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Publié le 1 avril 2009 par Soulier Avocats

Les créanciers titulaires de sûretés face au nouveau droit des entreprises en difficulté

Trois ans seulement après la Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 dite de sauvegarde des entreprises, l’Ordonnance 2008-1345 du 18 décembre 2008 et son décret d’application du 12 février 2009 viennent une nouvelle fois de réformer le droit des entreprises en difficulté.

Cette réforme est entrée en vigueur le 15 février 2009. Sous certaines réserves, elle est applicable aux procédures ouvertes à compter de cette date.

L’objectif affiché de cette réforme était d’achever celle engagée en 2005 avec la loi de sauvegarde des entreprises pour améliorer et inciter à l’utilisation des nouvelles procédures visant au traitement précoce des difficultés (conciliation et sauvegarde notamment), manifestement boudées en pratique. Désormais, les conditions d’ouverture des procédures sont assouplies, les pouvoirs du dirigeant renforcés et ses risques d’éviction de la direction de l’entreprise limités.

A cette occasion, la réforme de 2008 revisite certaines techniques du droit des sûretés.

En effet, et jusqu’à une date encore récente, le droit des sûretés était en France constitué d’une multitude de textes spéciaux et de régimes particuliers.

Animé notamment par le souci de développer le crédit en assurant une meilleure sécurité aux créanciers prêteurs, le gouvernement français avait, aux termes de l’Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006, réformé le droit des sûretés de manière importante (Cf. notre e-newsletter de Septembre 2006). La pratique des affaires et l’internationalisation des relations avait alors imposé de moderniser les sûretés en simplifiant leur constitution et en élargissant leur assiette.

Dans ce contexte, et afin notamment de préserver les chances de sauvegarde de l’entreprise et de faciliter la poursuite de l’activité, il est apparu nécessaire de concilier le droit des procédures collectives avec l’existence de nombreuses sûretés permettant aux créanciers d’éviter la loi du concours.

1. Le sort des garanties personnelles

Afin notamment d’éviter que la procédure ait des conséquences patrimoniales pour le dirigeant garant de l’entreprise en difficultés, le législateur a unifié le régime des sûretés personnelles en présence d’un plan de conciliation et de sauvegarde.

Ainsi, aux termes de l’article L. 611-10-2 du Code de Commerce issue de l’Ordonnance du 18 décembre 2008, « les personnes coobligées ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord constaté ou homologué ».

Dès lors, les créanciers titulaires de sûretés personnelles ne peuvent poursuivre les garants personnes physiques lors des procédures de conciliation et de sauvegarde. Les bénéficiaires du texte sont désormais tous les titulaires de sûretés personnelles mais également les personnes ayant consentis des sûretés réelles pour autrui.

Ces dispositions sont destinées à inciter le dirigeant à solliciter le plus tôt possible l’ouverture d’une procédure de prévention ou de règlement des difficultés, alors même qu’il se serait porté caution ou aurait affecté un de ses biens à la garantie de la banque.

2. Les créanciers bénéficiaires d’un gage sans dépossession

La réforme des sûretés du 23 mars 2006 avait réorganisé les règles relatives au gage sans dépossession : la dépossession n’est plus une condition de validité du gage, ce qui permet au constituant d’affecter un meuble en garantie tout en continuant à l’utiliser.

L’article 22 de l’ordonnance du 18 décembre 2008 précise le sort réservé à cette rétention fictive du gagiste sans dépossession pendant la période d’observation et le plan de sauvegarde ou de redressement.

Ainsi, aux termes de l’Article L. 622-7 alinéa 2 nouveau du code de Commerce le jugement d’ouverture de la procédure emporte de plein droit l’inopposabilité du droit de rétention conféré au bénéficiaire d’un gage sans dépossession, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d’activité. Dès lors, et nonobstant la procédure collective, le débiteur pourra continuer d’utiliser les stocks grevés d’un gage sans dépossession. En revanche, le droit de rétention n’est plus paralysé en cas de liquidation judiciaire.

3. Les créanciers bénéficiaires d’une fiducie

Introduite dans le droit français par une loi du 19 février 2007, la fiducie est un mécanisme de garantie très sécurisant pour un créancier puisqu’il permet de lui transférer temporairement la propriété d’un bien appartenant à son débiteur ou à un tiers, tant que ce débiteur ne s’est pas acquitté de sa dette.

Ainsi, en cas de défaut du débiteur, le créancier peut définitivement s’approprier les actifs fiduciaires qui, par le mécanisme propre de la fiducie, sont sortis du patrimoine du débiteur. La procédure collective n’affectant que le patrimoine du débiteur, les actifs fiduciaires en sont logiquement exclus.

Plusieurs dispositions de l’Ordonnance ont pour but d’éviter que la mise en œuvre de la fiducie-sûreté hypothèque  toute chance de sauvegarde de l’entreprise, difficile équilibre entre la sécurité du crédit et les nécessités du sauvetage des entreprises viables.

Pour ce faire, le texte distingue selon que la fiducie est assortie ou non d’une convention laissant les actifs fiduciaires à la disposition de l’entreprise. En présence d’une telle convention on peut supposer que ces actifs sont indispensables à l’exploitation, ce qui ne serait pas le cas en son absence.

Ce n’est donc que lorsque les actifs sont laissés à la disposition du débiteur que la fiducie est désormais affectée par l’ouverture de la procédure collective : le créancier est privé de son droit de dénouer la garantie par une appropriation ou une réalisation des actifs fiduciaires. La règle est d’ordre public et s’impose tant en période d’observation que durant l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

L’objectif de la réforme de 2008 sur le droit des entreprises en difficulté est-il atteint au regard  du droit des créanciers bénéficiaires de sûretés ?

Il est permis de penser qu’un certain équilibre a pu être trouvé : les sûretés sont neutralisées tant qu’il y a un espoir de sauvetage et de continuation de l’entreprise. A défaut, elles retrouvent toute leur efficacité et profitent pleinement aux créanciers. C’est sur ce point une des grandes innovations de l’Ordonnance du 18 décembre 2008.

Observons enfin que la réforme permettant aux créanciers titulaires de sûretés de retrouver leurs droits en cas de cession de l’entreprise, on peut anticiper un effet dissuasif pour les repreneurs éventuels et une liquidation quasi inéluctable de l’entreprise dans l’hypothèse où sa continuation n’est pas envisageable.