Point d’étape sur le dispositif de féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises françaises
La loi n°2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite aussi « Loi Copé-Zimmermann », prévoit l’instauration progressive d’une meilleure mixité dans la composition des conseils d’administration des grandes entreprises françaises.
Elle entrera le 1er janvier 2017 dans sa dernière phase de mise en œuvre. L’occasion de faire un point sur ce dispositif qui a déjà trouvé écho dans de nombreux pays.
Le 27 janvier 2011 était promulguée la loi Copé-Zimmermann (la « Loi ») fixant, à l’horizon du 1er janvier 2017, un seuil minimal de 40% de femmes ou d’hommes dans les organes de direction des grandes entreprises. Ce dispositif a été complété par la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 pour l’accès des femmes aux postes de direction dans la fonction publique et, plus récemment, par une loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
1. Les entreprises concernées
S’agissant du secteur privé, l’obligation de mixité instaurée par la loi du 27 janvier 2011 concerne les conseils d’administration et les conseils de surveillance :
- des sociétés cotées, ainsi que
- des sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions non cotées ayant, pour le troisième exercice consécutif, (i) un effectif salarié moyen d’au moins 500 personnes et (ii) un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros.
On peut s’interroger sur la non-application de ce dispositif aux sociétés par actions simplifiées, forme juridique largement utilisée par les groupes de sociétés, même de taille significative, dès lors que ces dernières peuvent statutairement se doter d’un conseil d’administration comme au sein des sociétés anonymes.
2. Instauration de quotas chiffrés progressifs de représentativité
Afin de permettre aux entreprises concernées de se préparer à la mise en œuvre de ce dispositif, la Loi prévoit une période intermédiaire articulée autour de plusieurs étapes, étalées sur six années à compter de la promulgation de la Loi. Ainsi :
- Dès 2011 : si un des deux sexes n’était pas représenté à la date de la promulgation de la Loi, nomination d’au moins un membre du sexe non représenté lors de la plus prochaine assemblée générale ;
- Dès 2014 : la proportion des administrateurs de chaque sexe ne devait pas être inférieure à 20% de l’effectif global du conseil ;
- A compter du 1er janvier 2017 : le quota de représentativité de chaque sexe ne devra pas être inférieur à 40% de l’effectif global du conseil. Par ailleurs, dans les conseils de plus de huit membres, l’écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne pourra être supérieur à deux.
La mise en conformité de la composition des conseils devra être satisfaite lors de la première assemblée générale qui se tiendra après le 1er janvier 2017[1].
- A compter du 1er janvier 2020 : dans les sociétés non cotées, le seuil de 500 salariés sera abaissé à 250 salariés.
3. Sanctions
Le non-respect des règles de mixité hommes/femmes dans les conseils d’administration et de surveillance, est sanctionné par :
- la nullité de la nomination effectuée en violation des règles rappelés ci-dessus, mais pas des délibérations auxquelles aurait pris part l’administrateur ou le membre du conseil de surveillance irrégulièrement nommé ;
- la suspension du versement des jetons de présence tant que la composition du conseil n’est pas régulière.
4. Bilan de la Loi Copé-Zimmerman à la veille de la prochaine échéance du 1er janvier 2017
Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (instance consultative indépendante placée auprès du Premier ministre) a rendu le 10 février 2016 un rapport d’étape sur l’application de la loi du 27 janvier 2011.
D’une manière générale, il en ressort que le dispositif prévu par le Loi « est bien suivi au sein des entreprises cotées ». Toutefois, et malgré le constat d’une dynamique importante, de nombreux observateurs s’accordent sur le fait que le quota de 40% ne sera pas atteint en 2017 dans tous organes de direction concernés par la Loi. Face à cette situation, certains praticiens vont jusqu’à préconiser un renforcement des sanctions, tel que par exemple la nullité des décisions prises par un conseil d’administration ou de surveillance ne remplissant pas les conditions légales de mixité hommes/femmes.
5. Perspective internationale de la mixité hommes/femmes dans les organes de direction
Le déséquilibre hommes-femmes au sein des organes de direction des entreprises reste un défi de taille au niveau international et notamment au sein de l’Union européenne. Les mesures législatives et les initiatives de place en faveur de la mixité dans les organes de direction se sont toutefois multipliées ces dernières années, revêtant différentes formes.[2]
A l’instar de la France, plusieurs pays ont adopté une législature à part entière établissant des quotas contraignants, tantôt assortis de sanctions (Italie, Belgique), tantôt non (Pays-Bas, Espagne). D’autres pays ont préféré élaborer un éventail d’initiatives et d’outils sur une base volontaire. Au Royaume-Uni, le gouvernement a ainsi encouragé les sociétés cotées du FTSE 350 à fixer le pourcentage de femmes qu’elles souhaitent atteindre au sein de leurs plus hauts organes décisionnels. Enfin, il apparait que certaines entreprises européennes, sensibles au rétablissement d’un équilibre entre les hommes et les femmes au sein de leurs organes et à l’enjeu que peut y représenter la présence de femmes, ont spontanément décidé d’agir. Ainsi, en Allemagne, les sociétés du DAX30 ont chacune communiqué leurs objectifs de renforcement de la présence des femmes dans les fonctions managériales.
Il est aussi possible de relever l’initiative de la Commission européenne qui a présenté en 2012 un projet de directive fixant comme objectif de porter à 40% la proportion des membres du sexe sous-représenté aux postes d’administrateurs dans les sociétés cotées, à l’exception des petites et moyennes entreprises. Le projet de directive reste toutefois en suspens puisqu’il n’a toujours pas été adopté à ce jour[3].
Bien que la comparaison entre pays reste délicate puisque que chacune des initiatives a son propre périmètre, il est désormais possible de placer la France dans le groupe des pays dont les mesures ont eu les effets les plus remarquables, puisque en 2015 seule la Norvège possédait, toute comme la France, un taux de féminisation des conseils dans les sociétés cotées dépassant les 30%[4].
[1] Comité Juridique Ansa – Réunion du 7 septembre 2016
[2] Les femmes dans les instances de décision économique au sein de l’UE : Rapport de suivi, Une initiative Europe 2020 – http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/files/women-on-boards_fr.pdf
[3] http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-4563_fr.htm
[4] Sur la base de la 4ème édition de l’étude Deloitte « les femmes dans les conseils d’administration : une perspective globale »,