La garantie autonome ne se transmet pas en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie
La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a récemment jugé, par un arrêt du 31 janvier 2017, que « sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l’obligation garantie, n’est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la scission ».
Cette prise de position de la juridiction suprême suscite déjà des commentaires et divergences et mérite de s’y attarder quelque peu, compte tenu notamment de l’enjeu attaché aux garanties autonomes et à la sécurité juridique qui en résulte pour leurs bénéficiaires.
Dans cette affaire, une société locataire d’un fonds de commerce d’hôtel bar restaurant avait remis au propriétaire dudit fonds, en garantie de la bonne exécution du contrat de location gérance, une garantie bancaire autonome. Pendant le cours du contrat du location gérance, la société propriétaire a fait l’objet d’une opération de scission à l’issue de laquelle la branche d’activité, objet du contrat de location gérance, a été transmise à une autre société. Par la suite, le locataire ayant failli à la bonne exécution de ses obligations au titre du contrat de location gérance, la société bénéficiaire du transfert du fonds de commerce a mis en jeu la garantie autonome et assigné la banque émettrice en paiement.
Mais à quel titre la société issue de la scission pouvait elle se prévaloir d’une garantie qui ne lui avait pas été consentie à l’origine ?
En appel, la cour a considéré que la société bénéficiaire du transfert du fonds de commerce était en droit de revendiquer le bénéfice de la garantie au motif que, sauf clause contraire, la transmission universelle de patrimoine, qui résulte d’une opération de fusion ou de scission, avait eu pour effet de transférer à cette dernière la totalité de la branche d’activité considérée et la garantie bancaire à première demande émise au titre de la location gérance se rattachait à l’activité transférée.
La Cour de Cassation censure ce raisonnement, rappelant, au visa des articles L. 236-3 du Code de commerce et 2321 du Code civil, que « sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l’obligation garantie, n’est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie ».
Il convient de préciser qu’aux termes de l’article L. 236-3, I du Code de commerce « la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération ».
S’agissant de la garantie autonome, l’article 2321 du Code civil prévoit que « sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie ».
C’est ce que rappelle précisément la Cour de cassation pour fonder en l’espèce l’absence de transmission de la garantie.
Cette position parait se justifier en présence d’une garantie autonome – le garant ne s’engage pas à payer la dette garantie mais il souscrit une obligation distincte qui ne suit pas l’obligation principale en raison de laquelle elle a été souscrite – mais elle n’est pas sans se heurter au principe posé par l’article L. 236-3, I du Code de commerce (cf. supra) qui s’applique à la transmission universelle ou à titre universel d’un patrimoine.
C’est ce que soutiennent certains auteurs[1] qui considèrent que la garantie, même autonome, devrait être comprise dans le patrimoine transmis, au motif notamment que l’article 2321 du Code Civil s’appliquerait en cas de cession d’une dette garantie à titre particulier (c’est-à-dire prise isolement) et que la garantie autonome ne devrait pas en conséquence échapper à la transmission universelle du patrimoine.
On peut enfin se demander si le principe de non transmission, ainsi posé par la Cour de Cassation ne fragilise pas l’efficacité de la garantie autonome, dont le caractère précisément autonome, lui donne la faveur des bénéficiaires, ainsi assurés de disposer d’une sûreté indépendante de la dette garantie dont la mise en jeu ne souffre d’aucune exception[2].
Qu’elles concernent des garants sociétés commerciales ou un établissement bancaire, les opérations de fusion, scission, absorption sont courantes dans le monde des affaires et le sort des garanties autonomes émises par ces garants, en vigueur à la date de réalisation desdites opérations, devra à l’avenir être anticipé par les rédacteurs dans l’acte de garantie lui-même ou dans l’acte portant transfert de l’activité concernée.
[1] Cf. Philippe Simler – Semaine Juridique Edition Générale n°12, 20 mars 2017, 310
[2] Sauf appel abusif ou fraude manifeste (article 2321, al 2 du Code civil)