La nouvelle responsabilité environnementale de l’exploitant
La loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale est d’abord la transposition tardive de la directive européenne 2004/35/ CE du 21 avril 2004 relative à la prévention et à la réparation des dommages environnementaux.
Elle n’en contient pas moins un certain nombre de dispositions supplémentaires qui donnent la primauté à la défense de l’environnement sur toute autre considération, notamment économique, dans des conditions qui créent de nouvelles incertitudes juridiques pour les entreprises exploitantes, toujours plus exposées financièrement et pénalement.
Cette exposition devrait être aggravée avec les lois Grenelle à venir, la loi d’orientation dite « Grenelle 1» adoptée le 21 octobre dernier se contentant de reprendre les grandes lignes du Grenelle de l’environnement, sans aborder les mesures concrètes destinées à les mettre en œuvre.
Le danger peut encore venir du rapport remis au Premier ministre par Corinne Lepage, un ancien ministre de l’environnement, au mois de février dernier. Ce rapport préconise de créer une Haute autorité de l’expertise en sécurité sanitaire et environnementale comprenant un tiers de représentants de la société civile avec notamment pour mission de protéger les « lanceurs d’alerte », dont les affaires récentes montrent qu’il s’agit souvent de militants radicaux qui prétendent endosser l’habit du scientifique.
En attendant de commenter les lois qui résulteront de ces projets et rapports, nous nous limiterons dans cet article à une brève analyse des dispositions les plus significatives de la loi du 1er août 2008 pouvant s’appliquer aux entreprises exploitantes.
1. Prévention et réparation des dommages
La loi détermine tout d’abord les conditions dans lesquelles les dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant devront être prévenus ou réparés en application du principe « pollueur-payeur ».
La définition de « l’exploitant » donnée par la loi est très large, puisqu’est visée « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucrative ».
Constituent des dommages causés à l’environnement au sens de la loi les détériorations directes ou indirectes mesurables de l’environnement qui :
- Créent un risque d’atteinte grave à la santé humaine du fait notamment de la contamination des sols ;
- Affectent gravement « l’état écologique » des eaux ;
- Affectent gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de certaines espèces, de leurs habitats et de leurs sites de reproduction et aires de repos ;
- Affectent « les services écologiques », c’est-à-dire les fonctions assurées par les sols, les eaux et certaines espèces et habitats au bénéfice d’une de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public.
Doivent être prévenus ou réparés (i) les dommages causés à l’environnement par certaines activités professionnelles dont la liste sera fixée par décret, y compris en l’absence de faute ou de négligence de l’exploitant, et (ii) les dommages causés aux espèces et habitats (visés ci-dessus) par une autre activité professionnelle en cas de faute ou de négligence de l’exploitant.
C’est à l’autorité administrative qui sera désignée par décret (le préfet) d’établir le lien de causalité entre l’activité et le dommage. Elle peut demander à l’exploitant les évaluations et informations nécessaires.
Néanmoins la loi ne s’applique pas à certains programmes d’aménagement ou activités autorisés ou approuvés dès lors que les prescriptions administratives ont été respectées. Les dommages causés par une pollution à caractère diffus sont également exclus du champ de la loi, sauf si un lien de causalité peut être établi par l’autorité administrative entre le dommage ou sa menace et le ou les exploitants.
2. Mesures de prévention et de réparation
En cas de menace imminente de dommage, l’exploitant doit prendre sans délai et à ses frais des mesures de prévention afin d’en empêcher la réalisation ou d’en limiter les effets. En cas de dommage, il doit en informer sans délai l’autorité administrative et prendre immédiatement à ses frais les mesures nécessaires pour le faire cesser et le réparer.
L’autorité administrative procède à l’évaluation du dommage et l’exploitant doit lui soumettre les mesures de réparation appropriées qu’il compte mettre en œuvre.
Ces mesures doivent permettre de supprimer tout risque d’atteinte grave à la santé humaine en tenant compte de l’usage du site. Les mesures de réparation des dommages affectant les eaux et les espèces et habitats visés ci-dessus doivent viser à rétablir ces ressources naturelles et leurs services écologiques dans leur état initial (avant que le dommage ne survienne).
En cas de carence de l’exploitant, l’autorité administrative peut l’obliger à consigner une somme correspondant au montant des mesures de prévention ou de réparation prescrites et faire procéder à l’exécution desdites mesures.
3. Coût des mesures de prévention ou de réparation
L’exploitant tenu de prévenir ou de réparer un dommage supporte tous les frais liés à l’évaluation du dommage, à la mise en œuvre des mesures et, le cas échéant, aux procédures de consultation et aux indemnités prévues par la loi.
L’autorité administrative peut engager contre l’exploitant une procédure de recouvrement des coûts des mesures qu’elle a dû mettre en œuvre dans un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle les mesures prescrites ont été achevées ou de la date à laquelle l’exploitant responsable a été identifié, la date la plus récente étant retenue.
4. Sanctions pénales
La loi prévoit diverses sanctions pénales contre l’exploitant et ses représentants légaux au cas où il serait fait obstacle à l’exercice des fonctions des agents chargés de constater les infractions à la loi ou en cas de refus de l’exploitant de se conformer à une mise en demeure de l’autorité administrative (dans ce dernier cas les peines encourues sont de 6 mois d’emprisonnement et 75 000 Euros d’amende).
5. Prescription et application de la loi dans le temps
La loi ne s’applique pas lorsque (i) plus de trente ans se sont écoulés depuis le fait générateur du dommage, (ii) le dommage est survenu avant le 30 avril 2007 ou (iii) le dommage résulte d’une activité ayant définitivement cessé avant le 30 avril 2007. Il s’agit ici de garantir le principe de sécurité juridique face à la loi nouvelle.