Loi Pacte : quelles implications en droit du travail ?
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, transforme les seuils d’effectifs et apporte du renouveau sur les dispositifs d’épargne salariale.
Nous donnons ici un aperçu des principales dispositions de la loi ayant des implications sur le droit du travail.
I. Les seuils d’effectifs
L’une des applications les plus directes de la loi Pacte en droit du travail se retrouve à son article 11, relatif aux modalités de calcul et de franchissement des seuils d’effectifs. Partant du postulat que les entreprises proches des seuils étaient réticentes à les franchir en raison des obligations nouvelles induites par l’embauche de nouveaux salariés, le législateur a souhaité assouplir les dispositions légales afin de limiter les effets de seuil.
Ces nouvelles règles entreront en vigueur au 1er janvier 2020.
Rationalisation des seuils
En premier lieu, le législateur a cherché à « rationnaliser » les seuils d’effectif autour de trois valeurs : 11 salariés, 50 salariés et 250 salariés.
Cela entraîne l’augmentation de certains seuils intermédiaires.
Ainsi, l’obligation d’établir un règlement intérieur ne concernera plus les entreprises d’au moins 20 salariés mais celles d’au moins 50 salariés.
Décompte des effectifs
La loi Pacte procède également à une harmonisation des règles dispersées dans les différents codes relatives au décompte des effectifs dans les entreprises. Pour calculer l’effectif de l’entreprise, la règle de décompte de référence privilégiée est celle de l’effectif annuel moyen de l’année N-1 retenue par le Code de sécurité sociale. Ainsi, aux termes de l’article L. 130‐1 du Code de la sécurité sociale : « l’effectif salarié annuel de l’employeur, y compris lorsqu’il s’agit d’une personne morale comportant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente ». L’alinéa 3 du même article précise que « l’effectif à prendre en compte pour l’année de création du premier emploi salarié titulaire d’un contrat de travail dans l’entreprise correspond à l’effectif présent le dernier jour du mois au cours duquel a été réalisée cette première embauche ».
Les dispositions du Code du travail relatives aux seuils d’effectifs renvoient désormais à ces modalités de calcul prévues par le Code de la sécurité sociale.
Franchissement des seuils
La nouveauté majeure de la loi Pacte en matière de calcul des seuils d’effectif concerne les modalités de franchissement des seuils fixés en droit social.
En effet, le II de l’article L. 130‐1 du Code de la sécurité sociale dispose que « le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives ».
Auparavant, à défaut de précision, les obligations afférentes au seuil incombaient à l’employeur, dès lors que ce seuil avait été franchi lors de l’année civile précédente.
Cette règle a été considérée comme un frein au recrutement, notamment d’un cinquantième salarié.
Les nouvelles dispositions précitées ont vocation à neutraliser les effets de seuil, le franchissement devant être observé pendant cinq années consécutives pour produire ses effets. Le franchissement à la baisse du seuil pendant une seule année remet à zéro cette période de cinq ans.
Par exception, cette règle ne s’applique pas avec effet rétroactif pour les entreprises ayant franchi un seuil avant la promulgation de la loi et étant déjà assujetties aux obligations correspondant au seuil dépassé.
Ces nouvelles règles de franchissement de seuils concernent notamment l’effectif pris en compte pour l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, la sanction associée à l’entretien professionnel, le versement transport, l’obligation dans les entreprises de plus de 250 salariés de désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel ou les agissements sexistes, l’aide unique à l’apprentissage ou encore l’accès aux chèques-vacances.
Par exception, un décompte spécial est prévu pour l’obligation de mettre en place un règlement intérieur dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’obligation s’appliquant «au terme d’un délai de douze mois à compter de la date à laquelle le seuil de 50 salariés a été atteint».
Une analyse de ces modifications révèle pourtant que la simplification des règles de seuil d’effectif est encore loin d’être réalisée : il existera encore en 2020 des seuils d’effectif intermédiaires entre les 3 seuils privilégiés (11, 50 et 250), la règle de référence de décompte des effectifs du Code de sécurité sociale coexistera avec d’autres modalités de décompte propres à certaines législations, la règle d’atténuation de franchissement de seuil sur 5 ans (qui par ailleurs comporte des risques de contournement) n’est pas généralisée à tous les seuils d’effectif et devra coexister avec les règles de « gel » existants en cours d’application.
II. L’intéressement, la participation et l’épargne salariale
Afin d’encourager le partage des fruits du travail, la loi Pacte intègre des dispositions sur l’intéressement, l’épargne salariale et la participation aux résultats de l’entreprise.
Intéressement
L’article L. 3314-2 du Code du travail prévoit que l’intéressement collectif doit, pour ouvrir droit à certaines exonérations prévues aux article L. 3315-1 et L. 3315-3, être aléatoire et résulter d’une formule de calcul, liée notamment aux performances de l’entreprise sur l’année ou sur une durée au moins égale à trois mois.
La loi Pacte complète cet article en précisant que cette formule de calcul « peut être complétée d’un objectif pluriannuel lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise ».
En cas de transfert d’entreprise, « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur », qui nécessite la mise en place d’un nouveau CSE, l’article L. 3314-4 du Code du travail précise que l’accord d’intéressement se poursuit ou peut être renouvelé dans les conditions classiques de conclusion d’un tel accord. Cette précision ne devrait pas engendrer de changements pratiques, dès lors que la règle selon laquelle l’accord cesse de produire effet entre le nouvel employeur et les salariés de l’entreprise lorsque cette modification rend impossible son application est maintenue, devenant l’exception au principe.
Le plafonnement des sommes qui peuvent être distribuées aux salariés au titre de l’intéressement est rehaussé. Il ne peut excéder, pour un même bénéficiaire et au titre d’un même exercice, les trois quarts du plafond annuel de sécurité sociale – 30.393 euros en 2019 – contre la moitié auparavant – 20.262 euros (C. trav., art. L. 3314-8).
Enfin, l’accord collectif peut désormais prévoir que si des sommes n’ont pas pu être versées à un salarié au titre de l’intéressement en raison de l’atteinte du plafond individuel, le reliquat peut être automatiquement réparti, selon les mêmes modalités que la répartition originelle, aux salariés ayant perçu des sommes inférieures à ce plafond, dans la limite de ce même plafond (C. trav., art. L. 3314-11).
Participation
Premier impact de la modification des seuils, l’obligation de mise en place d’une participation s’applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à une période de cinq années civiles consécutives au cours desquelles le seuil de 50 salariés a été atteint ou dépassé.
Par ailleurs, la loi Pacte réduit le plafond de salaire pour la répartition qui est désormais fixé à trois fois le plafond annuel de sécurité sociale, afin de favoriser une répartition proportionnelle au salaire plus équitable.
Épargne salariale
En matière d’épargne salariale, la loi Pacte ouvre la possibilité pour l’employeur d’abonder un plan d’épargne d’entreprise et ce même en l’absence de contribution du salarié, à la double condition que ces versements soient attribués de façon uniforme à l’ensemble des salariés et qu’ils servent à « l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise elle-même ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes ».
Épargne retraite
Sur la question de l’épargne formée par les salariés, la loi Pacte procède à une harmonisation entre les différents plans de retraite supplémentaires existants (PERCO, PERE, PERP, MADELIN) et crée, à compter du 1er octobre 2019, un nouveau PER (Plan d’épargne retraite). Elle organise notamment la transférabilité des droits d’un type de plan à un autre, dans l’optique de constituer un plan de retraite « unique ».
III. Autres mesures sociales
Travail de nuit
Jusqu’à présent, on considérait que la fourchette 21h – 7h du matin constituait la période où l’on effectuait du travail de nuit. Désormais, la fourchette est rétrécie et passe de minuit à 5h du matin. La possibilité d’extension du travail de nuit est toutefois conditionnée à l’existence d’un accord de branche ou d’entreprise prévoyant une contrepartie pour tout salarié travaillant entre 21h et minuit. La contrepartie – déterminée par l’accord – pourra être une compensation financière ou d’un temps de repos.
Objet social de l’entreprise
Il s’agit d’étoffer l’article 1833 du Code civil qui définit ce qu’est une société, « constituée dans l’intérêt commun des associés ». « La société doit être gérée dans l’intérêt social, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité », tel est l’alinéa que le texte ajoute à l’article 1833 du Code civil. Par ailleurs, la loi modifie aussi l’article 1835 qui suit. Il y est indiqué qu’une société peut, si elle le souhaite, y faire figurer « une raison d’être » qui exprime son projet sur le long terme, au service de l’intérêt collectif.
Représentation des salariés dans les organes de direction
En vue d’améliorer la représentation des salariés dans les organes de direction des sociétés qui emploient plus de 1.000 salariés dans la société et ses filiales pendant deux exercices consécutifs et dont le siège social est situé en France (ou 5.000 salariés et dont le siège social est situé en France et à l’étranger), la loi Pacte prévoit que le nombre d’administrateurs salariés passera de un à deux dès que le conseil d’administration sera composé de plus de huit membres, contre douze actuellement. Les mêmes règles s’appliquent pour les représentants des salariés au conseil de surveillance. La formation des administrateurs représentant les salariés est renforcée.
Enfin, la loi prévoit la mise en place d’un dialogue direct – en lieu et place de l’avis écrit et des réponses écrites successives – entre le CSE et le conseil d’administration sur les orientations stratégiques de l’entreprise (article 191 de la loi).