Le fonctionnement du compte courant d’associés en droit français : des conditions assouplies par la loi Pacte
Le compte courant d’associés est un outil de financement de l’entreprise prisé des associés pour sa facilité de mise en œuvre et sa neutralité s’agissant du contrôle de la société.
La loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019 est venue assouplir les modalités d’apport en compte courant (i) en levant, d’une part, la condition de détention d’au moins 5 % du capital de la société pour les associés et actionnaires, et (ii) en consacrant légalement la validité de l’apport en compte courant pour les présidents de SAS ainsi que pour les directeurs généraux et directeurs généraux délégués de SA et de SAS d’autre part.
Le compte courant d’associé est souvent perçu par les associés comme un outil privilégié permettant à la société de faire face avec souplesse et rapidité à ses besoins de trésorerie, il convient cependant de bien en appréhender les modalités de fonctionnement.
Concrètement, le compte courant peut être alimenté par des avances, à savoir le versement de fonds à la société, ou par des prêts en laissant à la disposition de la société des sommes que l’associé renonce provisoirement à percevoir[1], à titre d’exemple des dividendes ou de la rémunération. L’apport en compte courant d’associé s’analyse en un prêt, à durée indéterminée, d’un associé à la société[2].
Si la notion de compte courant n’est pas définie en tant que telle par la loi, le mécanisme du compte courant est admis par dérogation au principe du monopole bancaire qui interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public[3].
En effet, l’article L.312-2 du Code de commerce prévoit que « ne sont pas considérés comme fonds remboursables du public » les fonds reçus par la société ou laissés en compte par:
– ses associés ou actionnaires,
– ses administrateurs, membres du directoire et du conseil de surveillance, directeurs généraux et directeurs généraux délégués, présidents ou gérants,
– ses salariés sous réserve que leur montant n’excède pas 10% de ses capitaux propres.
Les dispositions rappelées ci-avant sont celles assouplies par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte ». En effet, l’article L.312-2 du Code de commerce, dans son ancienne rédaction[4], subordonnait la possibilité d’effectuer des avances en compte courant pour les associés et actionnaires à la détention d’au moins 5% du capital social de la société. Ce seuil de détention a été supprimé par la loi Pacte venant ainsi faciliter le recours aux avances en compte courant comme mode de financement pour les sociétés.
En outre, la loi Pacte est venue compléter la liste des mandataires sociaux autorisés à effectuer des apports en compte courant. L’article L.312-2 du Code de commerce tel que modifié par la loi Pacte mentionne désormais expressément les présidents[5], ainsi que les directeurs généraux[6] et directeurs généraux délégués[7] apportant ainsi une clarification bienvenue quant au périmètre des mandataires sociaux autorisés à effectuer des apports en compte courant.
Quant au formalisme du compte courant d’associé, s’il n’existe aucune obligation de conclure une convention de compte courant entre l’associé et la société, il nous parait opportun de prévoir une telle convention afin de fixer les modalités de fonctionnement du compte courant, notamment en matière de remboursement et de détermination du taux d’intérêt (lorsque le compte courant est rémunéré). En effet, en l’absence de stipulations d’intérêts conventionnels, les avances en compte courant sont réputées être effectuées à titre gratuit[8]. Il arrive également que les conditions de fonctionnement du compte courant soient précisées dans les statuts de la société.
Le fonctionnement des comptes courants d’associés présente un certain nombre d’écueils (décrits de manière non-exhaustive ci-après) ayant donné lieu à une jurisprudence fournie et appelant à une certaine vigilance.
Tout d’abord, il arrive fréquemment que le remboursement du compte courant d’associé soit assorti de certaines conditions. Par exemple, le remboursement est subordonné à la reconstitution des fonds propres à un certain niveau[9] ou que l’actif disponible soit supérieur au passif exigible[10]. Il convient d’être vigilant eu égard à ces conditions. Pour être valables, elles ne doivent pas faire exclusivement dépendre le remboursement d’une décision de la société. En effet, en droit français, la stipulation qui donne à la société débitrice le pouvoir de décider seule et de manière arbitraire de l’exécution de son engagement de remboursement est considérée comme purement potestative et entachée de nullité.
Il est parfois opportun de prévoir le blocage de sommes en compte courant afin d’assurer la stabilité financière de la société. La décision de blocage est souvent prévue dans les statuts de la société. À défaut, une telle décision ne peut être valablement prise au cours d’une assemblée générale de la société qu’avec l’accord unanime des associés car elle entraîne une augmentation de leurs engagements[11].
Une précision s’impose enfin en matière de cession de
titres. En l’absence d’une clause expresse des statuts de la société ou de
stipulations conventionnelles, la cession de titres de la société par un
associé n’entraîne pas, de plein droit, la cession du compte-courant ouvert au
nom de cet associé au cessionnaire. En effet, les qualités d’associé et de
créancier de la société sont indépendantes[12]. Il convient de noter à
cet égard que le transfert du compte-courant résulte, soit des statuts de la
société, soit de stipulations contractuelles dans la convention de compte
courant ou dans l’acte de cession de titres.
[1] Réponse ministérielle n° 34969 : JO Sénat 22-10-1980
[2] Cass. com. 18-11-1986
[3] Article L.511-5 alinéa 2 du Code monétaire et financier
[4] En vigueur avant le 24-05-2019
[5] De société par actions simplifiée
[6] De société par actions simplifiée et de société anonyme (cf. Rapport du Sénat n°254 (2018-2019) du 17-01-2019 relatif à la loi 2019-486)
[7] Ibid.
[8] Cass. 1e civ. 26-11-1991 n°90-17.169
[9] CA Paris 12-12-2007 n°05-15941
[10] Cass. Com. 31-01-2017 n°15-14.734 F-D
[11] Article 1836 du Code civil
[12] Tribunal administratif, Orléans, 28-02-2017 n° 1601133