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Publié le 22 septembre 2023 par Soulier Avocats

Lancement de l’analyse des PFAS dans les rejets aqueux des ICPE 

Alors que la communauté scientifique alerte sur les risques liés à l’utilisation des substances poly ou perfluoroalkylées (PFAS) depuis le début des années 2000, il n’existait jusqu’à ce jour aucune réglementation sur les rejets des industriels.

Dans le cadre du plan d’action PFAS 2023‑2027 présenté en début d’année par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, un arrêté relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées relevant du régime de l’autorisation a été publié le 20 juin 2023[1].

L’arrêté définit les modalités d’une campagne d’identification et d’analyse des substances per- ou polyfluoroalkylées qui doit être mise en œuvre pour les rejets aqueux de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation.

Vingt substances PFAS, visées par la directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine, seront obligatoirement analysées.

Contexte

Les PFAS sont une famille de composés chimiques caractérisés par une chaîne carbonée portant des atomes de fluor. Il y en a plus de 4 000 différents, tous d’origine humaine. Ils sont utilisés depuis les années 1950 dans des applications industrielles et des produits de consommation (textiles, emballages, cosmétiques, poêles, etc.) pour leurs propriétés comme la résistance à la chaleur. Ils sont présents dans différents milieux (eaux superficielles et souterraines, air, sols, chaîne alimentaire. Ils sont très mobiles et se dégradent très peu. On les appelle les « polluants éternels ». Selon l’importance de l’exposition, certains peuvent avoir des effets sur la santé.

À ce jour, la réglementation, qu’elle soit européenne ou nationale, est ciblée sur quelques substances. Le règlement européen n°2019/2021 du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants (POP), issu de la Convention de Stockholm, a interdit le PFOS depuis 2009, le PFOA depuis 2020 et le PFHxS depuis 2022[2]. Un projet d’interdiction plus large des PFAS est également engagé dans le cadre de la révision du règlement n°1907/2006 sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et la restriction des substances chimiques (REACH)[3]. Pour le PFOA, le PFOS, le PFNA, le PFHxS, il existe depuis 2023 des teneurs maximales pour les denrées alimentaires, à valeur réglementaire (pour la commercialisation) ou de recommandation[4]. Enfin, l’eau potable doit respecter une norme (0,50 μg/l pour le total des PFAS ou 0,1 μg/L pour la somme de vingt PFAS) d’ici 2026, ou dès 2023 pour des captages analysés par l’administration[5].

Ces directives et règlements européens sont transposés en droit français, avec notamment :

  • L’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, et par ses deux décrets d’application n°2022-1720 du 29 décembre 2022 relatif à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine et n° 2022-1721 du 29 décembre 2022 relatif à l’amélioration des conditions d’accès de tous à l’eau destinée à la consommation humaine ;
  • L’arrêté du 26 avril 2022 modifiant l’arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l’état des eaux en application de l’article R. 212-22 du code de l’environnement ;
  • L’arrêté du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation (qui cite uniquement le PFOS en fixant une valeur limite de concentration de 25 µg/l dans les eaux rejetées au milieu naturel).

C’est dans ce contexte que le documentaire Vert de rage – Alerte aux polluants éternels, diffusé le 12 mai 2022 sur France 2, a révélé au public la forte présence de PFAS dans l’eau dans la région lyonnaise, au cœur de la « vallée de la chimie », et déclenché des actions de l’Etat concernant les rejets des sociétés ARKEMA et DAIKIN à Pierre-Bénite.

Un plan d’action PFAS 2023‑2027 a été présenté le 17 janvier 2023 par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, lequel vise notamment à disposer de normes sur les rejets et les milieux.

L’axe 4 du plan d’action vise la réduction des émissions des industriels émetteurs de substances PFAS de façon significative. C’est dans ce cadre qu’a été publié l’arrêté du 20 juin 2023 qui définit les modalités d’une campagne d’identification et d’analyse des PFAS qui doit être mise en œuvre pour les rejets aqueux de certaines ICPE soumises à autorisation.

Obligation d’établir une liste des substances PFAS

Les exploitants des installations classées soumises à autorisation sous l’une des rubriques énumérées ont l’obligation d’établir, sous trois mois, la liste des substances PFAS utilisées, produites, traitées ou rejetées par son installation, ainsi que des substances PFAS produites par dégradation (Article 2).

Les substances utilisées, produites, traitées ou rejetées avant l’entrée en vigueur de l’arrêté, doivent également être mentionnées ainsi que la date à laquelle elles sont susceptibles d’avoir été rejetées.

Les rubriques de la nomenclature ICPE visées sont les suivantes :  2330, 2345, 2350, 2351, 2567, 2660, 2661, 2750, 2752, 2760, 2790, 2791, 2795, 3120, 3230, 3260, 3410, 3420, 3440, 3450, 3510, 3531, 3532, 3540, 3560, 3610, 3620, 3630, 3670, 3710 ou 4713 (Article 1).

Sont également concernées les installations soumises à autorisation non mentionnées mais utilisant, produisant, traitant ou rejetant des substances PFAS (Article 1).

Réalisation d’une campagne d’identification et d’analyse

Les exploitants concernés doivent réaliser une campagne d’identification et d’analyse des substances PFAS sur chaque point de rejets aqueux de leur établissement, à l’exception des points de rejet des eaux pluviales non souillées (Article 3).

Cette campagne porte sur :

  • L’estimation de la quantité totale de substances PFAS présente, en équivalent fluorure, par l’utilisation de la méthode indiciaire par adsorption du fluor organique (AOF) ;
  • L’analyse obligatoire de chacune des vingt substances listées visées par la directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine ;
  • La recherche et l’analyse de toute autre substance PFAS, mentionnée dans la liste établie par l’exploitant et techniquement quantifiable selon les dispositions prévues par l’arrêté, non comprise dans la liste précitée des vingt substances et susceptible d’être ou d’avoir été présente dans les rejets aqueux. Une liste de huit substances particulièrement concernées est mentionnée.

Les modalités de prélèvement et d’analyse sont précisées à l’article 4 de l’arrêté.

La campagne d’analyse doit être réalisée chaque mois sur trois mois consécutifs à partir d’échantillons prélevés selon les modalités indiquées.

Délais de réalisation en fonction de la rubrique concernée

Pour la réalisation de la première campagne d’analyse, des délais sont prévus en fonction des secteurs d’activités afin de tenir compte de la disponibilité des laboratoires.

L’échelonnement suivant est ainsi prévu :

  • Rubriques 2660, 2661, 2760, 2790, 3410, 3420, 3440, 3450, 4713 : délai de 3 mois à compter du 28 juin 2023 ;
  • Rubriques 2330, 2345, 2350, 2351, 2567, 2750, 2752, 2795, 3120, 3230, 3260, 3610, 3620, 3630, 3670, 3710 : délai de 6 mois à compter du 28 juin 2023 ;
  • Rubriques 2791, 3510, 3531, 3532, 3540, 3560 : délai de 9 mois à compter du 28 juin 2023.

Si un même établissement est soumis à autorisation au titre de plusieurs rubriques, associées à des délais différents, le délai le plus long est retenu.

Pour les établissements soumis à autorisation au titre de rubriques non mentionnées, la première campagne est réalisée au plus tard neuf mois à compter du 28 juin 2023.

Transmission des résultats à l’inspection des installations classées

L’exploitant transmet les résultats commentés de ces campagnes d’analyse, par voie électronique, à l’inspection des installations classées au plus tard le dernier jour du mois suivant chaque campagne.

En cas d’incapacité à tenir les délais, l’exploitant doit informer l’inspection des installations classées et justifier de cette incapacité. Il transmet alors les résultats au plus tard un mois après le délai initial.

Les installations ayant fait l’objet d’analyses de substances PFAS dans leurs rejets aqueux avant l’entrée en vigueur de l’arrêté, peuvent bénéficier d’une adaptation des conditions dans lesquelles sont mises en œuvre les campagnes d’analyse.


[1] Arrêté du 20 juin 2023 relatif à l’analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les rejets aqueux des installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de l’autorisation (NOR : TREP2315342A). Disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047739535

[2] Règlement n°2019/1021 du 20 juin 2019 concernant les polluants organiques persistants. Disponible à l’adresse : http://data.europa.eu/eli/reg/2019/1021/oj

[3] Règlement n°1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH). Disponible à l’adresse : http://data.europa.eu/eli/reg/2006/1907/oj. Pour le suivi de la proposition de restriction des PFAS publiée par l’Agence européenne des produits chimiques, mis en consultation publique jusqu’au 25 septembre 2023 : https://echa.europa.eu/fr/hot-topics/perfluoroalkyl-chemicals-pfas

[4] Règlement n°2022/2388 du 7 décembre 2022 modifiant le règlement n°1881/2006 en ce qui concerne les teneurs maximales en substances perfluoroalkylées dans certaines denrées alimentaires. Disponible à l’adresse : http://data.europa.eu/eli/reg/2022/2388/oj

[5] Directive n°2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Disponible à l’adresse : http://data.europa.eu/eli/dir/2020/2184/oj