La « perte de la chose louée » retenue par le juge de l’exécution pour libérer un locataire commercial de son obligation de payer le loyer pendant le premier confinement
Comme nous vous l’indiquions dans un récent article[1], le sort du paiement des loyers commerciaux durant les périodes successives de confinement a déjà fait l’objet d’un important contentieux.
A cette occasion, nous relevions que les arguments tirés de la force majeure, de l’imprévision ou de l’exception d’inexécution, souvent opposés par les locataires pour justifier du non-paiement des loyers, avaient été rejetés par la majorité des décisions rendues en la matière. Dans ce contexte, la voie à privilégier semblait être la renégociation et l’adaptation aux circonstances du contrat de bail sur le fondement de la bonne foi contractuelle.
Le 20 janvier 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris[2] a ouvert une autre voie en se fondant sur la perte de la chose louée.
En effet, pour faire droit à la demande de mainlevée d’un locataire commercial d’une saisie attribution des loyers dus pendant le premier confinement, il a été jugé que l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, est assimilable à la perte de la chose louée, telle que prévue à l’article 1722 du Code civil[3]. Dès lors, la société locataire ne pouvait se voir réclamer le paiement des loyers sur la période du 16 mars au 11 mai 2020.
Même s’il ne s’agit pour le moment que d’une décision de première instance, la perte de la chose louée apparait comme une alternative sérieuse à la force majeure et à l’imprévision, dont nous avons vu qu’elles ne pouvaient répondre à la problématique des loyers en temps de crise sanitaire. On relèvera en effet que depuis de nombreuses années déjà la jurisprudence retient l’application de l’article 1722 du Code civil dans des cas où, à raison de la survenance en cours de bail d’une décision légale ou administrative, la chose louée devient juridiquement interdite à la destination convenue. Il sera tentant pour les locataires d’effectuer un parallèle avec la fermeture administrative des commerces pour cause de Covid-19.
Il est fort probable que le bailleur interjettera appel de cette décision, ce qui laisse présager d’une jurisprudence abondante sur le sujet.
[1] Cf. notre article intitulé Les baux commerciaux à l’épreuve du Covid-19publié sur notre Blog en décembre 2020
[2] Tribunal judiciaire de Paris – n° RG 20/80923
[3] « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».