Marchés publics et seuil de dispense de procédure
Saisi sur requête, le Conseil d’Etat a, par arrêt du 10 février 2010[1], annulé certaines dispositions du décret du 19 décembre 2008[2] relatives au seuil de dispense de procédure, lesquelles étaient précédemment venues modifier l’article 28 du Code des Marchés Publics.
L’actuel article 28 du Code des Marchés Publics, modifié par le décret du 19 décembre 2008, définit les conditions dans lesquelles les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent, d’une part, être passés selon une procédure adaptée déterminée par le pouvoir adjudicateur, d’autre part, être dispensés de toute procédure.
Pour cette dernière hypothèse, l’article 28 susvisé prévoit la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables notamment si son montant estimé est inférieur à 20.000 euros HT.
Le décret du 19 décembre 2008 avait précisément relevé ce seuil de dispense de procédure de 4.000 à 20.000 euros HT.
Cette modification s’inscrivait dans un contexte de crise économique et traduisait une volonté d’assouplir les marchés les moins importants en facilitant l’accès à la commande publique.
Cette dispense de procédure permettait ainsi au pouvoir adjudicateur de s’affranchir d’un cadre juridique trop rigoureux eu égard au faible montant du marché, et de mettre en œuvre, de la manière la plus adaptée au cas par cas, les principes fondamentaux de transparence, de liberté d’accès et d’égalité de traitement encadrant la commande publique, posés par l’article 1er du Code des Marchés Publics.
Dans son arrêt du 10 février 2010[3], après avoir rappelé que les principes fondamentaux de la commande publique ne s’opposaient pas à une dispense de procédure à condition que celle-ci apparaissait impossible ou inutile en raison du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré, le Conseil d’Etat, a annulé les dispositions du décret du 19 décembre 2008 au motif que le relèvement du seuil à 20.000 euros HT rendait la dispense trop générale et méconnaissait les principes d’égalité d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
Toutefois, afin que cette annulation ne remette pas en cause les marchés passés sur le fondement du nouveau seuil, le Conseil d’Etat a précisé que l’annulation des dispositions du décret précitées ne prendrait effet qu’à compter du 1er mai 2010, sous réserve des actions contentieuses engagées, à la date de la décision du Conseil d’Etat commentée, contre des actes pris sur leur fondement.
Ainsi, à compter du 1er mai 2010, le pouvoir adjudicateur restera dispensé de procédure si le montant du marché est inférieur à 4.000 euros HT, mais au-delà, il devra avoir recours, au minimum, à une procédure adaptée[4].
Si elle se justifie par le respect des principes fondamentaux encadrant la commande publique, cette solution a pour conséquence de réintroduire une lourdeur procédurale pour les marchés de faible importance, au risque de contrarier l’objectif de relance de l’économie poursuivi par la France, mais aussi par ses voisins européens, dont il est d’ailleurs utile de noter que leurs seuils de dispense de procédure s’avèrent, pour beaucoup, être plus élevés que 4.000 euros HT…[5]
Une étude devrait être réalisée par le Ministère de l’Economie sur la meilleure manière d’organiser la passation des petits marchés en gardant pour objectifs la sécurisation des contrats et la simplicité des procédures, tout en tenant compte des motifs et du dispositif de la décision du Conseil Etat du 10 février 2010.
[1] CE, 7e et 2e ss-sect., 10 févr. 2010, req. N°329100, M.Perez : JurisData n°2010-000403
[2] Décret n°2008-1356 du 19 décembre 2008 « relatif au relèvement de certains seuils du code des marchés publics »
[3] Ibid
[4] Voir fiche explicative de la Direction des affaires juridiques du 16 février 2010 : http://www.minefi.gouv.fr/directions_services/daj/marches_publics/annulation_seuil_20_000_euros.pdf
[5] A titre d’illustration, le Danemark a adopté un seuil de 70.000 euros, tandis que le Royaume Uni, l’Italie, la Suède et l’Autriche ont adopté un seuil de 20.000 euros.