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Publié le 1 octobre 2009 par Soulier Avocats

Les risques d’inapplicabilité de la clause de préemption à la donation d’actions : l’importance de la rédaction statutaire

Par arrêt du 17 mars 2009[1], commenté tardivement par la doctrine, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé l’importance qu’il convient d’accorder à la rédaction des clauses statutaires comportant des restrictions à la liberté de disposition des actions.

Dans l’affaire examinée, les requérants contestaient l’applicabilité d’une clause de préemption figurant dans les statuts d’une société anonyme. Aux termes de cette clause, tout projet de cession d’actions devait faire l’objet d’une notification aux autres actionnaires, indiquant le nombre d’actions à céder, le prix et les autres conditions de la cession envisagée. La clause précisait que la notification valait offre de cession au prix et conditions mentionnées au profit de tous les actionnaires.

L’un des actionnaires avait fait donation de deux de ses actions à ses enfants sans mettre en œuvre la procédure statutaire relative au droit de préemption des actionnaires.

La Cour d’appel avait estimé que le non respect de cette procédure rendait la donation inopposable aux autres actionnaires.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel sur ce point au motif que la procédure de préemption organisée par les statuts était, en l’absence de prix, sans application aux cessions consenties à titre gratuit.

Si cet arrêt n’a pas pour vocation d’exclure par principe l’applicabilité de la clause de préemption aux transferts de propriété à titre gratuit, tels que la donation, la Cour de cassation insiste sur la précision qui doit caractériser la rédaction d’une telle clause restrictive de liberté pour les actionnaires.

Au cas d’espèce, la clause de préemption supposait, pour être appliquée, l’existence d’un prix de cession pour les actions concernées.

La levée de l’offre de cession par l’un des actionnaires aurait entraîné le transfert des titres en contrepartie du prix de cession notifié par l’actionnaire cédant.

Or, la donation est un acte à titre gratuit qui emporte transfert de propriété au donataire sans que le donateur ne reçoive de contrepartie.

Ainsi, la Cour de cassation a considéré que l’absence de prix, inhérente à la donation, faisait obstacle à la procédure statutaire relative au droit de préemption.

Cependant, cet arrêt n’interdit pas, lors de la rédaction d’une clause de préemption, de viser tout projet d’acte de cession, à titre onéreux comme à titre gratuit. Dans cette dernière hypothèse, il conviendrait alors d’adapter la clause à l’absence de prix.

Toutefois, la doctrine interprète cet arrêt avec une certaine prudence[2]. En effet, la législation sur les sociétés anonymes interdit le recours à une clause statutaire d’agrément en cas de succession, de liquidation de régime matrimonial ou de cession d’actions à un conjoint, ascendant ou descendant par un actionnaire[3].

La doctrine majoritaire retient une conception large de la notion de cession et considère que la donation entre dans le champ de cette interdiction[4].

La question se pose donc de savoir si, dans une société anonyme, il est licite de soumettre une donation d’actions à un conjoint, ascendant ou descendant au droit de préemption, alors que cette même opération ne peut faire l’objet d’une procédure d’agrément. En l’état actuel de la législation, les auteurs en doutent[5].

En revanche, au regard de l’arrêt commenté, un droit de préemption pourrait valablement être exercé en cas de donation effectuée au profit de personnes pouvant faire l’objet d’une procédure d’agrément.

 


[1] Cass. Com., 17 mars 2009, n°08-11268 (n°235 FD), X. et a. c/ A. et a.

[2] Voir B. Saintourens, Bull. Joly Sociétés, éd. Joly, octobre 2009, n°10.

[3] Article L. 228-23 du Code de commerce

[4] Voir M. Germain, Traité de droit commercial, Les sociétés commerciales, LGDJ, 2009, 19e éd., n°1618-1 ; M.Cozian, A. Viandier et F.Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 2008, 21e éd., n°721 ; P. Le Cannu, Droit des sociétés, Précis Domat, 203, 2e éd., n°1054.

[5] Voir B. Saintourens, Bull. Joly Sociétés, éd. Joly, octobre 2009, n°10.