Les investissements directs étrangers à l’épreuve du Coronavirus Covid-19
Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 et de ses effets sur l’économie de l’Union Européenne, la commission européenne a publié le 26 mars 2020 une communication destinée à alerter les Etats membres sur la nécessité de protéger les actifs européens stratégiques des investissements directs étrangers.
Tout en réaffirmant l’ouverture de l’Union Européenne aux investissements étrangers, essentiels à sa croissance et à sa compétitivité, la commission invite les Etats membres à protéger les actifs destinés à répondre aux besoins de leurs citoyens en matière de santé (notamment production d’équipements médicaux et de protection, activités de recherche médicale) et plus généralement à sauvegarder les capacités stratégiques européennes.
La Commission européenne a exposé le 26 mars 2020 ses « orientations à l’intention des Etats membres concernant les investissements directs étrangers et la libre circulation des capitaux provenant de pays tiers ainsi que la protection des actifs stratégiques européens, dans la perspective de l’application du Règlement (UE) 2019/452 (règlement sur le filtrage des IDE[1])» [2].
« L’épidémie de Covid-19 a mis en évidence la nécessité de préserver et d’améliorer le partage [de] précieuses capacités au sein du marché unique, ainsi qu’avec ceux qui en ont besoin ailleurs dans le monde. Dans ce contexte, les acquisitions d’actifs liés à la santé auraient un impact sur l’Union européenne dans son ensemble », écrit la Commission le 26 mars dernier.
Dans ce cadre, elle invite les Etats membres (i) à faire pleinement usage de leurs mécanismes internes de contrôle des investissements étrangers dès lors qu’ils sont susceptibles de constituer un risque pour les infrastructures de soins de santé et autres secteurs essentiels et, (ii) pour ceux qui n’en disposent pas, de mettre en place un mécanisme complet de filtrage ou d’utiliser tous les autres outils disponibles.
Au niveau européen, un cadre juridique commun aux pays membres, issu du Règlement n°2019/452 du 19 mars 2019, instaure un filtrage des investissements directs en provenance de pays tiers et une coopération entre Etats membres. Il entrera en vigueur le 11 octobre 2020.
Ce filtrage vise à coordonner, au niveau des Etats membres, le contrôle des acquisitions étrangères, et à prendre en considération les effets de ces acquisitions sur l’Union européenne dans son ensemble.
Les Etats membres peuvent ainsi prendre les mesures nécessaires pour empêcher une acquisition d’entreprise par un investisseur étranger, susceptible de constituer un risque lié à une urgence de santé publique et, plus généralement de porter atteinte à la sécurité ou l’ordre public de ces Etats.
Dans sa communication du 26 mars 2020, la Commission européenne a rappelé son intention de pouvoir être consultée et émettre des avis, notamment si les investissements concernés portent sur des projets ou programmes présentant un intérêt sur le plan européen.
Ces investissements feront l’objet d’un examen plus approfondi de la part de la Commission, dont l’avis devra être pris en compte par les pays concernés. Un contrôle qui inclut les projets de recherche d’Horizon 2020[3] liés à la lutte contre la pandémie.
La Commission s’est toujours attachée à préserver le délicat compromis des États membres entre une approche sécuritaire et la défense du libre-échange, mais le Covid-19 est venu bousculer l’agenda de l’Union européenne, et les Européens ne peuvent pas attendre octobre 2020 pour mettre en place le mécanisme communautaire de filtrage des investissements étrangers.
Il était dès lors important qu’un message fort soit adressé par la Commission aux Etats membres, d’autant plus que 14 états seulement sur 27 ont mis en place des mécanismes nationaux de filtrage des IDE[4].
La France dispose d’un cadre juridique désormais très abouti en matière de contrôle des investissements étrangers. Elle a en effet engagé depuis plus d’une année une réforme dans ce domaine, dont le volet final résultant du décret n°2019-1590 du 31 décembre 2019 et d’un arrêté du même jour, est entré en vigueur le 1er avril 2020.
Nous vous renvoyons à la publication du même auteur pour plus d’information sur la règlementation française en la matière[5].
Comme le soulignent en substance des chercheurs de l’Institut Jacques Delors[6] dans une très récente étude sur « l’urgence d’un contrôle renforcé des investissements étrangers » dans le contexte du Covid-19, le renforcement des contrôles ne doit pas engendrer une augmentation des réflexes nationalistes, qui risquent, à terme, de déboucher sur une fragmentation du Marché unique et de fragiliser la visibilité et la stabilité dont les entreprises européennes ont besoin pour maintenir leur attractivité.
« La proportionnalité des mesures est plus que jamais essentielle car l’IDE est aussi nécessaire à la relance que néfaste s’il fragilise encore davantage l’économie en ciblant les actifs stratégiques, notamment en matière de savoir-faire technologique ». [7]
[1] « Investissements Directs Etrangers »
[2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:C:2020:099I:FULL&from=EN
[3] Programme européen pour la recherche et l’innovation https://www.horizon2020.gouv.fr/
[4] Pour une présentation des règlementations nationales https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2019/june/tradoc_157946.pdf
[5] Voir l’article intitulé Contrôle des investissements étrangers en France : entre renforcement et plus grande lisibilité pour les investisseurs publié sur notre Blog en février 2020 par le même auteur
[6] Institut de recherche européen fondé par Jacques Delors en 1996, à la fin de sa présidence de la Commission européenne https://institutdelors.eu/
[7] https://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2020/04/PP253_FDIscreening_Fabry_200427_FR.pdf