La réforme du droit du travail annoncée par le nouveau gouvernement ou comment le vent de l’espérance et du positivisme souffle à nouveau sur les partenaires sociaux en France
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République Française, les yeux du monde entier sont rivés sur notre pays et l’un des domaines où Emmanuel Macron et son gouvernement sont évidemment les plus attendus est celui du droit du travail. L’ambition du gouvernement est de trouver très rapidement des solutions innovantes, en s’appuyant sur la concertation avec les partenaires sociaux, pour parvenir à articuler performance sociale et performance économique.
S’il est encore trop tôt pour savoir si « le programme de travail pour rénover notre modèle social » présenté aux partenaires sociaux le 6 juin dernier constitue la piste de lancement de plusieurs grandes réformes du droit du travail ambitieuses et efficaces, une chose au moins est certaine : le vent de l’espérance et du positivisme souffle bien à nouveau sur les acteurs sociaux en France.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République Française, les yeux du monde entier sont manifestement rivés sur notre pays et nous pensons comme toujours en particulier aux investisseurs étrangers qui s’interrogent sur la possibilité de revenir « faire du business » en France.
Si ce résultat électoral inattendu, cette victoire du renouveau et cet élan de jeunesse a assurément refait naître un sentiment d’espérance, d’optimisme, de foi en l’avenir et aussi d’enthousiasme et de fierté, chacun retient sa respiration dans l’attente du changement effectif.
L’un des domaines où Emmanuel Macron et son gouvernement sont évidemment les plus attendus est celui du droit du travail : depuis environ 20 ans, les gouvernements successifs enchainent les réformes et décousent, recousent notre Code du travail dans un objectif tantôt de sécurisation tantôt de flexibilisation du marché du travail, tantôt les deux à la fois (Loi du Travail du 8 août 2016). Pourtant force est de constater qu’aucune des précédentes réformes n’a réussi à convaincre et encore moins à atteindre les objectifs énoncés.
Aujourd’hui, l’image de notre droit du travail est celle d’un système juridique complexe, ne répondant plus ni à la diversité des entreprises, des secteurs, ni aux attentes des salariés. L’image est celle d’un droit en décalage entre la règle et la pratique et un frein au développement des entreprises en raison d’une difficulté à s’adapter rapidement à la réalité changeante des situations économiques et en raison d’un coût du travail salarial trop élevé.
Ce constat objectif que nous pouvons faire en tant que praticien du droit social, Conseil d’entreprises, est également celui qui a été fait par le gouvernement et la nouvelle Ministre du travail Muriel PENICAUD.
L’ambition du gouvernement est donc de trouver très rapidement des solutions innovantes, en s’appuyant sur la concertation avec les partenaires sociaux, pour parvenir à articuler performance sociale et performance économique.
Le 6 juin dernier, le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre du Travail ont transmis aux partenaires sociaux une feuille de route « le programme de travail pour rénover notre modèle social » afin d’exposer les prochaines grandes réformes du droit du travail et les inviter à soumettre leurs propositions et à travailler en concertation.
Cette feuille de route annonce six grandes réformes à venir dans les 18 prochains mois dont certaines dès la fin de l’été : réformer le droit du travail (1) ; redonner du pouvoir d’achat aux salariés en supprimant les cotisations maladie et assurance chômage en les finançant par un transfert sur la CSG à compter du 1er janvier 2018 (2) ; renforcer la formation professionnelle avec des premières mesures concrètes proposées dès la rentrée 2017 et un plan opérationnel dès le début 2018 (3) ; ouvrir l’assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants à compter de l’été 2018 (4) ; refonder l’apprentissage (5) ; rénover et simplifier le système de retraites (6).
Concernant la première grande réforme, la plus ambitieuse dans son énoncé « réforme du droit du travail », le nouveau Chef de l’Etat et son gouvernement veulent légiférer par ordonnances. L’objectif principal de légiférer par ordonnances est d’accélérer la procédure d’adoption des réformes. Cette possibilité d’action est introduite dans l’article 38 de la Constitution, qui « autorise le gouvernement, pour l’exécution de son programme, de demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».
Le mode opératoire et le calendrier envisagé à ce jour est donc le suivant :
- Concertation des partenaires sociaux durant le mois de juin et tout au long de l’été 2017 (plus d’une cinquantaine de réunions sont prévues),
- Présentation du projet de loi d’habilitation au Conseil des Ministres le 28 juin 2017,
- Examen et vote du projet de loi d’habilitation par le Parlement et en Conseil des Ministres durant l’été 2017,
- Publication des ordonnances avant le 21 septembre 2017.
Concernant cette première grande réforme « du droit du travail », trois grands thèmes ont été définis que nous décrirons brièvement ci-après : définir la bonne articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche pour sécuriser le champ de la négociation collective (i), simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs (ii), sécuriser les relations de travail (iii).
- Rénover l’articulation entre accords de branche et d’entreprise
La concertation devra définir la bonne articulation entre les deux niveaux de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche. Pour chaque domaine où le dialogue social crée des normes, la concertation s’interrogera sur la pertinence de confier la primauté à l’accord de branche ou à l’accord d’entreprise. L’idée serait que les accords de branche ne priment plus que dans un nombre restreint de domaines : la mutualisation des fonds professionnels, les minima salariaux, les classifications, la prévoyance, l’égalité professionnelle et «éventuellement la pénibilité en fonction de la solution d’atterrissage à inventer dans les jours ou semaines qui viennent», et que dans tous les autres domaines du code du travail, l’accord d’entreprise prime sur la branche.
Concernant les modifications du contrat de travail, l’on sait qu’à ce jour, elles doivent être acceptés par le salarié, qui doit signer un avenant à son contrat, ce qui souvent génère une situation de blocage et de nature in fine à freiner l’emploi. Le gouvernement proposerait d’y mettre fin, en prévoyant «un principe général de primauté de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail».
- Faciliter le dialogue social
Selon la ministre du Travail, « l’on ne peut pas rester avec quatre instances de dialogue social » (Comité d’entreprise, CHSCT, délégué du personnel, délégué syndical). Le gouvernement prévoit donc de fusionner au moins les trois instances principales et de voir « à quelles conditions on peut aller plus loin ». A noter que la Loi Rebsamen de 2015 a déjà ouvert une possibilité pour les entreprises de 50 à 300 salariés de fusionner les instances : délégués du personnel, comités d’entreprises et CHSCT. Il s’agirait donc d’ouvrir cette possibilité aux entreprises de plus de 300 salariés.
Point surprenant : à aucun moment, le « programme de travail » n’évoque la mise en place de la commission de refondation du Code du travail qui avait été instituée par l’article 1er de la loi Travail. Cette refondation du Code du travail a-t-elle été mise de côté ?
- Renforcer la sécurisation des relations de travail
La mesure phare du dernier grand thème abordé dans le cadre de la réforme du droit du travail est celle de la fixation d’un barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette nouvelle règle est justifiée par la Ministre du Travail Muriel Pénicaud, qui estime « qu’il n’est pas normal, pas juste, pas sain qu’un même fait puisse donner lieu à des dommages et intérêts allant du simple au triple sur le territoire ». Ainsi, ce barème encadrerait le montant des dommages et intérêts pouvant être alloués par les juges en fixant des plafonds et des planchers.
A noter qu’il existe déjà un barème – certes indicatif – des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse issu de la Loi Macron du 6 août 2015. Les juges sont invités à s’y référer mais ne sont pas tenus de l’appliquer. Ainsi, le changement consisterait manifestement dans le caractère impératif du nouveau barème qui serait mis en place dans le cadre de la Réforme.
Il semblerait également que le gouvernement envisage d’assouplir certaines règles de formalisme entourant les licenciements pour motif économique: à titre d’exemple, des règles comme l’obligation de mentionner la suppression du poste dans une lettre de licenciement pourraient ainsi être assouplies.
Le gouvernement souhaiterait également moderniser certaines normes comme celles régissant le télétravail par exemple, entrées dans les mœurs des relations de travail et pourtant devenues obsolètes dans leur mécanisme et en décalage avec les pratiques et les attentes des salariés.
La sécurisation des relations de travail devrait aussi inclure les questions sur l’accessibilité du droit. Le gouvernement devra donc réfléchir aux moyens de garantir l’accès de chacun par voie numérique aux normes du travail qui lui sont applicables.
On l’a compris, il est à ce jour beaucoup trop tôt pour savoir si « le programme de travail pour rénover notre modèle social » constitue un simple « plan marketing » ou bien s’il constitue la piste de lancement de plusieurs grandes réformes du droit du travail ambitieuses et efficaces.
Une chose au moins est certaine : la plupart des syndicats semblent prêts à discuter et à travailler en concertation avec le gouvernement, ce qui prouve que le vent de l’espérance et du positivisme souffle bien à nouveau sur les acteurs sociaux en France.