Les chiffres de la délinquance environnementale
Le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié, pour la première fois, une étude portant sur les atteintes à l’environnement.[1]
La publication de ces chiffres, qui ne retracent cependant pas l’ensemble de la délinquance environnementale, est intéressante.
Que faut-il en retenir ?
Les chiffres sont ceux des services de police et de gendarmerie nationales. L’étude n’intègre donc pas les infractions qui pourraient être constatées par les services de douanes, les inspecteurs de l’environnement, l’Office français de la biodiversité, les agents de l’Office national des forêts ou les polices municipales.
Ils concernent les infractions enregistrées, avec les plaignants et les mis en cause. L’étude ne permet pas de se rendre compte de la poursuite de ces infractions devant les juridictions.
Des délits ou contraventions à l’environnement concentrés autour des ressources naturelles et des animaux
En 2021, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré 31 400 délits ou contraventions liés à l’environnement sur l’ensemble du territoire français.
Appréhendées à partir de la nomenclature française des infractions, ces atteintes sont très hétérogènes :
- Ressources naturelles : 45%,
- Animaux : 34%,
- Prévention : 11%,
- Déchets : 4%,
- Pollution : 4%,
- Espèces protégées : 1%.
Ainsi, près de la moitié relève d’actes entraînant l’appauvrissement ou la dégradation des ressources naturelles : on y retrouve principalement des infractions liées à l’exploitation forestière ou minière illégale (55%, soit 25 % de l’ensemble) et des infractions à la règlementation sur la chasse ou la pêche (29%, soit 13 % de l’ensemble).
Les actes contre les animaux représentent un tiers de ces atteintes.
Les infractions concernant le non-respect des règles de prévention visent aussi bien le non-respect de la règlementation en matière d’incendies, de pollutions, de substances dangereuses, nucléaires ou chimiques qu’en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). La distinction de cette catégorie et les actes de pollution ou liés aux déchets n’est pas évidente, puisque les règles de prévention recoupent en partie les problématiques liées à la pollution et aux déchets par ailleurs catégorisées en tant que tel.
Toute le reste (environ 10%) concernent la pollution de l’air, de l’eau, du sol ou d’autres formes, le transport ou déversement y compris transfrontaliers des déchets, et le commerce ou détention d’espèces de faune et de flore protégées.
Des délits ou contraventions à l’environnement globalement en hausse
Entre 2016 et 2021, le nombre d’atteintes à l’environnement enregistrées par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 7 %, soit +1,3 % en moyenne par an. Mais il s’agit d’une hausse globale, qui n’est pas régulière.
En effet, dans le détail, on constate que les différentes catégories d’atteintes à l’environnement ont évolué différemment entre 2016 et 2021 :
- les infractions liées à la pollution et aux déchets ont significativement augmenté : respectivement +96 % (soit +14 % en moyenne par an) et +63 % (soit +10 % en moyenne par an),
- les infractions liées à l’appauvrissement des autres ressources naturelles, à la prévention des atteintes au milieu naturel, les animaux ou les espèces protégées ont relativement augmenté : respectivement +30 % (soit +5 % en moyenne par an), +26 % (soit +5 % en moyenne par an), +16 % (soit +3 % en moyenne par an) et +13 % (soit +3 % en moyenne par an),
- les exploitations forestières ou minières illégales et les infractions liées à la chasse ou à la pêche ont diminué : respectivement –11 % (soit –2 % en moyenne par an) et –18 % (soit –4 % en moyenne par an).
Le tout est à interpréter avec précaution, en fonction du contexte propre à chaque infraction : évolutions législatives comme l’adoption de nouvelles mesures de justice environnementale avec la loi n°2020-1672 ou la création de la contravention de 4ème classe sanctionnant l’élimination de bio déchets par brûlage à l’air libre, sensibilité accrue de la population aux questions environnementales et à la cause animale, évènement ponctuel comme l’organisation (illégale) de festivals de musique dans la Réserve naturelle des Coussouls de Crau, etc.
Des particularités géographiques
Alors que l’on dénombre en moyenne, 4,5 infractions à l’environnement pour 10 000 habitants sur l’ensemble du territoire français, ce taux s’élève à 9,3 dans les communes rurales et à 6,8 dans les unités urbaines de 2 000 à 10 000 habitants.
Ce constat, qui s’écarte de ce qui est observé dans la plupart des phénomènes délinquants, tient à la nature du contentieux : la plupart des infractions environnementales comme celles en lien avec la chasse, la pêche et les ressources naturelles nécessitent la présence d’un espace naturel (forêt, rivière, zone protégée, parc national), situation plus fréquente au sein des communes rurales ou des unités urbaines de petite taille.
On peut ensuite décliner l’analyse des atteintes en fonction des caractéristiques environnementales de chaque territoire.
La Guyane présente un taux d’atteintes à l’environnement nettement plus élevé que les autres régions : 42 pour 10 000 habitants en 2021, contre 4,5 pour l’ensemble du pays. Il s’agit dans 73 % des cas d’infractions liées à l’exploitation minière illégale, phénomène qui est enregistré à 98 % dans cette région.
La seule autre région présentant un taux d’atteintes à l’environnement supérieur à 10 est la Corse (18 pour 10 000 habitants). Il s’agit plus précisément d’infractions aux règles de prévention des incendies (46 %) et d’exploitations forestières illégales (19 %).
Au-delà du rapport à la population, on constate assez logiquement que les atteintes liées à l’eau (pollution, pêche, non-respect de règles de prévention) sont plus présentes dans les départements côtiers ou ceux traversés par des rivières et que les atteintes visant les forêts (exploitation forestière illégale et non-respect des règles de prévention des incendies) sont en lien avec les superficies forestières.
Le profil des plaignants et des mis en cause
Le terme de plaignant est privilégié à celui de victime car les personnes qui ont déposé plainte pour des délits relatifs à l’environnement peuvent être des victimes directes (propriétaire d’un terrain souillé par exemple) ou indirectes lorsque la plainte est formée par une association (les associations agréées peuvent porter plainte pour défendre les intérêts ou les objectifs poursuivis par leur structure).
Pour 12 000 délits environnementaux enregistrés, le nombre de plaignants peut s’avérer faible (7 600). Cela s’explique par le fait que les délits peuvent avoir été révélés à l’initiative des services de police et de gendarmerie ou directement signalés au procureur de la République qui a pu demander aux services de police ou de gendarmerie des informations complémentaires.
Deux profils se distinguent parmi les plaignants : les personnes morales (dont la moitié correspond à des services de l’État et à des collectivités territoriales) propriétaires des lieux affectés par l’exploitation forestière ou minière illégale, la destruction d’espèces protégées, la chasse ou la pêche illégale, l’abandon ou le dépôt illégal de déchets, et les particuliers portant plainte pour des faits visant surtout les animaux.
Si 8 % des mis en cause par les services de sécurité pour délits environnementaux sont des personnes morales, ce chiffre varie de façon significative selon le type d’infractions environnementales : elles représentent 24% des mis en cause pour actes de pollution, mais seulement 3% et 1% respectivement des mis en cause pour des délits liés à la chasse ou à la pêche ou pour des atteintes visant les animaux. Les secteurs les plus représentés sont le secteur agricole (14%), le secteur automobile (8%), le secteur des travaux publics (7%) et le secteur du bâtiment (7%). Les infractions concernées varient selon les secteurs concernés : ainsi, le secteur agricole est principalement concerné par les atteintes dégradant les ressources naturelles et les actes visant les animaux, tandis que le secteur automobile et celui du bâtiment sont plus concernés par les déchets.
[1] Disponible ici : https://www.interieur.gouv.fr/content/download/131604/1045783/file/IA46_.pdf