Jeu, set et match pour les « barèmes Macron »
Par une décision du 15 décembre 2021, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel qui avait accordé à un salarié une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dépassant les « barèmes Macron ».
Depuis la publication des Ordonnances du 22 septembre 2017 ayant instauré un plancher et un plafond d’indemnisation en réparation d’un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, les juridictions ont eu à connaître de nombreuses tentatives visant à faire reconnaître l’illicéité de ces barèmes d’indemnisation et notamment des plafonds fixés en fonction de l’ancienneté du salarié au sein de l’entreprise à la date de la rupture de son contrat de travail.
Les arguments allégués portaient principalement sur l’inconstitutionnalité et l’inconventionnalité des plafonds d’indemnisation.
Ainsi, le Conseil d’Etat en 2017 avait considéré que ni l’article 10 de la Convention OIT n° 158, ni l’article 24 de la Charte sociale européenne ne devaient être interprétés comme interdisant de prévoir des plafonds d’indemnisation inférieurs à 24 mois de salaires en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le Conseil d’Etat avait jugé qu’aucun doute sérieux n’entachait la légalité du barème, dès lors que, notamment, il n’était pas applicable dans plusieurs cas de nullité du licenciement[1].
Le Conseil constitutionnel n’avait quant à lui émis aucune réserve sur le plafond d’indemnisation prévu par le barème[2].
Toutefois, certaines juridictions du fond étaient entrées en résistance manifeste et jugeaient les plafonds d’indemnisation inapplicables et « déplafonnaient » ainsi les montants indemnitaires alloués aux salariés.
Malgré deux avis rendus par la Cour de cassation en formation plénière le 17 juillet 2019, par lesquels elle considère que les barèmes sont conformes aux conventions internationales, de nombreuses décisions rendues en première et deuxième instance ne suivaient pas ces avis et considéraient le dispositif de l’article L.1235-2 du Code du travail, qui prévoyaient ces plafonds, inapplicable[3].
Le 15 décembre 2021, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur la légalité de l’article L.1235-2 du Code du travail mais a censuré la Cour d’appel de Nancy qui avait accordé une indemnisation à un salarié supérieure aux « barèmes Macron ».
En effet, un salarié avait été licencié en raison d’une inaptitude à son poste de travail et de l’impossibilité de son reclassement en avril 2018. La cour d’appel de Nancy, jugeant que le licenciement du salarié était injustifié, avait accordé à ce dernier une indemnité prenant en compte les circonstances de la rupture, son âge, sa capacité à trouver un nouvel emploi, son ancienneté dans l’entreprise et l’effectif de celle-ci.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy, en considérant que le salarié ne pouvait prétendre, au regard de son ancienneté de 29 ans dans l’entreprise et au montant de son salaire brut de 3 168,21 euros, qu’à une indemnité maximale de 63 364 euros représentant 20 mois de salaire, conformément aux barèmes d’indemnisation « Macron » visés par l’article L. 1235-2 du Code du travail.[4]
D’un revers, la Cour de cassation semble ici clôturer le Grand chelem des décisions rendues sur ce sujet depuis septembre 2017.
Jeu set et match en faveur des « barèmes Macron »
[1] Conseil d’Etat, Ordonnance de référé, 7 décembre 2017, n° 415243
[2] Conseil Constitutionnel, Décision 2018-761 du 21 mars 2018
[3] Cour de cassation, avis n°15012 et 15013 du 17 juillet 2019
[4] Cass. Soc., 15 décembre 2021, n° 20-18.782