Devenir des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine français des non-résidents à la lumière du droit européen
Depuis la seconde Loi de Finances Rectificative du 16 aout 2012, les personnes domiciliées fiscalement hors de France sont soumises aux prélèvements sociaux (CSG/CRDS) sur leurs revenus patrimoniaux immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers).
Contesté devant les Cours européennes, ce dispositif voit son avenir incertain.
Depuis la seconde Loi de Finances Rectificative du 16 aout 2012, toutes les personnes domiciliées fiscalement hors de France, sont soumises aux prélèvements sociaux sur leurs revenus patrimoniaux immobiliers.
En effet, tant les plus-values immobilières que les revenus fonciers sont frappés par lesdits prélèvements à un taux actuel de 15.5%, conformément aux dispositions des articles 1600-0 C et suivants du Code Général des Impôts, et L136-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.
À titre indicatif, ces prélèvements sociaux sont composés notamment par :
- la Contribution Sociale Généralisée (CSG),
- la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS),
- le Prélèvement social de 2%, et
- la Contribution additionnelle de 0.3%.
Une évaluation déposée à l’Assemblée nationale estime le montant total de ces prélèvements sociaux à hauteur de 244 millions d’euros pour l’année 2012.
Or il convient de souligner que l’ensemble de ces prélèvements tendent à financer des régimes obligatoires de sécurité sociale français (maladie, famille, vieillesse, etc.) ou à en apurer les déficits.
Largement décriés, notamment au regard du règlement européen (art 13 §1 du règlement n°1408/71) et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes de 2000 (CJCE 15/2/2000, C-169/98), ces prélèvements semblent contraires aux dispositifs européens tendant à lutter contre le cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale dans plusieurs États membres.
À ce titre, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la France (EU Pilot 2013/4168), qui s’est toutefois vue suspendue en raison d’une question préjudicielle déposée par le Conseil d’État devant la Cour de Justice de l’Union européenne.
La question préjudicielle était la suivante :
« Des prélèvements fiscaux sur les revenus du patrimoine tels que la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, la contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur ces mêmes revenus, le prélèvement social de 2 % et la contribution additionnelle à ce prélèvement, présentent-ils, du seul fait qu’ils participent au financement de régimes obligatoires français de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l’article 4 du règlement [(CEE) n° 1408/71 du Conseil], du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et entrent-ils ainsi dans le champ de ce règlement ? »
Si cette dernière ne s’est pas encore prononcée, l’avocat général, Me Sharpston, a récemment rendu ses conclusions.
Au travers de son raisonnement, il semble aisé de percevoir la probable position de la Cour de Justice de l’Union européenne. On rappelle que la France sera tenue de respecter la décision contraignante de cette dernière et devra aménager son système législatif en fonction.
Voici quelques précisions :
Est-ce que le règlement est applicable ?
Le règlement visé est un règlement dit de coordination, ne cherchant pas à harmoniser les systèmes de sécurité sociale de chaque État membre, mais à établir des règles de conflit de lois afin d’éviter qu’un même contribuable participe au financement de plusieurs régimes de sécurité sociale alors qu’il ne saurait bénéficier de la protection que d’un seul.
S’il convient d’interpréter ce règlement à la lumière de l’article 48 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), relatif à la libre circulation des travailleurs, il faut néanmoins préciser que le règlement ne joue que lorsqu’une contribution présente un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois qui régissent l’une des branches de sécurité sociale.
Il a été jugé que tel est le cas notamment lorsqu’une contribution est spécifiquement affectée au financement du régime de sécurité sociale d’un État membre, peu important de savoir s’il existe ou non des prestations en contrepartie.
En l’espèce, et conformément à la position retenue par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) en 2000, les prélèvements français (CSG, CRDS) sont reconnus comme « affectés de manière spécifique et directe au financement du régime de sécurité sociale français » et présentent par conséquent, un lien suffisant pour rendre le règlement applicable.
De surcroît, si la Cour s’était prononcée en 2000 sur des revenus issus de l’exercice d’une activité professionnelle, il est à prévoir qu’une telle solution soit également applicable aux revenus résultants du patrimoine de chaque contribuable concerné. Une solution contraire risquerait de créer une véritable disparité dans la protection qu’accorde l’article 13 §1 du règlement en fonction de l’origine du revenu du contribuable.
Enfin, si le règlement vise à assurer la libre circulation des travailleurs salariés et non-salariés dans l’Union, l’exercice effectif d’une activité professionnelle est en réalité sans importance.
En effet, selon une jurisprudence constante, le règlement vise toute personne dès lors qu’elle est assurée, ne serait-ce que contre un seul risque, au titre d’une assurance obligatoire ou facultative auprès d’un régime général ou particulier de sécurité sociale prévu par ledit règlement, peu important l’existence d’une relation de travail.
Quelle en est l’incidence ?
La conséquence de l’application de cet article 13 §1 du règlement, qui est une règle absolue (sauf exceptions prévues aux articles 14 quater et 14 septies), veut que toute personne relevant du champ d’application du règlement soit uniquement soumise à la législation de l’État dont elle est effectivement bénéficiaire, peu importe qu’elle réside dans un autre État.
Dès lors, les non-résidents ne sauraient être soumis à des prélèvements sociaux sur leurs revenus fonciers et plus-values immobilières d’origine française résultant de la législation d’un État (en l’occurrence français) autre que celle de leur État de résidence.
A contrario, il convient de préciser qu’est également concernée par cette exonération de prélèvements sociaux français, toute personne résidant en France percevant des revenus de source étrangère, dès lors que le redevable est affilié à un régime de sécurité sociale autre que français (par exemple en raison de l’exercice exclusif de son activité professionnelle principale hors de France).
L’article L136-1 du Code de la Sécurité Sociale semble aller en ce sens en précisant que sont assujetties à de tels prélèvements, « Les personnes physiques qui sont considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire d’assurance maladie français ».
C’est d’ailleurs à ce titre que nous pensons qu’il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les non-résidents européens et les non-résidents mondiaux.
S’il existe pourtant certaines distorsions entre ces deux catégories de non-résidents (par exemple avant la loi de Finances de 2015 les plus-values immobilières taxées à 19% pour les résidents UE et à 33.33% pour les résidents hors UE), il nous semble que le fondement du raisonnement doit pouvoir s’étendre.
Ainsi, tout non-résident peut espérer un gain à venir à hauteur de 15.5% sur ses prochaines opérations relatives à des biens immobiliers situés en France si la CJUE se prononce en ce sens. Cependant, cette suppression n’aurait pas d’effet rétroactif, et aucun remboursement des prélèvements déjà acquittés n’est à prévoir.
Notre recommandation : la contestation
Si nul remboursement n’est à prévoir de plein droit, demeure toutefois la possibilité pour chaque non-résident de procéder à une réclamation contentieuse auprès de l’administration en vue de contester ces prélèvements sociaux afin d’obtenir leurs remboursements.
À noter toutefois qu’une telle réclamation doit être réalisée avant expiration du délai de prescription, à savoir :
- Pour les plus-values immobilières : avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle l’impôt contesté a été versé.
- Pour les revenus fonciers : avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle le rôle a été mis en recouvrement.