Finalisation de la transposition de la directive déchets
Le décret du 11 juillet 2011[1] vient de finaliser la transposition de la directive 2008/98 relative aux déchets[2] , qui abroge et remplace trois anciennes directives[3] et établit un cadre juridique visant à contrôler tout le cycle de traitement des déchets au sein de l’Union. Il assure également la transposition règlementaire de la loi Grenelle 2 de 2010[4] et du règlement concernant les transferts de déchets de 2006[5].
L’ordonnance du 17 décembre 2010[6] avait déjà transposé en droit français une partie de la directive en apportant des modifications aux dispositions législatives du Code de l’environnement ainsi qu’au code des douanes et au code général des collectivités territoriales. Le décret du 11 juillet 2011 a quant à lui modifié la partie réglementaire du Code de l’environnement.
Ces textes ont complété les dispositions existantes et introduit des principes tels que celui de la hiérarchie des modes de traitement des déchets (la valorisation devant être préférée à l’élimination)[7] ou encore la possibilité, pour un déchet, de sortir de ce statut et de redevenir un produit[8]. Des précisions ont été apportées concernant les plans de gestion des déchets établis au niveau national, régional et départemental[9]
La transposition de la directive n’impliquait pas pour la France des adaptations radicales des dispositions existantes en matière de déchets. L’adoption de ces deux textes n’est cependant pas sans conséquence pour les sociétés qui interviennent au cours du processus de gestion des déchets.
L’ordonnance de 2010 et le décret de 2011 introduisent des modifications d’ordre terminologique, qui ont pour conséquence d’étendre le champ d’application des dispositions applicables en matière de gestion des déchets.
L’ordonnance de 2010 avait déjà précisé un certain nombre de termes et notions de base tels que ceux de déchet, producteur de déchets, collecte, valorisation etc.[10] Ces précisions étaient nécessaires afin d’assurer une application uniforme et efficace de la directive. L’ordonnance a notamment défini la notion de gestion des déchets de manière extrêmement large, comme consistant en « la collecte, le transport, la valorisation et, l’élimination des déchets et, plus largement, toute activité participant de l’organisation de la prise en charge des déchets depuis leur production jusqu’à leur traitement final, y compris les activités de négoce ou de courtage et la supervision de l’ensemble de ces opérations »[11]. Toute société intervenant au cours de l’une quelconque de ces opérations se voit confier une responsabilité dans la gestion des déchets.
Le décret du 11 juillet 2011 a apporté un certain nombre de modifications terminologiques supplémentaires et complété les définitions afin d’établir clairement la distinction entre les différents types de déchets. Notamment, l’article R.541-8 propose une classification des déchets en déchets dangereux, non dangereux, inertes, ménagers, les déchets d’activités économiques ainsi que celle de biodéchets, notion introduite par le décret.
Ces modifications d’ordre terminologique ont eu pour conséquence de faire basculer certaines activités dans la filière de gestion des déchets, entraînant de nouvelles obligations pour les exploitants des activités en cause. Le rechapage des pneumatiques est ainsi clairement considéré comme une activité de traitement des déchets : le traitement est en effet défini comme « toute opération de valorisation ou d’élimination, y compris la préparation qui précède la valorisation ou l’élimination » ; or le recyclage fait partie des activités de valorisation. La section du Code de l’environnement concernant les pneumatiques usagés s’applique d’ailleurs à présent à toutes les opérations de gestion de ces pneumatiques et plus seulement aux opérations d’élimination de ceux-ci.
Les installations de traitement de déchets étant des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)[12], la classification d’un établissement comme intervenant dans le traitement des déchets impose le respect des obligations liées à la qualification d’ICPE.
La catégorie des « biodéchets » créée par les textes est définie comme « tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires »[13].
Quant aux déchets composés majoritairement de biodéchets, ce sont ceux dans lesquels la masse de biodéchets représente plus de 50% de la masse de déchets considérés, une fois exclus les déchets d’emballage[14].
La création de cette catégorie de déchets s’accompagne de l’obligation, pour les producteurs ou détenteurs de quantités importantes de déchets composées de biodéchets, de les trier à la source en vue de leur valorisation organique. Celle-ci peut être effectuée par le producteur ou le détenteur lui-même ou être déléguée à un tiers[15].
L’obligation de tri en vue de valorisation s’impose également aux producteurs et détenteurs de quantités importantes de déchets d’huiles alimentaires[16].
Les dispositions relatives aux biodéchets entreront en vigueur de manière progressive à partir de 2012.
Le renforcement de la traçabilité et de la transparence a eu pour conséquence de renforcer les obligations mises à la charge des acteurs de la chaîne de traitement des déchets.
En effet, tout producteur ou détenteur de déchets d’une manière générale doit en faire assurer la gestion (Article L.541-2 du Code de l’environnement).
L’obligation de tenue d’un registre de suivi des déchets s’applique désormais à tous les acteurs de la filière déchets[17] et concerne tout type de déchets, sans distinction en fonction du caractère dangereux ou non du déchet[18]. Ce registre doit être conservé pendant une durée de trois ans, durée unique quel que soit le type de déchet[19].
De la même manière, la déclaration administrative annuelle relative à la nature, aux quantités, au traitement et à la destination ou l’origine des déchets incombe à toute installation classée produisant des déchets ainsi qu’à toute installation de traitement des déchets et plus seulement aux installations produisant ou traitant des déchets dangereux[20].
Les exploitants d’ouvrages, travaux et activités liés à l’eau soumis à autorisation ou déclaration ainsi que les exploitants d’installations classées qui traitent des déchets afin qu’ils sortent du statut de déchet sont également soumis aux obligations de tenue d’un registre chronologique et de déclaration administrative annuelle[21].
La déclaration préfectorale effectuée par les transporteurs de déchets ne concerne plus seulement l’activité de transport par route mais s’applique à toute activité de transport[22].
Au vu des changements récents, tout industriel susceptible d’intervenir dans le processus de gestion des déchets, quelque soit son rôle (du producteur à l’exploitant d’une installation de traitement), doit déterminer s’il est concerné par la législation applicable aux déchets et définir en conséquence les obligations qui s’imposent à lui.
[1] Décret n°2011-828 du 11 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la prévention et à la gestion des déchets.
[2] Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives.
[3] Directive 75/439/CEE du Conseil du 16 juin 1975 concernant l’élimination des huiles usagées ; Directive 91/689/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 relative aux déchets dangereux ; Directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets.
[4] Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
[5] Règlement 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.
[6] Ordonnance n°2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des déchets.
[7] Article L.541-1 du Code de l’environnement.
[8] Article L.541-4-3 du Code de l’environnement.
[9] Article L.541-11 et suivants du Code de l’environnement.
[10] Article L.541-1-1 du Code de l’environnement.
[11] Article L.541-1-1 du Code de l’environnement.
[12] Code 2791 Nomenclature des installations classées : traitement de déchets non dangereux.
[13] Article R.541-8 du Code de l’environnement.
[14] Article R.543-225, I du Code de l’environnement.
[15] Article L.541-21-1 et R.543-226 du Code de l’environnement.
[16] Article R.543-226 du Code de l’environnement.
[17] Les ménages en sont expressément exonérés.
[18] Article R.541-43 du Code de l’environnement.
[19] Même article.
[20] Article R.541-44 du Code de l’environnement.
[21] Article R.541-46 du Code de l’environnement.