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Publié le 25 juillet 2022 par Marion Fleuret

La contribution aux charges du mariage

Un arrêt récent du 9 juin 2022 de la Première chambre civile de la Cour de cassation vient préciser les contours de la notion de contribution aux charges du mariage :

« L’apport en capital de fonds propres, effectué par un époux séparé de biens pour financer l’amélioration, par voie de construction, d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage. »

En matière de liquidation de régime matrimonial, se pose régulièrement la question de la revendication de créances entre les époux mariés sous le régime de la séparation de biens.

Est-on réellement protégé par l’adoption du régime de la séparation de biens ?

Autrement dit peut-on considérer que le régime de communauté est synonyme du « tout commun » et que le régime de la séparation de biens est, quant à lui, synonyme de « chacun pour soi ».

Dans un arrêt du 9 juin 2022[1], la Première Chambre civile de la Cour de cassation a encore précisé les contours de la notion de contribution aux charges du mariage.

Ce concept juridique constitue un outil utilisé par les juges afin de rendre le régime séparatiste plus communautaire que le régime de communauté.

L’obligation pour chaque époux de contribuer aux charges du mariage est prévue par l’article 214 du Code civil, lequel prévoit en son alinéa 1er que :

« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. »

Dans le cadre du régime légal, soit en l’absence de contrat de mariage, il y a une présomption de communauté.

En matière de régime de séparation de biens, est en cause la clause très régulièrement insérée dans les contrats de mariage aux termes desquels les époux adoptent le régime de la séparation de biens.

Cette clause est la suivante :

« Chacun des époux est réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive aux charges du mariage, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature. » 

La Première Chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans plusieurs arrêts et notamment le 18 novembre 2020[2], que « lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu’ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre, un époux ne peut, au soutien d’une demande de créance, être admis à prouver l’insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l’excès de sa propre contribution. »

Autrement dit, si les juges du fond reconnaissent le caractère irréfragable de cette clause contenue dans le contrat de mariage, aucun époux ne peut être recevable à revendiquer sa « sur contribution » ou à faire valoir l’insuffisance de la contribution de son époux aux charges du mariage.

Ainsi qu’indiqué, la jurisprudence de la Cour de cassation délimite les contours de cette obligation aux charges du mariage, mais parfois de manière surprenante.

Les juges peuvent ainsi mettre à profit la notion de contribution aux charges du mariage pour neutraliser une demande de créance.

Il est désormais souvent considéré par les juges du fond que le financement d’un bien indivis par le remboursement d’un emprunt par l’un des époux résulte du régime primaire et par voie de conséquence de l’obligation de contribution aux charges du mariage.

Fort heureusement, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 17 mars 2021[3] que l’apport en capital de fonds personnels d’un époux pour l’acquisition du bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas de l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage.

Dans un arrêt du 1er septembre 2020, la Cour d’appel de Chambéry avait rejeté la demande de créance de l’époux, considérant que ce financement devait s’analyser comme l’exécution de son obligation à contribuer aux charges du mariage.

Mais dans son arrêt du 9 juin 2022[4], la Première Chambre civile de la Cour de cassation a cassé ledit arrêt.

Elle a réaffirmé sa jurisprudence quant à l’acquisition du bien indivis et a étendu cette exclusion à l’apport en capital de fonds personnel d’un époux au financement de l’amélioration par voie de construction d’un bien indivis affecté à l’usage familial.

La Cour de cassation précise que ces solutions jurisprudentielles s’appliquent sauf convention contraire des époux.

Il convient à ce titre d’être particulièrement vigilant quant à la rédaction du contrat de mariage.


[1] Cour de cassation, Civile 1ère, arrêt du 9 juin 2022 – pourvoi n°20-21.277

[2] Cour de cassation, Civile 1ère, arrêt du 18 novembre 2020 – pourvoi n°19-15.353

[3] Cour de cassation, Civile 1ère, arrêt du 17 mars 2021 – pourvoi n°19-21.463

[4] Voir préc.