Loi PACTE : clarification et modernisation du régime des actions de préférence
La loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a notamment pour objectif d’« améliorer et diversifier les modes de financement des entreprises »[1]. C’est dans cette perspective que diverses mesures ont été prises, dans le but de clarifier et moderniser le régime des actions de préférence.
Les actions de préférence sont des actions « avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent »[2]. Ces actions, en ce qu’elles permettent de dissocier droits politiques et droits financiers, constituent un formidable outil de croissance des entreprises.
Pour favoriser le recours à cet instrument en France, la loi PACTE vient, en son article 100, moderniser et clarifier le régime applicable à l’émission de tels titres, jugé imprécis et parfois ambigu par les praticiens du droit :
- Uniformisation du régime applicable à l’émission d’actions de préférence au sein des sociétés par actions non cotées :
L’article L. 228-11, alinéa 1er, du Code de commerce est modifié comme suit : « Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence[…], assorties de droits particuliers […]. Ces droits sont définis par les statuts et, pour les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, dans le respect des articles L. 225-122 à L. 225-125 ».
La différence de régime existant entre sociétés anonymes (SA) et sociétés en commandite par actions (SCA) d’une part, et sociétés par actions simplifiées (SAS) d’autre part, est ainsi supprimée.
Cette modification permet en outre de lever les incertitudes liées à l’application ou non aux SAS de la règle de proportionnalité fixée à l’article L. 225-122 du Code de commerce[3], qui se trouve désormais expressément écartée dans cette hypothèse.
- Confirmation de l’application de la procédure dite « des avantages particuliers » en cas de création d’actions de préférence en faveur de nouveaux entrants :
L’article L. 228-15, alinéa 1er, du Code de commerce est modifié comme suit : « La création de ces actions donne lieu à l’application des articles […] relatifs aux avantages particuliers lorsque les actions sont émises au profit d’une ou plusieurs personnesnommément désignées », au lieu de : « La création de ces actions donne lieu à l’application des articles[…] relatifs aux avantages particuliers lorsque les actions sont émises au profit d’un ou plusieurs actionnairesnommément désignés ».
Cette modification vient confirmer une application déjà consacrée par la pratique[4].
- Extension de la suppression du droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence à droits financiers limités, avec ou sans droit de vote :
L’article L. 228-11, dernier alinéa, du Code de commerce est modifié comme suit : « Par dérogation aux articles L. 225-132 et L. 228-91, les actions de préférence auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire, sous réserve de stipulations contraires des statuts », au lieu de : « Par dérogation aux articles L. 225-132 et L. 228-91, les actions de préférence sans droit de vote à l’émissionauxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire, sous réserve de stipulations contraires des statuts. ».
Le droit préférentiel de souscription (DPS) est un droit en vertu duquel les actionnaires ou associés d’une société par actions bénéficient, proportionnellement au montant de leurs actions, d’un droit de préférence à la souscription d’actions de numéraire émises en cas d’augmentation de capital (Code de commerce, article L. 225-132).
Cette modification a pour objectif de faciliter la réalisation d’émissions ultérieures d’actions réservées à un ou plusieurs investisseur(s) particulier(s), en s’affranchissant de l’obligation de réunir au préalable l’assemblée spéciale des porteurs d’actions de préférence à droits financiers limités, aux fins d’obtenir l’accord de ces derniers sur la suppression de leur DPS.
S’agissant néanmoins d’une disposition supplétive, les statuts peuvent y déroger, et prévoir l’application de ce mécanisme anti dilutif aux actions de préférence à droits financiers limités émises.
- Clarification du régime d’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital en présence d’actions de préférence :
La rédaction de l’article L. 228-98 du Code de commerce, relatif à l’émission des valeurs mobilières donnant accès au capital en présence d’actions de préférence, a longtemps été source d’interrogations pour les praticiens : « A dater de l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital, la société appelée à attribuer ces titres[…] ne peut ni modifier les règles de répartition de ses bénéfices, ni amortir son capital, ni créer d’actions de préférence entraînant une telle modification ou un tel amortissement[…] », puis, en son alinéa 3 : « […] Sous ces mêmes réserves, elle peut cependant créer des actions de préférence ».
Cet alinéa 3 est purement et simplement supprimé.
Cette modification vient confirmer la lecture qu’en avait la doctrine majoritaire, qui jugeait cet alinéa redondant avec les dispositions lui précédant.
- Introduction d’actions de préférence rachetables à l’initiative de leurs titulaires :
L’article L. 228-12, III, 4°, du Code de commerce est modifié comme suit : « Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le rachat est à l’initiative exclusive de la société ou à l’initiative conjointe de la société et du détenteur de l’action de préférence. Dans les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts déterminent, préalablement à la souscription, si le rachat peut avoir lieu à l’initiative exclusive de la société, à l’initiative conjointe de la société et du détenteur ou à l’initiative exclusive du détenteur, suivant les conditions et délais qu’ils précisent », au lieu de : « Le rachat est à l’initiative exclusive de la société ».
Cette modification vient entériner une procédure déjà consacrée par la pratique[5].
[1]Etude d’impact du Projet de loi, 18 juin 2018.
[2]Code de commerce, article L. 228-11.
[3]Code de commerce, article L. 225-122 : « I.- […] le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnelà la quotité de capital qu’elles représentent et chaque action donne droit à une voix au moins. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
[4]Cf. notamment Rép. Min. n°43987, JOAN 24 août 2004, p. 6685, et Rép. Min. n°13315, JO Sénat 19 mai 2005, p. 1441 : « […] l’article L. 228-15 alinéa 1ervise les actionnaires déjà existants et les actionnaires qui le deviennentau moment de la souscription à condition toutefois que ces actionnaires soient nommément désignés. ».
[5]Cf. notamment Rép. Min. n°431, JO Sénat 27 déc. 2007, p. 2371 : « […] les statuts de ces sociétés pouvant fixer à l’avance les modalités de rachat des actions de préférence, la faculté de rachat à l’initiative des porteurs peut être prévue. »