menu
Actualités
Publié le 1 février 2012 par Soulier Avocats

Le risque routier est un risque professionnel à ne pas négliger

Le risque routier est la première cause d’accident mortel du travail.

Les accidents routiers liés au travail – accidents dits de mission relevant des accidents du travail auxquels il faut rajouter les accidents du trajet – sont  à l’origine de 5 millions de journées d’absence. Le coût humain et financier en cause est donc très important. Risque longtemps négligé en termes de risque professionnel dans de nombreuses entreprises, particulièrement dans les P.M.E., il est important de se rappeler que comme tout risque professionnel, le risque routier doit être évalué mais également traité par les entreprises dans le cadre de leur obligation de sécurité de résultat. 

1. Rappel des principes 

1.1 L’obligation de sécurité de l’employeur 

Les articles L.4121-1 et suivants du Code du travail édictent les principes généraux en termes d’obligations de l’employeur pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés. 

L’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires suivantes :

– des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

– des actions d’information et de formation ;

– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés

Il lui incombe notamment:

– d’éviter les risques ;

– les évaluer s’ils ne peuvent être évités ;

combattre les risques à la source ;

– adapter le travail à l’homme ;

planifier la prévention ;

– prendre les mesures de protection nécessaires ;

donner les instructions appropriées.

Dès lors que le salarié est amené à utiliser un véhicule – qu’il s’agisse de son propre véhicule ou d’un véhicule confié par l’entreprise –,  celui-ci devient de facto un outil professionnel qui rendre donc de plein droit dans le champ d’application de la responsabilité civile et pénale de l’employeur. 

Tous les principes et obligations cités plus haut doivent donc pleinement s’appliquer en matière de risque routier. 

1.2 La responsabilité civile et  pénale de l’employeur 

1.2.1 Responsabilité pénale  

Dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur peut voir engager sa responsabilité en cas d’accident de la route pendant le temps de travail. 

Exemples : 

Un salarié d’une entreprise de messagerie décède dans un accident de la route. L’enquête judiciaire démontre que l’organisation des tournées incitait les salariés à des prises de risques et à multiplier les infractions au code de la route. La responsabilité pénale pour homicide involontaire de l’employeur a été retenue. 

Un salarié d’une entreprise du bâtiment est victime d’un accident mortel de la route après avoir perdu le contrôle de son véhicule. L’enquête judiciaire démontre  que l’origine de la perte de contrôle est un défaut d’entretien des pneumatiques et une surcharge du véhicule. La responsabilité pénale pour homicide involontaire de l’employeur est retenue. 

Le Code pénal prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement ferme et une amende d’un montant maximum de 45.000 euros pour un homicide involontaire. 

La possible responsabilité pénale du salarié ne dégage pas pour autant le chef d’entreprise de sa propre responsabilité pénale. 

1.2.2 Responsabilité civile 

L’entreprise dont le salarié conducteur aura causé un accident aura nécessairement à subir des conséquences financières puisque son assureur, conformément à la loi du 5 juillet 1985, dite Badinter,  doit proposer une indemnisation complémentaire à chaque victime d’un accident de la route. Nul doute que l’entreprise en aura une répercussion sur le coût de son assurance.

L’entreprise sera également financièrement pénalisée dans le cadre de la faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du Code de la Sécurité sociale. Depuis les arrêts dits Amiante du 28 février 2002 qui ont arrêté le principe de l‘obligation de sécurité comme obligation de résultat et non seulement une obligation de moyen, la réalisation d’un risque professionnel aboutit automatiquement à la constatation de la faute inexcusable qui a pour conséquence une réparation complémentaire de la victime pour les préjudices subis par le salarié victime d’accident du travail. 

2. L’application pratique au risque d’accident de mission 

L’accident de mission est un accident qui se produit à l’occasion d’un déplacement nécessaire à l’exécution du travail. Il s’agit d’un accident du travail car le salarié est bien sous la subordination de son employeur pendant l’exécution de sa mission. Le risque routier est bien un risque professionnel. 

2.1 L’évaluation du risque routier 

Comme tout risque professionnel, il doit faire l’objet d’une évaluation dans le Document Unique rendu obligatoire pour toute entreprise employant du personnel, quel que soit son effectif, par le décret n° 2001-1010 du 5 novembre 2001. Il sera rappelé que ce Document Unique doit être mis à jour au moins une fois par an (art. R 4121-2 Code du travail).    

Cette évaluation du risque comprend plusieurs étapes : 

  • L’identification du risque : par recensement des personnels effectuant des missions et des véhicules utilisés pour ces déplacements, y incluant le kilométrage parcouru. 
  • Mesurer la sinistralité : analyse des accidents routiers survenus et évolution. 
  • Analyse de l’organisation des déplacements (la planification et ses outils – autonomie ou pas du salarié dans cette préparation). 
  • Analyse de la gestion de la flotte automobile : y incluant l’évaluation de l’état des véhicules, le recensement de leurs équipements de sécurité, l’analyse du transport des charges.
  • Analyse de la politique en termes de communications : règles applicables au sein de l’entreprise pour l’utilisation des téléphones portables en cours de déplacement – Interdictions édictées – Analyse des besoins en termes de communication. A ce titre, il sera précisé qu’en cas d’accident grave, l’enquête inclura les relevés téléphoniques du portable du salarié au cours du mois précédant. Ce qui est de nature à établir une possible responsabilité de l’entreprise s’il était constaté qu’elle participait, directement ou indirectement, à un encouragement de ses salariés à abuser du téléphone au volant.
  • Analyse de la gestion des compétences des salariés amenés à se déplacer : politique de contrôle des permis de conduire – Formations des conducteurs – Suivi médical et managérial.

 2.2Mise en œuvre d’un plan d’action 

Une fois l’évaluation faite, l’entreprise se doit de mettre en œuvre les moyens destinés à éviter ou à tout le moins à réduire l’exposition au risque. 

Ce plan d’action peut ainsi prévoir des mesures telles que : 

  • Réduction du nombre de déplacements quand ils peuvent être remplacés (visioconférences, télétravail, etc.) ;
  • Limitation de la durée des déplacements : interdiction de déplacements au-delà d’une certaine distance ou d’une certaine durée (découchage obligatoire ou choix d’un autre mode de transport) ;
  • Amélioration de la préparation des déplacements (intégration des temps de pause nécessaires – rationalisation des tournées) ;
  • Amélioration de l’équipement des véhicules : limiteur de vitesse – éthylotest électronique – témoin de surcharge – systèmes de freinage) ;
  • Contrôle des équipements de sécurité et l’état des véhicules ;
  • Aménagement des véhicules affectés au transport de charges ;
  • Interdiction de l’usage du téléphone portable, y compris avec kit mains libres ou système Bluetooth pendant la conduite ;
  • Amélioration des compétences : formations spécifiques post-permis pour les « grands rouleurs ».

Des actions spécifiques devront probablement être mises en œuvre pour les véhicules appartenant aux salariés. Le fait qu’il s’agisse de véhicules personnels n’exonèrera pas l’entreprise qui laisserait son salarié utiliser un véhicule qui n’est pas en bon état. Une gestion spécifique de ces véhicules doit donc être organisée. 

L’employeur a tout intérêt à édicter des règles précises en matière de conduite, d’entretien des véhicules, de signalement des anomalies ou difficultés, à former et informer son personnel pour être considéré comme ayant rempli ses obligations en termes de prévention et de gestion de ce  risque professionnel.