Le feuilleton des délégations de pouvoir dans les SAS
Aujourd’hui plus personne ne conteste la nécessité d’autoriser le dirigeant d’entreprise à déléguer une partie de ses pouvoirs à des collaborateurs investis de responsabilités particulières, tant les compétences requises pour gérer une entreprise sont multiples et complexes.
Une jurisprudence abondante et en constante évolution détermine les conditions de validité des délégations de pouvoirs : elles tiennent à la personne du délégataire (compétence, autorité, et moyens mis à sa disposition pour l’accomplissement de sa mission), à la personne du délégant (l’entreprise doit être d’une taille suffisante pour justifier de la mise en place d’une telle organisation) et à la délégation de pouvoirs elle-même (délégation exempte d’ambiguïté, limitée dans son champ et dans le temps etc…).
La deuxième chambre de la Cour d’appel de Paris a ajouté récemment une condition supplémentaire inattendue pour les seules Sociétés par Actions Simplifiées (SAS) à l’occasion de deux litiges prud’homaux portant sur la validité de licenciements: l’obligation que la délégation de pouvoirs ait été autorisée par les statuts.
Cette obligation résulte selon la Cour de l’article L. 227-6 du code de commerce aux termes duquel la SAS est représentée à l’égard des tiers par un président, dont les pouvoirs peuvent être délégués à un directeur général et un directeur général délégué lorsque les statuts le prévoient.
D’autres cours et tribunaux, nombre d’auteurs, et le ministre de la justice lui-même dans une réponse ministérielle, ont condamné ces décisions en relevant qu’elles confondaient les notions distinctes de représentation légale et de délégation de pouvoirs, une telle distinction n’ayant jamais créé la moindre difficulté dans toutes les autres formes de société.
Chacun attend donc en retenant son souffle le verdict de la Cour de cassation, laquelle doit se prononcer le 5 novembre prochain.
Peu d’auteurs ont souligné que l’impact de cette décision n’affectera pas seulement les conditions de validité d’une décision de licenciement prise par un directeur des ressources humaines. En effet, toutes les délégations de pouvoirs consenties dans des SAS sans avoir été autorisées par les statuts sont concernées.
La SAS étant la forme sociale préférée des groupes de sociétés, notamment étrangers, c’est toute l’organisation de la gestion et des pouvoirs au sein des filiales françaises de ces groupes qui se trouverait menacée si la Cour de cassation confirmait les arrêts de la deuxième chambre de la Cour d’appel de Paris.
Ou comment donner à des investisseurs étrangers, déjà rebutés par les complexités ubuesques de notre droit social, l’image d’un pays instable où la sécurité juridique n’est jamais garantie.
Suite du feuilleton des délégations de pouvoir dans les SAS dans le prochain numéro.