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Publié le 27 avril 2023 par Soulier Avocats

Le Conseil d’État annule l’autorisation d’exploitation de la centrale biomasse de Gardanne

Par un arrêt rendu le 27 mars 2023[1], le Conseil d’État a validé l’annulation de l’autorisation d’exploiter la centrale biomasse de Gardanne située sur les communes de Meyreuil et de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, qui avait été prononcée par le tribunal administratif de Marseille le 8 juin 2017.

Pour annuler cette autorisation d’exploiter, il relève que l’étude d’impact n’a pas analysé les effets sur l’environnement de son plan d’approvisionnement en bois.

Dans le cadre de la politique de développement de l’énergie renouvelable initiée par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement du 3 août 2009, plusieurs appels d’offres ont été lancés par la Commission de régulation de l’énergie.

Le projet de la société GazelEnergie (ex Uniper, ex E.ON) de convertir à la biomasse[2] la tranche 4 de la centrale de Gardanne qui fonctionnait au charbon jusqu’en 2013 a été retenu dans le cadre de l’un de ces appels d’offres. Il comportait un plan d’approvisionnement des combustibles destinés à être utilisés au titre de la biomasse. D’après ce plan, les ressources en bois d’origine locale devaient représenter 25 % de l’énergie entrante dans la centrale. 

Par un arrêté du 29 novembre 2012, le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé la société au titre des installations classées à exploiter une installation biomasse et des installations annexes au sein de la Centrale de Provence située sur les communes de Meyreuil et Gardanne.

Des associations, syndicats, et collectivités publiques ont alors demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté d’autorisation.

Par un jugement du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à leur demande au motif que l’étude d’impact n’était pas proportionnée à l’importance et à la nature du projet. Mais, par un arrêt du 24 décembre 2020, la cour administrative d’appel de Marseille a retenu la solution inverse.

C’est son arrêt qui était attaqué devant le Conseil d’État.

Une évaluation de l’impact, y compris de l’approvisionnement en bois, insuffisante

L’article L. 122-1 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable en l’espèce prévoit :

« I. – Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact. (…).

II. – Lorsque ces projets concourent à la réalisation d’un même programme de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l’étude d’impact doit porter sur l’ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l’étude d’impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l’ensemble du programme. Lorsque les travaux sont réalisés par des maîtres d’ouvrage différents, ceux-ci peuvent demander à l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement de préciser les autres projets du programme, dans le cadre des dispositions de l’article L. 122-1-2. Un programme de travaux, d’aménagements ou d’ouvrages est constitué par des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements réalisés par un ou plusieurs maîtres d’ouvrage et constituant une unité fonctionnelle. (…) ». 

Et l’article R. 512-8 du Code de l’environnement dans sa rédaction applicable en l’espèce que :

« I.- Le contenu de l’étude d’impact (…) doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement(…).

II.- Elle présente successivement :

1° Une analyse de l’état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d’être affectés par le projet ;

Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l’installation sur l’environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’agriculture, l’hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l’origine, la nature et la gravité des pollutions de l’air, de l’eau et des sols, les effets sur le climat, le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu’ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d’approvisionnement en eau et d’utilisation de l’eau (…) ».

Ainsi, une étude d’impact doit notamment porter sur « les incidences prévisibles sur l’environnement » de l’installation, ce qui inclut « les effets indirects » sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques.

La question de l’approvisionnement de la centrale en bois a alors été au cœur des débats : dans quelle mesure la façon dont le combustible de la centrale électrique est obtenu doit être pris en compte au titre des effets sur l’environnement ?

Les associations requérantes soutenaient que l’étude d’impact était insuffisante en ce qu’elle n’analysait pas les effets, pour les massifs forestiers, de la mise en œuvre de ce plan d’approvisionnement en bois.

La société considérait que le prélèvement de 25% sur les ressources forestières locales constituait un impact « très mesuré et non significatif sur le gisement disponible ».

Le tribunal a considéré que les conditions d’approvisionnement en bois constituaient « un élément essentiel de l’exploitation au regard de ses incidences prévisibles sur l’environnement » et que le prélèvement en bois avait un caractère significatif.

La société soutenait également qu’elle n’avait pas à prendre en compte les effets indirects des activités de production et de fourniture de biomasse forestière puisqu’elle ne les exploitait pas directement. Selon elle, même si l’approvisionnement en bois de la centrale est une condition de son exploitation, l’exploitation forestière d’une part et la production d’électricité d’autre part sont des activités distinctes. L’étude d’impact de son projet de centrale électrique n’avait pas à porter sur les opérations d’exploitation forestière réalisées par un tiers en vue de l’approvisionnement en bois de la centrale.

Le tribunal a relevé en effet qu’il n’y avait pas de lien fonctionnel entre l’exploitation forestière et le projet de centrale, au sens de la notion de « programme de travaux » de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement et qu’au niveau de ces défrichements (soumis à autorisation et étude d’impact) « aucune disposition législative ou réglementaire ne permettra de s’assurer qu’il sera tenu compte des effets cumulés des opérations de défrichement rendues nécessaires par le fonctionnement de la centrale projetée ».

Il a cependant considéré que « l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif de plusieurs projets ne doit pas avoir pour effet de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ».

Le tribunal avait conclu que, compte tenu de l’importance du prélèvement (25%) et des incidences prévisibles sur l’environnement, l’étude d’impact n’était pas proportionnée à l’importance et à la nature du projet. Les effets indirects de l’installation sur les sites et les paysages et sur les milieux naturels et les équilibres écologiques devaient être analysés.

La Cour administrative d’appel avait au contraire partagé l’analyse de la société et considéré que l’absence d’analyse des incidences de ces prélèvements en bois sur l’environnement ne rendait pas l’étude d’impact insuffisante, en s’appuyant sur le caractère distinct des législations applicables d’une part au défrichement et d’autre part à l’exploitation de la centrale.

Dans son arrêt rendu le 27 mars 2023, le Conseil d’État tranche ce débat en faveur de l’analyse du tribunal et des requérantes.

Selon lui, l’étude d’impact du projet doit analyser les effets sur l’environnement du plan d’approvisionnement en bois de la centrale.

Il rappelle ainsi que « L’appréciation de ces effets suppose que soient analysées dans l’étude d’impact non seulement les incidences directes sur l’environnement de l’ouvrage autorisé, mais aussi celles susceptibles d’être provoquées par son utilisation et son exploitation. Cette analyse doit, aux termes de l’article R. 512-8 du code de l’environnement (…) alors applicable, être en relation avec l’importance de l’installation projetée ».

Or, constate le Conseil d’État, « l’exploitation de la centrale de Provence repose sur la consommation de très grandes quantités de bois provenant de ressources forestières locales, ressources naturelles faisant l’objet d’une protection particulière ».

Il en résulte que « les principaux impacts sur l’environnement de la centrale par son approvisionnement en bois, et notamment les effets sur les massifs forestiers locaux, doivent nécessairement être analysés dans l’étude d’impact. »

Une insuffisance non régularisable

Il ressort de la jurisprudence Société Ocréal[3] que les inexactitudes, omissions ou insuffisances de l’étude d’impact sont susceptibles de vicier la procédure et, partant, d’entraîner l’illégalité de la décision d’autorisation, si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

En première instance, le tribunal avait jugé que l’insuffisance de l’étude d’impact revêtait un caractère substantiel et avait eu pour effet de nuire à la fois à l’information de la population à l’occasion de l’enquête publique en ce qu’elle occultait un point essentiel de l’impact du projet sur l’environnement et à l’analyse par l’administration de l’impact.

Le Conseil d’État, qui a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel du 24 décembre 2020 en ce qu’il avait réformé le jugement du tribunal, a renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel.


[1] Conseil d’État, 27 mars 2023, n° 450135

[2] Aux termes de l’article L. 211-2 du code de l’énergie, « La biomasse est la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets, notamment les déchets industriels ainsi que les déchets ménagers et assimilés lorsqu’ils sont d’origine biologique. »

[3] CE, 14 oct. 2011, nº 323257 Société Ocréal. Cf. article intitulé Régularisation des autorisations environnementales : le Conseil d’État précise les conditions publié sur notre Blog au mois de mars 20123.