Le détachement de salariés en France dans la 7ème ordonnance Macron à paraître très prochainement : plus de simplicité mais plus de sévérité en cas de non-respect de la réglementation
Alors que les ministres des affaires sociales de l’Union européenne ont scellé un accord le 23 octobre 2017 pour revoir la directive de 1996 sur le détachement de travailleurs, notamment sous l’impulsion du gouvernement Macron, la France met en ordre sa propre réglementation. Le gouvernement a en effet annoncé le 20 décembre 2017 plusieurs mesures relatives au détachement de salariés depuis l’étranger vers la France, à savoir le détachement dit « transnational ».
Une 7ème ordonnance Macron est donc attendue dans le courant du premier trimestre 2018. Plus de simplicité et plus de sévérité: voilà la logique annoncée de cette future ordonnance. Car ce sont surtout les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations, par exemple en matière de rémunération des salariés détachés – nourrissant ainsi une logique de dumping social – que le gouvernement français entend manifestement traquer.
Les entreprises dont le siège social est établi hors de France peuvent détacher temporairement leurs salariés en France. Elles doivent alors respecter plusieurs formalités obligatoires (III.) et appliquer aux salariés ainsi détachés, certaines dispositions impératives prévues par le Code du travail français (II.).
Mais avant toute mise en œuvre, l’employeur étranger doit s’assurer que l’opération envisagée s’inscrit bien dans le cadre légal du détachement (I.).
I. Cadre légal du détachement transnational
L’article L. 1261 du Code du travail prévoit qu’ « un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, s’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. »
De ce fait, le détachement est soumis à certaines conditions indispensables :
– L’employeur doit être établi hors du territoire national. Néanmoins la notion d’établissement sous-entend de remplir deux exigences :
+ être régulièrement établi, c’est-à-dire en conformité avec la législation en vigueur de l’Etat en question.
+ justifier d’une activité significative, stable et continue.
– Le détachement de salariés étrangers en France doit être temporaire. Ainsi, une fois la mission terminée, les salariés détachés reprennent leurs fonctions au sein de leur entreprise d’origine. Le code du travail français ne fixe aujourd’hui pas de durée maximale de détachement. Toutefois, l’accord des ministres des affaires sociales de l’Union européenne pour la révision de la directive sur le travail détaché intervenu le 23 octobre 2017, prévoit notamment de fixer une durée maximale du détachement à 12 mois.
– Un contrat de travail doit toujours exister entre l’employeur et le salarié détaché et doit être maintenu pendant toute la durée du détachement, quel que soit le cadre du détachement.
– La relation de travail doit avoir été nouée antérieurement au détachement. Ainsi, un salarié ne peut pas être recruté par une entreprise étrangère dans le seul but d’être détaché en France.
Ensuite, le Code du travail règlemente, dans son article L. 1262-1, trois situations dans lesquelles le détachement peut être réalisé :
« 1° Soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;
2° Soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe;
3° Soit pour le compte de l’employeur sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire. »
En dehors de ces cas admis par la législation française, le détachement ne saurait être reconnu.
II. Droits et règles applicables au travailleur détaché sur le territoire français
Il est important de noter que quelle que soit la loi applicable au contrat de travail, les salariés détachés en France sont soumis aux dispositions légales, règlementaires et conventionnelles applicables aux salariés français employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, dans les domaines suivants énumérés à l’article L. 1262-4 du Code du travail :
- Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail;
- Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes;
- Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux;
- Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire;
- Exercice du droit de grève;
- Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs;
- Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries;
- Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que les accessoires de salaire légalement ou conventionnellement fixés;
- Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants;
- Travail illégal.
Ce bloc de matières constitue le « noyau dur » du droit du travail français, lequel s’impose automatiquement aux employeurs qui souhaitent détacher leurs salariés en France.
Ainsi, en pratique l’employeur étranger doit notamment veiller au respect des règles de droit français en matière de durée du travail (amplitude horaire du salarié, respect de la durée maximum quotidienne) et également s’assurer que la rémunération du salarié détaché est bien au moins égale au salaire minimum prévu par la convention collective pour sa catégorie d’emploi ou à défaut au SMIC.
III. Les formalités préalables au détachement incombant à l’employeur
(i) Formalités préalables auprès de l’inspecteur du Travail
Avant le début du détachement, l’employeur étranger doit adresser une déclaration à l’unité territoriale de la Direccte dans le ressort de laquelle s’effectue la prestation (ou, si elle est exécutée dans d’autres lieux, à l’unité territoriale dans le ressort de laquelle se situe le premier lieu d’exécution).
Il doit également désigner un représentant de l’entreprise sur le territoire français, chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle (inspecteur du travail, contrôleur URSSAF, services de police et de gendarmerie, les impôts, etc.) et de conserver les documents à mettre à la disposition de l’inspection du travail.
Cette déclaration préalable de détachement doit s’effectuer via le télé service « SIPSI » : http://www.sipsi.travail.gouv.fr
A noter que la 7ème ordonnance annoncée pour le premier trimestre 2018 allégera les formalités administratives pour certains types de prestations, notamment les prestations artistiques, journalistiques, les formations ou séminaires. Deux idées sont à l’étude : l’établissement d’une liste d’activités exonérées de déclaration de détachement, et la détermination d’une durée de prestation en deçà de laquelle la déclaration de détachement ne sera pas requise.
En outre, la 7ème ordonnance devrait prévoir de favoriser la conclusion de conventions bilatérales sur les travailleurs transfrontaliers, ce qui permettrait aux salariés situés de l’autre côté de la frontière française d’obtenir une déclaration unique pour 12 mois sans avoir à réaliser une déclaration de détachement pour chaque prestation.
Toute omission de déclaration par l’employeur est aujourd’hui passible d’une amende administrative prononcée par le Direccte, dont le montant ne peut dépasser 2000€ par salarié détaché (4000€ en cas de réitération). (Article L. 1264-3 du Code du travail).
La 7ème ordonnance à venir fixera une nouvelle sanction sous forme de contribution forfaitaire (montant fixé par arrêté), qui pourra être prononcée, à compter du 1er janvier 2019, à l’encontre des entreprises fraudeuses, notamment en cas d’absence de déclaration de détachement ou en cas de non-respect du « noyau dur » des droits (cf. point II. ci-dessus). En cas de défaut de paiement, la Direccte pourra ordonner une mesure de suspension d’activité. Cette sanction viendrait alors s’ajouter à l’amende administrative et à la mesure de suspension d’activité déjà prévues en cas de manquement, sans que l’on sache à ce stade comme elles s’articuleraient.
Alors qu’il était prévu l’instauration d’un droit de timbre d’un montant de 40 €, à compter du 1er janvier 2018, pour toutes entreprises établies à l’étranger et détachant des travailleurs en France, ce droit de timbre n’est finalement pas entré en vigueur et un décret prévoyant l’abrogation de ce droit de timbre devrait paraître très prochainement.
(ii) Formalités relatives à la sécurité sociale
Les règlements européens de sécurité sociale prévoient que sous condition et pendant une certaine durée, les salariés détachés par un employeur établi dans l’union européenne dans un autre pays membre de l’Union européenne (UE) restent affiliés à la législation de sécurité sociale du pays habituel d’emploi.
En pratique, ceci signifie qu’un salarié travaillant habituellement dans un autre pays et détaché temporairement en France reste affilié à la sécurité sociale de son pays habituel d’emploi et ne relève pas de la législation de sécurité sociale française.
De fait, il n’y a pas de cotisations à payer en France.
Ces règles s’appliquent également dans les relations avec les états de l’Espace Economique Européen (Islande, Lichtenstein, Norvège) et la Confédération Suisse.
Ce régime d’« équivalence » européen ne joue que tant que l’on se trouve bien dans une situation de « détachement » au sens de la sécurité sociale, à savoir que la mission ne dure pas plus de 24 mois (sauf exceptions). Si le salarié a vocation à rester sur ce poste plus de 24 mois, il tombe en principe sous le régime de l’expatriation, ce qui suppose de s’affilier au régime de protection sociale français.
De même, les salariés détachés en provenance de pays ayant conclu une convention bilatérale de sécurité sociale avec la France relèvent, dans les matières et pendant la durée prévue par l’accord international applicable, du régime de sécurité sociale de leur pays d’origine.
(iii) Formalités relatives au droit du travail
Il est impératif de prévoir un avenant au contrat d’origine pour fixer l’ensemble des conditions d’exécution du travail qui sera effectué en France.
Si le détachement a lieu entre deux entités juridiques différentes, il convient également de prévoir la conclusion d’une convention de mise à disposition. La convention de mise à disposition doit ainsi impérativement prévoir (i) la durée, (ii) la qualification du salarié concerné et (iii) le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse (article L. 8241-2 du Code du travail).