Le Règlement (UE) 2023/988 sur la sécurité générale des produits : Tour d’horizon des principales nouveautés
Le Règlement (UE) 2023/988 relatif à la sécurité générale des produits (RSGP) est entré en application le 14 décembre dernier. Ce nouveau cadre juridique vise à renforcer la protection des consommateurs face aux risques croissants liés à la numérisation, aux nouvelles technologies et à la mondialisation des chaînes d’approvisionnement.
Il impose de nouvelles obligations aux opérateurs économiques et aux fournisseurs de places de marché en ligne, tout en clarifiant les mécanismes de surveillance du marché et les pouvoirs des autorités nationales.
Points clefs à retenir :
Objectif : Garantir des produits plus sûrs et un haut niveau de protection des consommateurs au sein de l’Union européenne.
Champ d’application : Le RSGP s’applique aux produits neufs, usagés, réparés ou reconditionnés disponibles dans l’UE, non couverts par d’autres législations spécifiques. Il exclut certains produits comme les médicaments, les denrées alimentaires et les produits phytosanitaires.
Obligation générale de sécurité : Le RSGP impose une obligation générale de sécurité. Les opérateurs économiques ne doivent mettre sur le marché ou mettre à disposition sur le marché européen que des produits « sûrs ». A cette fin, tout produit doit faire l’objet d’une évaluation des risques prenant en compte tous ses aspects pertinents.
Principales obligations des opérateurs économiques :
Attention : les opérateurs économiques établis en dehors de l’Union européenne doivent désigner une « personne responsable des produits mis sur le marché de l’Union ».
Fabricants : Concevoir et fabriquer des produits sûrs, effectuer une analyse interne des risques, rédiger une documentation technique, assurer une traçabilité adéquate et fournir des instructions de sécurité claires.-
Importateurs : S’assurer que les produits importés soient conformes au RSGP, vérifier la documentation technique et intégrer ses coordonnées qui doivent figurer sur le produit ou l’emballage.
Distributeurs : Vérifier la conformité du produit, notamment en vérifiant la présence du marquage et de la documentation nécessaire.
Obligations des marketplaces : Désigner des points de contact pour les autorités et le public, agir rapidement et de façon proactive pour retirer ou désactiver les offres de produits dangereux, et coopérer avec les autorités pour éliminer les risques.
Surveillance du marché : Les autorités de surveillance du marché sont chargées de veiller à la conformité des produits, mener des contrôles, prendre des mesures correctives, coopérer entre elles et avec la Commission via des outils d’échange d’informations comme le système d’alerte rapide Safety Gate.
Le RSGP[1] définit le nouveau cadre législatif général pour la sécurité des produits de consommation non-alimentaires dans l’Union européenne, venant combler les lacunes et compléter les réglementations européennes sectorielles existantes en matière de sécurité.
Il a ainsi vocation à constituer un « filet de sécurité » couvrant les produits, les aspects et les risques qui ne sont pas abordés par la législation d’harmonisation de l’Union européenne.
Le RSGP prévoit des règles de sécurité des produits qui sont nouvelles et mieux adaptées aux évolutions passées et à venir en matière de consommation, et renforce les responsabilités tout au long de la chaîne d’approvisionnement afin d’offrir des conditions égales à toutes les entreprises actives dans l’Union européenne.
Le RSGP établit une obligation générale de sécurité afin de garantir que tous les produits sur le marché de l’Union européenne soient sûrs et sans danger pour les consommateurs.
Toutes les entreprises intervenant dans la chaîne d’approvisionnement, y compris les fournisseurs de places de marché en ligne, jouent un rôle pour garantir la sécurité des produits et doivent s’acquitter d’obligations spécifiques.
Champ d’application
Le RSGP s’applique aux produits neufs, usagés, réparés ou reconditionnés disponibles pour la distribution, la consommation ou l’utilisation dans l’Union européenne, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, qui ne sont pas couverts par d’autres législations spécifiques de l’Union Européenne en matière de sécurité des produits. Il convient de noter qu’il ne s’applique pas aux produits devant être réparés ou reconditionnés avant leur utilisation lorsque ces produits sont mis sur le marché ou mis à disposition sur le marché et qu’ils sont clairement marqués comme tels.
Il couvre ainsi les produits matériels, immatériels ou de nature mixte, y compris les applications et les logiciels, et exclut certains produits et groupes de produits, tels que les médicaments à usage humain ou vétérinaire, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, les produits phytopharmaceutiques et les antiquités[2].
Le RSGP ne s’applique pas aux prestations de services, mais couvre néanmoins les produits fournis aux consommateurs dans ce cadre.
Il couvre la sécurité des produits concernés pour tous les types de canaux de vente, y compris les ventes en ligne et autres types de ventes à distance.
Lorsque des produits font l’objet d’exigences de sécurité spécifiques imposées par le droit de l’Union européenne, le RSGP s’applique seulement aux aspects et aux risques ou catégories de risques qui ne sont pas couverts par ces exigences.
Obligation générale de sécurité
L’obligation générale de sécurité imposée par le RSGP signifie que les opérateurs économiques ne doivent mettre sur le marché ou mettre à disposition sur le marché européen que des produits sûrs[3]. Le terme « opérateur économique » englobe le fabricant, le mandataire, l’importateur, le distributeur, le prestataire de services d’exécution des commandes, ou toute autre personne physique ou morale soumise à des obligations liées à la fabrication de produits ou à leur mise à disposition sur le marché conformément au RSPG.
Le terme « produit sûr » désigne tout produit qui, dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles, y compris sa durée réelle d’utilisation, ne présente aucun risque ou seulement des risques minimaux compatibles avec l’utilisation du produit et considérés comme acceptables dans le respect d’un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs.
Afin de satisfaire à cette obligation générale de sécurité, le produit doit faire l’objet d’une évaluation des risques prenant en compte tous ses aspects pertinents, notamment :
- les caractéristiques du produit, notamment sa conception, ses caractéristiques techniques, sa composition, son emballage, ses instructions d’assemblage et, le cas échéant, d’installation, d’utilisation et d’entretien ;
- l’effet du produit sur d’autres produits dans les cas où l’on peut raisonnablement prévoir l’utilisation du premier avec les seconds, et l’effet que d’autres produits pourraient avoir sur le produit à évaluer, dans les cas où l’on peut raisonnablement prévoir que d’autres produits seront utilisés avec celui-ci ;
- la présentation du produit, son étiquetage, les avertissements et les instructions éventuels concernant son utilisation et son élimination en toute sécurité, ainsi que toute autre indication ou information relative au produit ;
- les catégories de consommateurs qui utilisent le produit, en particulier en évaluant le risque pour les consommateurs vulnérables tels que les enfants, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ;
- l’apparence du produit lorsqu’elle est susceptible d’amener les consommateurs à utiliser le produit d’une manière différente de celle pour laquelle il a été conçu ;
- lorsque la nature du produit l’exige, les caractéristiques de cybersécurité appropriées nécessaires pour protéger le produit contre les influences extérieures, en ce compris les tiers malveillants, ainsi que les fonctionnalités évolutives, d’apprentissage et prédictives du produit.
Il convient de noter que le RSGP s’applique à tous les types de dangers potentiels pour la santé, y compris les risques pour la santé mentale. Il traite également des risques environnementaux dans la mesure où ceux-ci constituent une menace pour la santé et la sécurité des consommateurs.
Le RSGP introduit une présomption de conformité avec l’obligation générale de sécurité en cas de conformité aux normes européennes pertinentes référencées au Journal officiel de l’Union européenne.
D’autres éléments peuvent également être pris en compte pour évaluer la sécurité d’un produit, tels que les normes nationales et internationales, les systèmes de certification volontaire, les codes de bonnes pratiques, l’état actuel des connaissances et de la technique, en ce compris l’avis d’organismes scientifiques et de comités d’experts reconnus, les attentes raisonnables des consommateurs, etc.[4]
Principales obligations des opérateurs économiques
A titre liminaire, il convient de préciser que tout produit couvert par le RSGP ne peut être mis sur le marché que s’il existe un opérateur économique établi dans l’Union européenne qui a la responsabilité des tâches visées au paragraphe 3 de l’article 4 du Règlement (UE) 2019/1020[5].
Ainsi, les opérateurs économiques établis en dehors de l’Union européenne doivent désigner une « personne responsable des produits mis sur le marché de l’Union »[6] établie dans l’Union européenne pour chaque produit entrant dans le champ d’application de ce nouveau règlement. Cette « personne responsable » servira de point de contact principal des autorités de surveillance pour toute question liée à la conformité des produits.
Tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement ont des obligations liées à la sécurité des produits.
Le RSGP précise les obligations qui incombent à ces différents acteurs.
Fabricants
Aux termes de l’article 3 du RSGP, le terme « fabricant » désigne toute personne physique ou morale qui fabrique, ou fait concevoir ou fabriquer un produit, et le commercialise sous son propre nom ou sa propre marque.
Afin d’assurer le respect de l’obligation générale de sécurité prévue le RSGP, les fabricants sont soumis à un certain nombre d’obligations[7], notamment en termes de conception et d’identification des produits, d’identification de la personne responsable des produits, et de mise à disposition de consignes de sécurité aisément compréhensibles par les consommateurs. Ils doivent ainsi :
- veiller à ce que les produits qu’ils mettent sur le marché soient conçus et fabriqués de telle manière qu’ils respectent l’obligation générale de sécurité ;
- effectuer, préalablement à la mise sur le marché, une analyse interne des risques, rédiger et tenir à jour une documentation technique contenant à tout le moins une description générale du produit et de ses caractéristiques essentielles pertinentes pour l’évaluation de sa sécurité, et tenir cette documentation à la disposition des autorités de surveillance du marché ;
- veiller à ce que leurs produits portent un numéro de type, de lot ou de série ou tout autre élément permettant leur identification et que le consommateur peut aisément voir et lire ou, lorsque la taille ou la nature du produit ne le permet pas, veiller à ce que les informations requises figurent sur l’emballage ou dans un document accompagnant le produit ;
- indiquer leur nom, leur raison sociale ou leur marque déposée, leur adresse postale et électronique et, si elle est différente, l’adresse postale ou électronique du point de contact unique à laquelle ils peuvent être contactés. Ces informations doivent être placées sur le produit ou, lorsque cela s’avère impossible, sur son emballage ou dans un document accompagnant le produit ;
- veiller à ce que leur produit soit accompagné d’instructions et d’informations de sécurité claires rédigées dans une langue aisément compréhensible par les consommateurs.
Lorsqu’un fabricant considère ou a des raisons de croire qu’un des produits qu’il a mis sur le marché est dangereux, il a l’obligation de suivre une procédure spécifique consistant notamment à prendre les mesures correctives nécessaires pour mettre le produit en conformité de manière efficace, y compris en le retirant ou en le rappelant, et à informer les consommateurs et les autorités de surveillance du marché du risque pour la santé et la sécurité des consommateurs, de toute mesure corrective déjà prise et, le cas échéant, de la quantité, par État membre, de produits qui circulent encore sur le marché.
Enfin, les fabricants doivent mettre à la disposition du public des canaux de communication (numéro de téléphone, adresse électronique, section spécifique de leur site internet, etc.) permettant aux consommateurs d’introduire des réclamations et de signaler tout accident ou problème de sécurité rencontré avec un produit.
Ils doivent examiner les réclamations introduites et les informations reçues sur les accidents concernant la sécurité des produits qu’ils ont mis à disposition sur le marché et dont l’auteur de la réclamation invoque le caractère dangereux, et tenir un registre interne de ces réclamations ainsi que des rappels de produits et de toute mesure corrective prise pour mettre le produit en conformité.
Mandataires
Tout fabricant peut désigner un mandataire au moyen d’un mandat écrit[8].
Le mandataire doit exécuter les tâches indiquées dans le mandat reçu du fabricant, et à tout le moins, être en mesure de fournir à toute autorité de surveillance du marché toutes les informations et tous les documents nécessaires démontrant qu’un produit est sûr, informer le fabricant s’il estime qu’un produit est dangereux, informer et coopérer avec les autorités nationales compétentes en cas de mesure prise pour tenter d’éliminer les risques liés à un produit couvert par son mandat.
Importateurs
Aux termes de l’article 3 du RSGP, toute personne physique ou morale établie dans l’Union européenne qui met sur le marché de l’Union européenne un produit provenant d’un pays tiers peut être qualifiée d’« importateur ».
La principale obligation incombant aux importateurs est de s’assurer que le produit mis sur le marché respecte l’obligation générale de sécurité et que le fabricant a bien respecté ses obligations.
A ce titre, ils doivent notamment :
- veiller à ce que le fabricant se soit conformé aux obligations en matière d’analyse interne des risques et de rédaction de la documentation technique, d’identification du produit, et d’identification de la personne responsable du produit ;
- ne pas mettre le produit sur le marché s’ils considèrent ou ont des raisons de croire qu’un produit n’est pas sûr au sens du RSGP ;
- indiquer sur le produit, ou à défaut sur son emballage ou dans un document l’accompagnant, leur nom, leur raison sociale ou leur marque déposée, leur adresse postale et électronique et, si elle est différente, l’adresse postale ou électronique du point de contact unique à laquelle ils peuvent être contactés, et veiller à ce qu’aucune étiquette supplémentaire ne dissimule les informations requises par le droit de l’Union européenne figurant sur l’étiquette du fabricant ;
- veiller à ce que le produit qu’ils ont importé soit accompagné d’instructions et d’informations de sécurité claires rédigées dans une langue aisément compréhensible par les consommateurs ;
- veiller à ce que, tant qu’un produit est sous leur responsabilité, les conditions d’entreposage ou de transport n’en compromettent la conformité avec l’obligation générale de sécurité et les exigences concernant l’identification du produit et la personne responsable ;
- tenir une copie de la documentation technique du fabricant à la disposition des autorités de surveillance du marché ;
- coopérer avec les autorités de surveillance du marché et le fabricant afin de veiller à ce qu’un produit soit sûr.
Lorsqu’un importateur considère, ou a des raisons de croire, qu’un produit qu’il a mis sur le marché est un produit dangereux, il doit immédiatement en informer le fabricant, veiller à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises pour mettre le produit en conformité de manière efficace, étant précisé que si de telles mesures n’ont pas été prises, il doit lui-même immédiatement les prendre. Il doit également veiller à ce que les consommateurs et les autorités de surveillance du marché des Etats membres dans lesquels le produit a été mis à disposition en soient informés sans délai.
Enfin, les importateurs doivent s’assurer que des canaux de communication ont bien été mis à la disposition des consommateurs et, à défaut, assurer leur mise en place. Ils doivent examiner les réclamations présentées et les informations reçues sur les accidents concernant la sécurité des produits qu’ils ont mis à disposition sur le marché, consigner ces informations et toute mesure corrective prise pour mettre le produit en conformité dans le registre du fabricant ou dans leur propre registre interne.
Distributeurs
L’article 3 du RSGP définit le « distributeur » comme toute personne physique ou morale faisant partie de la chaîne d’approvisionnement, autre que le fabricant ou l’importateur, qui met un produit à disposition sur le marché.
Les distributeurs doivent vérifier que le fabricant et, le cas échéant, l’importateur du produit qui va être mis à disposition sur le marché respectent leurs obligations, notamment en matière d’identification du produit, d’identification de la personne responsable du produit, de mise à disposition de consignes de sécurité claires et de leur compréhension par les consommateurs.
Lorsqu’un distributeur considère qu’un produit ne respecte pas les exigences du RSGP, il ne doit pas mettre ce produit à disposition sur le marché.
Les distributeurs doivent également veiller à ce que les conditions d’entreposage ou de transport des produits étant sous sa responsabilité ne nuisent pas à leur sécurité.
Enfin lorsqu’un distributeur considère qu’un produit qu’il a mis à disposition sur le marché n’est pas un produit sûr, il doit immédiatement en informer le fabricant ou l’importateur, selon le cas, ainsi que les autorités de surveillance du marché, et veiller à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises pour mettre le produit en conformité de manière efficace.
Obligations communes à tous les opérateurs économiques
Tous les opérateurs économiques doivent disposer de processus internes relatifs à la sécurité des produits qui leur permettent de se conformer aux exigences du RSGP[9].
Ils ont également l’obligation de coopérer avec les autorités de surveillance du marché s’agissant des mesures susceptibles d’éliminer ou d’atténuer les risques que présentent les produits qu’ils ont mis à disposition sur le marché[10]. Dans ce cadre, les autorités de surveillance du marché peuvent exiger des opérateurs économiques :
- la communication d‘informations spécifiques sur le produit (description complète du risque, réclamations afférentes, accidents connus et mesures correctives prises pour parer au risque) pendant une période de dix ans à compter de la date à laquelle le produit leur a été fourni ou à compter de la date à laquelle ils ont fourni le produit, selon le cas ; et
- la communication d’informations pertinentes concernant la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement du produit, c’est-à-dire, les informations concernant « tout opérateur économique qui leur a fourni le produit, ou une pièce, un composant ou tout logiciel intégré dans le produit » et « tout opérateur économique auquel ils ont fourni le produit », pendant une période de six ans compter de la date à laquelle le produit, ou une pièce, un composant ou tout logiciel intégré dans le produit leur a été fourni ou à compter de la date à laquelle ils ont fourni le produit, selon le cas.
Pour certains produits, certaines catégories ou certains groupes de produits susceptibles de présenter un risque grave pour la santé et la sécurité des consommateurs, la Commission européenne peut, sous certaines conditions, mettre en place un système de traçabilité consistant en la collecte et la conservation de données, auquel devront adhérer les opérateurs économiques concernés[11].
Lorsque les opérateurs économiques mettent des produits à disposition sur le marché en ligne ou par d’autres moyens de vente à distance[12], l’offre de ces produits doit comporter, de manière claire et visible, certaines mentions obligatoires, telles que le nom, la raison sociale, l’adresse postale et électronique du fabricant, ou à défaut de la personne responsable, les informations permettant d’identifier le produit, en ce compris une image de celui-ci, et tout avertissement ou toute information concernant la sécurité devant être apposé(e) sur le produit ou sur l’emballage, ou figurer dans un document d’accompagnement.
Les opérateurs économiques ont l’obligation de notifier sans retard injustifié tout accident lié à la sécurité des produits[13].
Obligations spécifiques des fournisseurs de places de marché en ligne (marketplaces) en matière de sécurité des produits
L’article 3 du RSGP définit le « fournisseur d’une place de marché en ligne » comme un prestataire de services intermédiaires utilisant une interface en ligne qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des professionnels pour la vente de produits.
Il est intéressant de noter que le RSGP consacre un chapitre entier (le chapitre IV) à la question des fournisseurs de places de marché en ligne.
Les fournisseurs de places de marché en ligne ont désormais des obligations spécifiques pour assurer la sécurité des produits mis sur le marché via leur plateforme, notamment[14] :
- la désignation de deux points de contact uniques pour communiquer sur les questions de sécurité : (i) l’un pour les autorités de surveillance du marché, via leur enregistrement sur le portail Safety Gate, et (ii) l’autre à destination du public pour permettre aux consommateurs de communiquer directement et rapidement avec eux sur ces questions ;
- la mise en place de processus internes pour la sécurité des produits permettant de se conformer rapidement aux exigences du RSGP ;
- l’obligation de retirer les contenus faisant référence à des offres de produits dangereux de leur interface en ligne, d’en rendre l’accès impossible ou d’afficher un avertissement, dans un délai de 2 jours ouvrables suivant injonction des autorités de surveillance du marché ;
- la prise en compte des informations régulières sur les produits dangereux notifiées par les autorités de surveillance du marché via le portail Safety Gate, afin de détecter le contenu se rapportant à des offres de produits dangereux proposés sur leur place de marché, l’identifier, le retirer ou en rendre l’accès impossible ;
- le traitement dans un délai de trois jours ouvrables des notifications de problèmes de sécurité des produits reçues via le mécanisme de notification établi aux termes du Règlement (UE) 2022/2065[15];
- l’obligation d’organiser leur interface en ligne de manière à (i) permettre aux professionnels qui proposent le produit (i) de fournir à tout le moins les informations requises (identité et coordonnées du fabricant ou le cas-échant de la personne responsable, identification du produit, avertissement ou information concernant la sécurité, etc.) pour chaque produit proposé, et (ii) garantir que les informations s’affichent ou qu’elles soient aisément accessibles aux consommateurs à l’endroit où le produit en question est référencé ;
- la suspension, pendant un délai raisonnable et après avoir émis un avertissement préalable, de la fourniture de leurs services aux professionnels qui proposent fréquemment des produits non conformes au RSGP ;
- la coopération avec les autorités de surveillance du marché, les professionnels et les opérateurs économiques concernés afin de faciliter toute mesure prise en vue d’éliminer ou d’atténuer les risques posés par un produit qui est ou a été proposé en ligne par l’intermédiaire de leurs services (informations aux consommateurs, avertissements de sécurité, retraits, rappels, notification des accidents, etc.).
Une surveillance du marché renforcée via le développement d’un système d’échange rapide d’informations
La surveillance du marché est régie par le Règlement (UE) 2019/1020[16], dont certaines dispositions s’appliquent aux produits relevant du RSGP[17].
Les autorités de surveillance du marché des Etats membres sont ainsi chargées d’assurer la surveillance du marché afin de veiller à ce que les produits mis sur le marché soient conformes aux dispositions législatives et réglementaires applicables et aux exigences existantes de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité.
Elles sont également chargées de prendre les mesures appropriées lorsqu’elles découvrent un produit dangereux. Elles collectent des échantillons à analyser, tant au sein de magasins physiques que sur le marché en ligne et, si nécessaire, font procéder à des tests par des laboratoires spécialisés.
En fonction du risque identifié, les autorités de surveillance peuvent prendre ou imposer différents types de mesures, telles qu’informer les autorités douanières de refuser certains produits aux frontières, ordonner le rappel ou le retrait d’un produit, imposer des interdictions de vente et/ou diffuser des messages d’alerte.
Lorsqu’un produit dangereux a été détecté, les autorités de surveillance du marché peuvent également désormais demander au fabricant des informations sur les autres produits fabriqués selon la même procédure, contenant les mêmes composants ou faisant partie du même lot de production, qui sont concernés par le même risque.
La Commission européenne peut également prendre des mesures à l’échelle de l’Union européenne contre les produits présentant un risque grave.
Elle peut intervenir, soit de sa propre initiative, soit à la demande des autorités nationales, en adoptant des mesures qui visent à interdire, suspendre ou restreindre la vente de ces produits ou à fixer des conditions particulières pour les soumettre à des essais ou les commercialiser.
La Commission européenne coordonne également les activités conjointes des autorités de surveillance du marché et peut, dans ce cadre, organiser des actions de contrôle coordonnées et simultanées des autorités de surveillance (opérations « coup de balai »)[18] ciblant des produits ou catégories de produits particuliers lorsque les tendances du marché, les réclamations des consommateurs ou d’autres éléments indiquent qu’il est constaté que ceux-ci- présentent souvent un risque grave.
Le renforcement de la surveillance du marché se manifeste par la mise en place d’un système d’échange rapide d’informations entre les différents acteurs. Ce système se compose de différents outils :[19]
- le système d’alerte rapide Safety Gate (anciennement RAPEX) qui rend possible l’échange entre les Etats membres et la Commission européenne des mesures correctives prises concernant des produits dangereux, et qui permet une notification quasi-immédiate des produits considérés comme présentant un risque grave pour la santé et la sécurité des consommateurs ;
- le point d’accès Safety Business Gateway qui permet aux opérateurs économiques et aux fournisseurs de places de marché en ligne de fournir facilement aux autorités de surveillance du marché et aux consommateurs des informations sur les produits dangereux et les accidents ;
- le portail Safety Gate qui fournit au grand public un accès gratuit et ouvert à certaines informations, et qui permet aux consommateurs et aux autres parties intéressées d’informer la Commission européenne des produits qui pourraient présenter un risque pour la santé et la sécurité des consommateurs ;
- le Réseau pour la sécurité des consommateurs, réseau de coopération administrative des autorités de surveillance des Etats membres, permettant notamment de faciliter les échanges réguliers d’informations sur l’évaluation des risques, les produits dangereux, les méthodes de collecte des données, et améliorer la coopération en matière de traçage, de retrait et de rappel des produits dangereux.
Un dispositif de rappel des produits dangereux amélioré
En cas de rappel d’un produit pour des raisons de sécurité ou lorsque certaines informations doivent être portées à l’attention des consommateurs pour garantir l’utilisation sûre d’un produit (« avertissement de sécurité »), les opérateurs économiques et les fournisseurs de places de marché doivent veiller à ce que tous les consommateurs concernés qui peuvent être identifiés reçoivent une « notification directe sans retard injustifié ».
Les opérateurs économiques et, le cas échéant, les fournisseurs de places de marché en ligne qui collectent les données à caractère personnel de leurs clients, y compris par le biais de systèmes d’enregistrement des produits ou de programmes de fidélisation, peuvent utiliser ces informations pour les rappels et les avertissements de sécurité, à condition qu’elles le soient uniquement dans ce but.
Les informations relatives au rappel d’un produit pour des raisons de sécurité doivent être communiquées par écrit aux consommateurs et prendre la forme d’un avis de rappel[20].
Cet avis de rappel, dont l’intitulé doit être libellé comme suit « Rappel de produit pour des raisons de sécurité », comporte un certain nombre de mentions obligatoires, telles qu’une description claire du produit faisant l’objet du rappel, du danger associé au produit faisant l’objet du rappel, des mesures que les consommateurs devraient prendre, etc.
La Commission européenne a pris l’initiative d’élaborer un modèle d’avis de rappel[21], afin de faciliter la rédaction d’un tel document.
Lorsque tous les consommateurs concernés ne peuvent pas être contactés directement, les opérateurs économiques et les fournisseurs de places de marché en ligne doivent diffuser un avis de rappel ou un avertissement de sécurité clair et visible par d’autres canaux appropriés, en veillant à ce que sa portée soit la plus large possible, et notamment, lorsqu’ils sont disponibles, le site internet, les réseaux sociaux, les bulletins d’information et les points de vente au détail de l’entreprise et, s’il y a lieu, des annonces dans les médias de masse et d’autres canaux de communication.
Les opérateurs économiques responsables d’un rappel de produit pour des raisons de sécurité ont l’obligation d’offrir aux consommateurs concernés « un recours efficace, gratuit et rapide »[22] et de leur proposer le choix entre au moins deux des recours suivants :
- la réparation du produit faisant l’objet du rappel ;
- le remplacement du produit faisant l’objet du rappel par un produit sûr de même type et dont la valeur et la qualité sont au moins les mêmes ; ou
- un remboursement adéquat de la valeur du produit faisant l’objet du rappel, à condition que le montant du remboursement soit au moins égal au prix payé par le consommateur.
Régime de sanctions
Aux termes du RGSP, il revient aux Etats membres de déterminer les sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » applicables en cas de violation des obligations imposées aux opérateurs économiques et aux fournisseurs de places de marché en ligne.
En France, en application de l’article L.452-5-1 du Code de la consommation, issu de la Loi DDADUE[23], tout manquement aux obligations découlant du RSGP exposent les opérateurs économiques et les fournisseurs de places de marché en ligne à des sanctions significatives :
- une peine de cinq ans d’emprisonnement, et
- une amende de 600.000 euros, ce montant pouvant être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur la base des trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
Par ailleurs, l’article L.452-6 du même Code prévoit l’interdiction pour les fabricants et importateurs d’exercer l’activité professionnelle dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise, et ce pendant une durée maximale de cinq ans.
[1] Règlement (UE) 2023/988 du Parlement Européen et du Conseil du 10 mai 2023 relatif à la sécurité générale des produits
[2] La liste complète des produits exclus figure à l’Article 2 du RSGP
[3] Article 5 du RSGP
[4] Article 8 du RSGP
[5] Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits
[6] Article 16 du RGSP
[7] Article 9 du RGSP
[8] Article 10 du RSGP
[9] Article 14 du RSGP
[10] Article 15 du RSGP
[11] Article 18 du RSGP
[12] Article 19 du RSPG
[13] Article 20 du RSPG
[14] Article 22 du RSGP
[15] Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques
[16] Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits
[17] Article 23 du RSGP
[18] Article 32 du RSGP
[19] Articles 25, 26, 27 et 30 du RSGP
[20] Article 36 du RSGP
[21] Règlement d’exécution 2024/1435 du 24 mai 2024 – Modèle d’avis de rappel
[22] Article 37 du RSGP
[23] Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole