L’autorité de la concurrence sanctionne Google pour abus de position dominante sur le marché de la publicité en ligne
Par décision n°21-D-11 du 7 juin 2021[1], l’autorité de la concurrence a infligé à Google une sanction de 220 millions d’euros.
En cause : des pratiques discriminatoires visant à favoriser ses propres technologies publicitaires, au détriment des autres acteurs du secteur.
A l’origine de la saisine de l’autorité : plusieurs éditeurs de presse lésés par les pratiques du géant numérique (News. Corp. Inc.[2], le groupe le Figaro[3] et le groupe Rossel La Voix[4]).
Les acteurs et les technologies concernés
La publicité en ligne fonctionne grâce à la combinaison des technologies et acteurs suivants :
- Les annonceurs sont les sociétés souhaitant afficher leurs publicités et acheter des espaces publicitaires à cet effet.
- De l’autre côté de la chaîne, il y a les éditeurs, qui sont les sites web et les applications proposant des espaces publicitaires. Il s’agit notamment des éditeurs de presse qui, suite au déclin de la presse papier, génèrent désormais l’essentiel de leurs revenus grâce à la publicité en ligne.
- Afin d’acheter des espaces publicitaires, les annonceurs utilisent des plateformes d’achat (dites DSP pour Demand Side Plateform) leur permettant d’accéder à des plateformes d’enchères programmatiques (dites SSP pour Supply Side Plateform) qui sont des places de marchés virtuelles algorithmiques où se rencontrent l’offre (les éditeurs) – et la demande (les annonceurs) et où sont fixés les prix.
- Les serveurs publicitaires sont les outils qui permettent aux éditeurs de choisir et d’afficher les publicités sur leur site web ou sur leur application mobile. Ces serveurs permettent aux éditeurs de choisir entre la réalisation de transactions directes avec les annonceurs ou de transactions indirectes passant par l’intermédiaire de plateformes d’enchères programmatiques (SSP).
Si les éditeurs utilisent souvent plusieurs plateformes d’enchères programmatiques (SSP), ils n’accèdent le plus souvent à ces plateformes que par un unique serveur publicitaire qui procède à une mise en concurrence automatisée entre ces mêmes plateformes.
Les pratiques discriminatoires reprochées
Deux technologies publicitaires appartenant à Google sont en cause :
- le serveur publicitaire Doubleclick for publishers (ci-après « DFP ») ;
- la plateforme de mise en vente programmatique d’espaces publicitaires Doubleclick AdExchange (ci-après « AdX »).
En effet, ces deux technologies s’avantageaient réciproquement, au détriment de leurs concurrents, par les mécanismes suivants :
- D’une part, le serveur publicitaire DFP organisait une mise en concurrence inéquitable tendant à favoriser sa propre plateforme d’enchères AdX.
Ainsi, DFP communiquait à AdX les prix proposés par les plateformes concurrentes ce qui permettait à AdX d’optimiser ses enchères.
- D’autre part, l’interopérabilité entre AdX et les serveurs publicitaires concurrents de DFP était limitée, ce qui empêchait ces derniers de mettre en concurrence AdX et ses plateformes concurrentes.
L’autorité de la concurrence a considéré qu’il s’ agissait de pratiques anticoncurrentielles graves : elles ont occasionné des difficultés significatives pour les serveurs et plateformes concurrents de Google. Ces pratiques ont également empêché les éditeurs de pouvoir faire jouer pleinement la concurrence entre les plateformes d’enchères.
La mise en place d’une procédure de transaction
Google n’a pas contesté les griefs reprochés et a sollicité le bénéfice de la procédure de transaction prévue au III de l’article L464-2 du code de commerce.
Google a proposé plusieurs engagements pour mettre fin à ces pratiques, que la décision de l’Autorité de la concurrence a rendus obligatoires.
Google s’est notamment engagé à modifier les configurations existantes de ses technologies et à permettre l’interopérabilité avec ses concurrents.
L’Autorité de la concurrence a également prononcé une sanction de 220 millions d’euros.
La présidente de l’Autorité de la concurrence s’est félicitée de cette décision :
« La décision sanctionnant Google a une signification toute particulière car il s’agit de la première décision au monde se penchant sur les processus algorithmiques complexes d’enchères par lesquels fonctionne la publicité en ligne « display ».
L’instruction, menée particulièrement rapidement, a permis de révéler des processus par lesquels Google prenant appui sur sa position dominante considérable sur les serveurs publicitaires pour sites et applications, se favorisait par rapport à ses concurrents tant sur les serveurs publicitaires que les plateformes SSP.
Ces pratiques très graves ont pénalisé la concurrence sur le marché émergent de la publicité en ligne, et ont permis à Google non seulement de préserver mais aussi d’accroître sa position dominante. Cette sanction et ces engagements permettront de rétablir un terrain de jeu équitable pour tous les acteurs, et la capacité des éditeurs à valoriser au mieux leurs espaces publicitaires. »
[1] https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/decision/relative-des-pratiques-mises-en-oeuvre-dans-le-secteur-de-la-publicite-sur-internet-0
[2] The Wall Street Journal, The Sun, The Daily Telegraph, New York Post …
[3] Le Figaro, Le Figaro Magazine, Madame Figaro – le groupe Le Figaro s’est néanmoins désisté en novembre 2020
[4] La Voix du Nord, le Courrier Picard, Le Soir