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Publié le 1 février 2010 par Soulier Avocats

La non-application d’une clause de préemption à l’apport de titres sociaux

Par arrêt du 15 décembre 2009[1], la Chambre Commerciale de la Cour de cassation a une nouvelle fois souligné l’importance de la rédaction de clauses de préemption en déclarant ces dernières non applicables à l’apport de titres sociaux.

Pour rappel, les clauses de préemption sont des clauses par lesquelles le cédant s’engage, au cas où il souhaiterait céder ses titres, à les proposer en priorité aux bénéficiaires. Si ces derniers n’exercent pas leur droit de préemption, le cédant retrouvera la faculté de vendre au cessionnaire de son choix.

Dans l’affaire examinée, les actionnaires de plusieurs sociétés appartenant à un même groupe avaient conclu une convention extrastatutaire prévoyant un droit de préemption mutuel pour une durée de cinq ans « en cas de cession » de leurs titres respectifs composant le capital des sociétés.

Par la suite, l’un des actionnaires signataires a constitué une autre société, à laquelle il a apporté les titres visés dans la convention.

Invoquant une violation de la clause de préemption, l’autre partie l’a assigné en paiement de la somme prévue au titre de la clause pénale.

Pour accueillir la demande, la Cour d’appel de VERSAILLES avait analysé l’apport effectué comme étant une opération juridique par laquelle l’apporteur avait transféré des éléments de son patrimoine personnel à la société en cours de constitution et avait reçu en contrepartie des titres sociaux pour une valeur globale correspondant aux actifs apportés.

La Cour d’appel en avait déduit que cet apport ayant eu pour résultat le transfert à titre onéreux par l’apporteur des titres détenus par ce dernier dans la société visée dans la convention au profit d’une autre société, constituait, au sens de la clause de préemption, une cession, qui aurait dû faire l’objet d’une notification préalable aux autres signataires de l’accord afin de les mettre en mesure d’exercer leurs droits.

La Chambre Commerciale de la Cour de cassation a censuré cette décision au visa de l’article 1134 du Code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En effet, la clause de préemption dont s’agit ne visait expressément que les cas de « cession » des actions, ce qui a conduit la Cour à considérer que les parties n’avaient souhaité viser que la vente, dont la contrepartie est le paiement d’un prix, et non l’apport dont la contrepartie est l’attribution de droits sociaux.

Cette décision s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt du 17 mars 2009 précédemment commenté[2], par lequel la Cour de cassation avait déjà écarté l’application d’une procédure de préemption statutaire à une donation d’actions réalisée par l’un des actionnaires à ses enfants. La Cour avait, en effet, estimé que l’absence de prix, inhérent à la donation, faisait obstacle à la procédure de préemption qui prévoyait expressément que le prix de cession des actions devrait être notifié par l’actionnaire cédant aux autres actionnaires.

Dès lors, afin d’éviter tout problème d’interprétation d’une clause de préemption, il apparaît préférable, lors de sa rédaction, de viser expressément les opérations que les actionnaires souhaitent englober (cession à titre onéreux ou à titre gratuit, apport, fusion, scission, apport partiel d’actif) ou au contraire, d’utiliser des termes généraux tels que « transfert » de titres par quelque moyen que ce soit.

Si cette nouvelle décision permet à la Cour de cassation de rappeler que, de manière générale, les clauses restreignant la libre négociation des actions, telles que la clause de préemption, sont d’interprétation stricte, elle semble toutefois remettre en cause une jurisprudence plus ancienne émanant de la même juridiction qui avait assimilé  l’apport de titres à la cession pour l’application d’une autre clause restrictive : la clause d’agrément.[3]

 


[1] Cass. Com., 15 décembre 2009, n°08-21.037 (n°1240 F-PB) Le Boursicot c/Parrain

[2] Cass. Com., 17 mars 2009, n°08-11268 (n°235 FD), X et a. c/ A. et a. cf. notre e-newsletter d’Octobre 2009

[3] Cass. Com., 21 janvier 1970 : Bull. Civ. IV n°28