Lanceurs d’alerte : entrée en vigueur de nouvelles règles de protection au sein de l’Union européenne
Les récents scandales des Panama Papers et des LuxLeaks ont illustré l’impérieuse nécessité d’établir une législation protectrice des lanceurs d’alerte tant leurs révélations ont provoqué une prise de conscience des atteintes graves existantes aux législations européennes – préjudiciables notamment à l’intérêt public – et de la précarité de leur statut.
L’entrée en vigueur le 16 décembre 2019 de la Directive n° 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union constitue une avancée majeure en ce qu’elle encourage les Etats à aller au-delà des normes minimales communes en créant un régime harmonisé au sein de l’Union européenne propre à garantir une protection effective des lanceurs d’alerte.
Si en France, à l’instar d’une dizaine d’autres Etats européens, une législation protectrice complète des lanceurs d’alerte existe déjà[1], cette Directive constitue une avancée majeure en ce qu’elle permet à l’Union Européenne de se doter d’un régime général propre à protéger les personnes ayant obtenu dans un contexte professionnel – tant du secteur privé que public – des informations sur des violations du droit de l’Union.
La Directive a en effet vocation à s’appliquer aux violations au droit de l’Union concernant notamment la lutte contre le blanchiment d’argent, la sécurité des produits et des transports, la protection de la santé, l’environnement, la protection des consommateurs et de la vie privée ainsi que des données à caractère personnel.
La protection offerte par la Directive est cependant conditionnée à (i) l’existence pour le lanceur d’alerte d’un motif raisonnable de croire, au moment du signalement, que les informations signalées étaient véridiques et (ii) au respect de la procédure prévue.
La Directive prévoit ainsi l’établissement de « canaux de signalement » internes et externes, étant précisé que :
- Les « canaux de signalement internes » seront développés par les Etats membres, au sein des entités juridiques du secteur privé et du secteur public. Ces canaux devront permettre (i) la réception sécurisée des informations en garantissant la confidentialité de l’identité de l’auteur et de tout tiers mentionné, (ii) l’établissement d’un accusé de réception dans un délai de sept jours et (iii) la désignation d’une personne ou d’un service impartial pour assurer le traitement de ce signalement ;
- Les « canaux de signalement externes » – auxquels les auteurs pourront avoir recours en substitut ou en complément – seront constitués des autorités compétentes désignées par chaque Etat membre. Ces autorités devront être indépendantes et autonomes et garantir la confidentialité, l’exhaustivité et l’intégrité des informations et empêcher l’accès à ces informations à toute personne non autorisée.
Lorsque le signalement oral ou écrit aura été fait par le biais de l’un ou l’autre de ces canaux, l’auteur bénéficiera d’une protection particulièrement large pendant la période de traitement de l’alerte. A cet égard, la Directive prévoit qu’une réponse devra être fournie au lanceur d’alerte dans le délai maximal de trois mois à compter de l’accusé de réception ou, à défaut, de trois mois à compter de l’expiration d’un délai de sept jours suivant l’établissement de l’alerte.
La Directive précise ainsi que les Etats doivent prendre non seulement toutes les mesures propres à protéger le lanceur d’alerte – en s’assurant que l’identité du lanceur d’alerte ne soit pas révélée et en interdisant toute forme de représailles – mais encore à le soutenir en mettant en œuvre des informations et conseils facilement accessibles, une assistance effective ainsi qu’une assistance juridique. Il est intéressant de noter que le lanceur d’alerte pourra également bénéficier d’un soutien financier et psychologique.
La Directive précise enfin qu’il appartiendra à chaque Etat d’adopter toute sanction effective, proportionnée et dissuasive à l’encontre de toute personne qui entraverait les signalements, exercerait des mesures de représailles ou encore manquerait à l’obligation de préserver la confidentialité de l’identité de l’auteur.
Le délai de transposition de cette Directive
est fixé au plus tard au 17 décembre 2021.
[1] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Loi Sapin 2 ».