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Publié le 31 décembre 2024 par Claire Filliatre

Facebook Marketplace : la Commission inflige à Meta une amende de 797,72 millions d’euros pour pratiques abusives

Le 13 novembre dernier, la Commission européenne a infligé une amende de 797,72 millions d’euros à Meta pour avoir enfreint les règles de l’Union européenne en matière de pratiques anticoncurrentielles.

Elle reproche au géant de la tech d’avoir abusé de ses positions dominantes en liant son service d’annonces publicitaires en ligne, Facebook Marketplace, à son réseau social personnel, Facebook, et en imposant des conditions commerciales déloyales à d’autres fournisseurs de services d’annonces publicitaires en ligne.

Contexte règlementaire

L’article 102 du Traité sur le Fonctionnement[1] de l’Union européenne (« TFUE ») et l’article 54 de l’Accord sur l’Espace Economique Européen[2] interdisent l’abus de position dominante.

L’article 102 du TFUE dispose notamment :

« Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats. »

Une position dominante sur le marché n’est en soi pas illégale au regard des règles de concurrence de l’Union européenne.

Il incombe néanmoins tout particulièrement aux entreprises dominantes de veiller à ne pas abuser de leur pouvoir de marché en restreignant la concurrence, que ce soit sur le marché où elles détiennent une position dominante ou sur des marchés distincts.

Faits et procédure de la Commission

Meta est l’une des plus importantes entreprises technologiques multinationales américaine.

Son produit phare est son réseau social personnel « Facebook », lequel permet aux utilisateurs inscrits de créer des profils, de télécharger des photos et des vidéos, d’envoyer des messages et d’être en contact avec d’autres personnes. Meta propose également un service d’annonces publicitaires en ligne, baptisé « Facebook Marketplace », c’est-à-dire une plateforme sur laquelle les utilisateurs de Facebook peuvent s’acheter ou se vendre des biens.

En juin 2021, la Commission européenne (la « Commission ») a ouvert une procédure formelle sur un possible comportement anticoncurrentiel de Facebook.

Cette procédure visait à (i) établir si Facebook avait enfreint les règles de concurrence de l’Union Européenne (« UE ») en utilisant des données publicitaires recueillies en particulier auprès d’annonceurs afin de les concurrencer sur des marchés où Facebook est présente, tel que celui des annonces en ligne, et (ii) déterminer si Facebook liait son service d’annonces en ligne « Facebook Marketplace » à son réseau social, en violation des règles de concurrence de l’UE.

En décembre 2022, la Commission a adressé à Meta une communication des griefs au sujet de pratiques abusives au profit de Facebook Marketplace.

La Commission estimait, d’une part, que la manière dont Facebook Marketplace est intégrée dans le réseau social constituait une forme d’offre liée qui lui conférait un avantage pour atteindre les clients et permettait d’évincer des services d’annonces en ligne concurrents.

Elle soulignait, d’autre part, que Facebook était susceptible de fausser la concurrence dans le secteur des services d’annonces en ligne en utilisant les données obtenues auprès de fournisseurs concurrents faisant la publicité de leurs services sur le réseau social de Facebook afin d’aider Facebook Marketplace à les supplanter. Très concrètement, Facebook pouvait par exemple obtenir des informations précises sur les préférences d’utilisateurs sur la base des activités publicitaires de ses concurrents et utiliser ces données pour ensuite adapter Facebook Marketplace.

Meta a répondu à cette communication en juin 2023.

Décision de la Commission

La Commission a d’abord rappelé que l’enquête avait permis d’établir que Meta occupe une position dominante sur le marché des réseaux sociaux personnels, qui couvre au moins l’Espace économique européen, ainsi que sur les marchés nationaux de l’affichage publicitaire en ligne sur les médias sociaux.

Elle a ensuite constaté que Meta a abusé de ses positions dominantes sur ces marchés, en violation de l’article 102 du TFUE en :

  • liant son service d’annonces publicitaires en ligne Facebook Marketplace à son réseau social personnel Facebook. Cela signifie que tous les utilisateurs de Facebook ont automatiquement accès à Facebook Marketplace et y sont régulièrement exposés, qu’ils le souhaitent ou non. La Commission a constaté que les concurrents de Facebook Marketplace risquaient d’être évincés, étant donné que le lien confère à Facebook Marketplace un avantage substantiel en matière de distribution que les concurrents ne peuvent égaler ;
  • imposant unilatéralement des conditions commerciales déloyales à d’autres fournisseurs de services d’annonces publicitaires en ligne qui font de la publicité sur les plateformes de Meta, en particulier sur ses réseaux sociaux très populaires Facebook et Instagram. Cela permet à Meta d’utiliser les données relatives aux publicités générées par d’autres annonceurs au seul profit de Facebook Marketplace.

« [Meta] a cherché par là à conférer à son propre service Facebook Marketplace des avantages que d’autres fournisseurs de services d’annonces publicitaires en ligne ne pouvaient égaler. Cette pratique est illégale au regard des règles de l’Union européenne en matière de pratiques anticoncurrentielles. » a résumé Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission chargée du numérique et de la concurrence à la date de la décision de la Commission.

Sanction

La Commission a ordonné à Meta de mettre fin à ce comportement et de s’abstenir de répéter l’infraction ou d’adopter à l’avenir des pratiques ayant un objet ou un effet équivalent.

Elle a également infligé à Meta une amende de 797,72 millions d’euros.

Pour fixer ce montant, la Commission a tenu compte de la durée et de la gravité de l’infraction, ainsi que du chiffre d’affaires de Facebook Marketplace auquel les infractions se rapportent et qui permet de calculer le montant de base de l’amende. La Commission a en outre tenu compte du chiffre d’affaires total de Meta pour assurer une dissuasion suffisante pour une entreprise disposant de ressources aussi importantes.

Appel de Meta

Meta a immédiatement réagi par le biais d’un communiqué indiquant notamment que « Cette décision ignore les réalités du marché européen florissant des services de petites annonces en ligne et protège les grandes entreprises établies de l’arrivée d’un nouveau concurrent. »

Elle affirme qu’au contraire « Les utilisateurs de Facebook peuvent choisir d’utiliser ou non Marketplace et beaucoup ne le font pas » et assure « ne pas utiliser les données des annonceurs » pour leur faire concurrence.

Le groupe américain conclut son communiqué en expliquant « Nous allons faire appel » mais en précisant toutefois « En attendant, nous nous conformerons aux exigences et travaillerons rapidement et de manière constructive pour mettre en œuvre une solution répondant aux points soulevés. »


[1] Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne

[2] Accord sur l’Espace Économique Européen