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Publié le 30 novembre 2015 par Soulier Avocats

Les entreprises relevant de la convention dite SYNTEC peuvent se féliciter d’une décision de la Chambre sociale de la Cour de Cassation en termes de rupture de période d’essai

Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 16 septembre (n° 14-16.713)  apporte une réponse à une problématique née dans le cadre de la rupture d’une période d’essai pour laquelle l’entreprise se devait de respecter tout à la fois le délai de prévenance légal, tel qu’issu de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, et le préavis de la convention collective des Bureaux d’Études Techniques, des Cabinets d’Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils dite SYNTEC. 

Nous y avons porté un intérêt particulier puisque la société en cause est notre cliente et que nous avons eu à cœur de défendre ses intérêts devant le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt, qui nous avait suivis en  déboutant le salarié de ses prétentions au titre des conséquences de la rupture, puis devant la Cour d’appel de Versailles qui avait infirmé cette décision, pour enfin porter l’affaire devant la chambre sociale en espérant voir reconnaître le bien-fondé de ladite rupture de période d’essai.

Il convient de rappeler que la période d’essai a été quasi-méconnue du code du travail jusqu’à la loi du 25 juin 2008 qui l’a règlementée pour l’ensemble des contrats à durée indéterminée. Auparavant, la législation ne visait que des catégories particulières de salariés (VRP statutaire par exemple) ou de contrats (à durée déterminée ou à temps partiel).

La période d’essai pouvait être prévue – elle est optionnelle – soit par le contrat de travail, soit par la convention collective applicable. De longue date, un certain nombre de conventions collectives ont instauré des règles spécifiques en termes de renouvellement ou de préavis.

Les ruptures des périodes d’essai ont bien sûr généré divers types de contentieux. La chambre sociale a donc eu l’occasion de se prononcer sur les dispositions conventionnelles applicables en la matière.

La loi du 25 juin 2008 a instauré une période d’essai légale (article L. 1221-19 du code du travail)  dont la durée maximale, varie selon la catégorie à laquelle appartient le salarié :

  • 2 mois pour les ouvriers et employés,
  • 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens,
  • 4 mois pour les cadres.

Cette période d’essai peut être renouvelée sous réserve qu’un accord collectif étendu l’autorise et que le renouvellement soit prévu au contrat de travail. En tel cas, la période d’essai ne pourra excéder respectivement 4, 6 et 8 mois pour chacune des trois catégories listées ci-dessus (article L.1221-21).

La loi a également instauré un délai de prévenance pour toute rupture de cette période d’essai à l’initiative du salarié ou de l’employeur et dont la durée dépend de la partie qui a pris l’initiative de la rupture et de la durée de présence du salarié au sein de l’entreprise. L’article L.1221-25 du code du travail prévoit expressément que « La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. »

Dans le cas d’espèce, la difficulté provenait de la combinaison du délai de prévenance légal et du délai de préavis conventionnel.

En effet la Cour de cassation avait posé le principe selon lequel, à défaut de mention expresse dans la convention collective, la durée du préavis conventionnel ne doit pas obligatoirement être insérée dans la période d’essai ni prendre fin avant le terme de celle-ci (Cass. soc., 31 octobre 1989, n° 86-43.894 et 11 octobre 2000, n° 98-45.170).  

L’entreprise avait donc notifié la rupture de la période d’essai en respectant le délai de prévenance légal applicable, soit 1 mois. Le délai de prévenance est en amont de la date d’échéance. Ladite notification a fait courir le délai de préavis conventionnel, qui lui est en aval de la notification, et qui était de 7 semaines. Le terme de ce préavis était donc nécessairement postérieur à la fin de la période d’essai.

L’entreprise a dispensé le salarié de toute activité dès la notification de la rupture : délai de prévenance et délai de préavis n’ont pas été travaillés, mais la date de fin de contrat a été fixée à l’échéance du préavis conventionnel, assimilant le préavis de rupture de la période d’essai au préavis de licenciement pour lequel le code du travail dispose expressément : « L’inexécution du préavis de licenciement n’a pas pour conséquence d’avancer la date à laquelle le contrat prend fin. »

Le préavis est en effet une période pendant laquelle le contrat continue à produire ses effets. Dès lors le salarié continue non seulement à percevoir la rémunération, y compris les avantages en nature, qu’il aurait perçue s’il avait travaillé, mais bénéficie également des droits ouverts du fait de son appartenance à l’entreprise : garanties prévoyance et frais de santé, participation/intéressement, comité d’entreprise, etc.

Les préavis de rupture de période d’essai ont suivi dans la pratique les règles applicables au préavis de licenciement.

Le salarié a considéré que ce dépassement de la nouvelle durée maximale de la période d’essai, du fait du respect du préavis conventionnel, était constitutif d’un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

La chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà eu à se prononcer sur les modalités de rupture de cette nouvelle période d’essai légale. Dans son arrêt du 5 novembre 2014, elle avait considéré que la poursuite de la relation de travail au-delà du terme de la période d’essai, du fait de l’exécution du délai de prévenance, donne lieu à un nouveau contrat qui ne peut être rompu que par un licenciement.

Dans son arrêt du 16 septembre 2015, la chambre sociale a pris en considération le fait que le salarié avait été dispensé de son « préavis » et que l’entreprise avait bien respecté le délai de prévenance légal.

La chambre sociale a pris soin de mettre des guillemets à « préavis ». En accordant à l’entreprise la possibilité de prolonger la durée du contrat de travail – sous réserve de son inexécution au-delà du terme légal – la chambre sociale semble distinguer le délai de prévenance légal et les préavis conventionnels.

La question de la date effective de fin du contrat de travail n’est donc pas résolue avec certitude, la chambre sociale se contentant d’exiger la dispense d’activité du salarié pour valider la rupture. Les entreprises pourraient-elles considérer que le contrat de travail prend fin au plus tard à la date de l’échéance de la période d’essai et se contenter de verser l’indemnité compensatrice pour la période de « préavis » conventionnel excédant le terme légal, ce qui aurait pour conséquence de priver le salarié de certains droits, ou doivent-elles traiter cette période à l’instar du préavis de licenciement ? La question reste ouverte.