Groupes de sociétés : la cessation de fonctions au sein de la société mère n’entraîne pas automatiquement la cessation de fonctions au sein des filiales
Le cumul de mandats est une pratique courante dans les groupes de sociétés, et présente en général un intérêt certain en permettant une gestion cohérente des entités membres, en accord avec la politique globale du groupe.
Toutefois, lorsque le dirigeant concerné ne fait plus l’affaire et que le groupe souhaite s’en séparer, la situation s’avère d’autant plus compliquée que ses fonctions au sein du groupe sont diverses et variées. En effet, la cessation de fonctions au sein de la société mère n’entraîne pas automatiquement la cessation de fonctions au sein de ses filiales, et ce, quelle qu’en soit la cause, comme est venue récemment le rappeler la Cour d’appel de Paris.
M. A a été embauché en 2009 par la société B, et désigné en qualité de mandataire de l’une des filiales de la société B, la société C. En 2010, M. A a également été désigné en qualité de mandataire d’une autre filiale du groupe, la société D.
En 2013, M. A a été licencié pour faute grave par la société B, puis révoqué de ses fonctions au sein des sociétés C et D.
En 2014, M. A a assigné les sociétés C et D devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamnées celles-ci à l’indemniser du préjudice qu’il a subi à raison des circonstances brutales et vexatoires de sa révocation de ses mandats de président desdites sociétés.
Par jugement en date du 9 novembre 2015, le tribunal a débouté M. A de l’intégralité de ses demandes.
Le 17 novembre 2015, M. A a interjeté appel de ce jugement, en invoquant notamment la violation de l’obligation de loyauté par les sociétés C et D au moment de sa révocation, en ce qu’il n’avait pas eu connaissance des motifs de celle-ci et n’avait pas été en mesure de présenter ses observations.
Les intimées ont répliqué que la révocation de M. A avait été la conséquence de son licenciement, compte tenu du cumul du contrat de travail et des mandats sociaux qui lui avaient été confiés et que dans la mesure où il avait été parfaitement informé des motifs de son licenciement, il avait eu connaissance des raisons de la révocation de ses mandats.
Le 6 décembre 2016, la Cour d’appel de Paris infirme le jugement rendu le 9 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Paris, en énonçant que les sociétés C et D, « devant les organes sociaux desquelles [M. A] n’a pu s’exprimer utilement, ont manqué au principe du contradictoire dans l’exercice de leur droit à révocation, de sorte que celui-ci est entaché d’abus, la circonstance qu’il existe une unité de fonction de [M. A] comme directeur du développement et de la sécurité générale [de la société B] et président des sociétés [C et D] étant inopérante à dispenser ces dernières d’aviser [M. A] des conséquences de la rupture de son contrat de travail sur les mandats sociaux qu’il détenait et de recueillir ses observations sur sa révocation, préalablement à celle-ci, peu important que celle-ci puisse intervenir, conformément aux statuts, sans qu’il soit besoin d’invoquer un juste motif ».
Cette décision fait écho à une décision relativement proche rendue par la Cour d’appel de Reims le 10 novembre 1975. La Cour d’appel avait alors considéré que la révocation, même légitime, d’un dirigeant au sein de la société mère ne pouvait à elle seule constituer un juste motif de révocation au sein d’une filiale.