Identification obligatoire des bénéficiaires effectifs de sociétés et autres entités juridiques immatriculées au RCS à compter du 1er août 2017
Les sociétés non cotées et entités juridiques soumises à immatriculation au registre du commerce et des sociétés établies sur le territoire français (notamment : les succursales de sociétés étrangères) devront très prochainement déposer au greffe du tribunal de commerce un document contenant les éléments d’identification et le domicile personnel de leur bénéficiaire effectif, ainsi que les modalités du contrôle qu’il exerce.
L’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme transpose l’article 30 de la directive 2015/849/UE, qui crée le registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales, en imposant aux sociétés non cotées et entités juridiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) établies sur le territoire français de déposer au greffe du tribunal de commerce un document contenant les éléments d’identification et le domicile personnel de leur bénéficiaire effectif, ainsi que les modalités du contrôle qu’il exerce.
Un décret[1] vient préciser les modalités de dépôt et le contenu du document relatif au bénéficiaire effectif ainsi instauré, ainsi que les conditions de communication de ce document aux tiers.
- Champ d’application
Sont visées les sociétés et entités juridiques mentionnées aux 2°, 3° et 5° du I de l’article L. 123-1 du Code de commerce, i.e. :
- Les sociétés et groupements d’intérêt économique (GIE) ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale ;
- Les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements (notamment : les succursales de sociétés étrangères) ;
- Les autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires.
Sont exclues les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé en France, dans un autre Etat partie à l’accord sur l’EEE, ou dans un autre pays tiers imposant des obligations reconnues comme équivalentes par la Commission européenne au sens de la directive 2013/50/ UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013.
- Contenu du document relatif au bénéficiaire effectif
Le document relatif au bénéficiaire effectif doit contenir les informations suivantes :
- S’agissant de la société ou de l’entité juridique visée : sa dénomination ou raison sociale, sa forme juridique, l’adresse de son siège social et, le cas échéant, son numéro unique d’identification complété par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ;
- S’agissant du bénéficiaire effectif :
- Les nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité, adresse personnelle de la ou des personnes physiques ;
- Les modalités du contrôle exercé sur la société ou l’entité juridique visée ;
- La date à laquelle la ou les personnes physiques sont devenues le bénéficiaire effectif de la société ou de l’entité juridique visée.
Le « bénéficiaire effectif » est la personne physique (i) qui contrôle en dernier lieu, directement ou indirectement, la société ou entité juridique visée, ou (ii) pour le compte de laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée.
- Modalités de dépôt
Le document relatif au bénéficiaire effectif doit être déposé au greffe du tribunal de commerce, pour être annexé au RCS, lors de la demande d’immatriculation à ce registre ou au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise.
Un nouveau document est déposé dans les trente jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations qui y sont mentionnées.
- Conditions d’accès aux informations communiquées
Le document relatif au bénéficiaire effectif peut être communiqué aux personnes suivantes :
- Les magistrats de l’ordre judiciaire, pour les besoins de l’exercice de leurs missions ;
- Les agents du service mentionné à l’article L. 561-23 du Code monétaire et financier (CMF) ;
- Les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par, selon le cas, le directeur régional ou le directeur du service à compétence nationale ou, le cas échéant, par le directeur général des douanes ;
- Les agents de la direction générale des finances publiques chargés du contrôle et du recouvrement en matière fiscale, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur chargé, selon le cas, d’une direction régionale ou départementale des finances publiques, d’un service à compétence nationale, d’une direction nationale de contrôle fiscal, d’une direction spécialisée de contrôle fiscal ou, le cas échéant, par le directeur général des finances publiques ;
- Le personnel des services de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui exerce une mission de contrôle sur pièces ou sur place ou d’instruction des demandes d’autorisation et d’agrément, le personnel des services juridiques ainsi que le secrétaire général et les secrétaires généraux adjoints ;
- Les enquêteurs et les contrôleurs de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en application de l’article L. 621-10 du CMF ;
- Le bâtonnier et, le cas échéant sur sa délégation, un ou plusieurs membres du conseil de l’ordre individuellement désignés et spécialement habilités par lui ainsi que les personnes individuellement désignées et spécialement habilitées par le Conseil national des barreaux en application de l’article 156 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ;
- Les notaires inspecteurs désignés dans les conditions prévues à l’article 5 du décret n°74-737 du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaires ainsi que les syndics départementaux et interdépartementaux désignés dans les conditions prévues à l’article 4 du décret n°45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l’application du statut du notariat ;
- Les huissiers de justice inspecteurs désignés dans les conditions prévues à l’article 94-4 du décret n°56-222 du 29 février 1956 pris pour l’application de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice ainsi que les syndics régionaux et interrégionaux désignés dans les conditions prévues à l’article 96-1 de ce décret ;
- Les commissaires-priseurs judiciaires délégués désignés dans les conditions prévues au huitième alinéa de l’article 19 du décret n°45-0120 du 19 décembre 1945 pris pour l’application du statut des commissaires-priseurs judiciaires ainsi que les syndics désignés dans les conditions prévues à l’article 10 de ce décret ;
- Le président du conseil de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et, le cas échéant sur sa délégation, un ou plusieurs membres de ce conseil individuellement désignés et spécialement habilités ainsi que les syndics désignés dans les conditions prévues à l’article 8 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 relative aux avocats aux Conseils et à la Cour de cassation ;
- Le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires et les contrôleurs désignés en application des articles R. 814-44 et R. 814-45 du Code de commerce ;
- Le président du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) et son rapporteur général, toute personne participant directement à l’activité du Haut Conseil qu’ils désignent spécialement à cette fin, ainsi que les contrôleurs désignés en application de l’article R. 821-69 du Code de commerce et les enquêteurs habilités en application de l’article R. 824-2 du Code de commerce ;
- Les membres du comité de lutte anti-blanchiment de l’ordre des experts comptables institué par le règlement intérieur de cet ordre prévu par l’article 12 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable ;
- Le président du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;
- Le délégué aux agents sportifs, relevant de la commission des agents sportifs constituée par la fédération sportive délégataire, désigné et dument habilité par l’instance dirigeante compétente conformément à l’article R. 222-1 du Code du sport ;
- Les agents désignés par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation spécialement habilités par arrêté du ministre chargé de l’économie dans les conditions prévues à l’article R. 561-40 du CMF ;
- Les agents de la police nationale chargés de la police des jeux, spécialement habilités par arrêté du ministre de l’intérieur dans les conditions prévues par l’article R. 561-39 du CMF ;
- Les personnes assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui :
- Ont établi une déclaration, signée par le représentant légal de la personne assujettie ou par une personne dument habilitée en son sein, comportant la désignation de la personne assujettie et, le cas échéant, de son représentant légal et indiquant, d’une part, que la personne assujettie appartient à l’une des catégories de personnes définies à l’article L. 561-2 du CMF et, d’autre part, que la consultation du document relatif au bénéficiaire effectif intervient dans le cadre de la mise en œuvre d’au moins une des mesures de vigilance prévues par les articles L. 561-4-1 à L. 561-14-2 du CMF ;
- Présentent une demande de communication comportant la désignation, d’une part, de la ou des sociétés ou entités juridiques concernées et, d’autre part, de la ou des mesures de vigilance mises en œuvre à l’égard de la ou des sociétés ou entités juridiques concernées par cette demande ;
- Toute autre personne autorisée par une décision de justice qui n’est plus susceptible d’une voie de recours ordinaire.
- Sanctions applicables
Le président du tribunal, d’office ou sur requête du procureur de la République ou de toute personne justifiant y avoir intérêt, peut enjoindre, au besoin sous astreinte, à toute société ou entité juridique visée de procéder ou faire procéder aux dépôts de pièces relatifs au bénéficiaire effectif auxquels elle est tenue.
Dans les mêmes conditions, le président peut désigner un mandataire chargé d’accomplir ces formalités. Si la société ou l’entité juridique visée a désigné un commissaire aux comptes, le mandataire peut obtenir auprès de ce dernier communication de tous renseignements nécessaires.
Par ailleurs, le fait de ne pas déposer au RCS le document relatif au bénéficiaire effectif requis ou de déposer un document comportant des informations inexactes ou incomplètes est puni de six mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende (le quintuple lorsqu’il s’agit d’une personne morale). Des peines complémentaires sont également susceptibles d’être appliquées.
- Entrée en vigueur
Ce décret entre en vigueur le 1er août 2017. Les personnes morales immatriculées au RCS avant cette date ont néanmoins jusqu’au 1er avril 2018 pour se conformer à ses dispositions.
[1] Décret n°2017-1094 du 12 juin 2017 relatif au registre des bénéficiaires effectifs définis à l’article L. 561-2-2 du Code monétaire et financier.