribunal de commerce, en pratique les échanges de preuve se font essentiellement par écrit. Devant la Cour d’Appel, la procédure est écrite.
L’intérêt de ces chambres internationales est qu’elles permettent une procédure plus orale sur le modèle du Common Law. Les audiences seront plus longues avec la possibilité d’auditionner des témoins, les parties pourront comparaitre personnellement et pourront demander la production forcée de documents détenus par l’autre partie ou un tiers.
Ces protocoles entreront en vigueur dès le mois de mars 2018. Le recrutement du personnel (magistrats, greffiers, assistants de justice) hautement qualifié a déjà commencé.