Minoration des indemnités en cas de licenciement nul : l’employeur doit le demander expressément
En cas de prononcé de la nullité d’un licenciement, le juge est tenu d’examiner les autres griefs du licenciement pour fixer le montant de l’indemnité. A la condition que l’employeur le lui demande expressément.
Dans notre actualité du mois d’août dernier, nous revenions sur une décision de la Cour de cassation précisant qu’en cas d’abus non avéré d’une liberté fondamentale par un salarié, son licenciement était nul quand bien même d’autres motifs indiqués dans la notification de licenciement pourraient justifier la rupture de son contrat de travail[1]. Le motif de licenciement prohibé et sanctionné par la nullité contaminait donc les autres motifs du licenciement quand bien même étaient-ils justifiés.
Par un arrêt du 19 octobre 2022[2] la Cour de cassation a pour la première fois rendu une décision relative à la fixation de l’indemnité due en cas de nullité du licenciement et en présence d’un « motif contaminant ».
Le Code du travail prévoit que le salarié dont le licenciement est nul a droit, lorsqu’il ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, à une indemnité, qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaires[3].
Pour rappel, le licenciement encourt la nullité lorsqu’il repose sur un motif prohibé ou illicite. Par ailleurs, lorsque plusieurs griefs sont invoqués, il suffit que l’un d’eux soit prohibé ou illicite pour que la nullité soit prononcée, même si les autres griefs constituent une cause réelle et sérieuse pouvant par ailleurs justifier le licenciement.
Toutefois, et alors que le juge n’est pas tenu d’apprécier les autres motifs de licenciement en raison de la nullité « contaminante » du seul motif prohibé, la nullité encourue ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié[4].
Dans l’arrêt du 19 octobre 2022, la Cour de cassation vient préciser le contour de l’obligation faite au juge d’examiner les autres griefs ayant motivé le licenciement. La haute juridiction précise ainsi que le juge n’est tenu par cet examen qu’à la condition que l’employeur le lui demande expressément lors du débat contradictoire.
Ce n’est que par l’invocation de ce moyen de défense par l’employeur, que le juge a l’obligation de tenir compte des autres griefs pour fixer le montant de l’indemnité en cas de nullité du licenciement.
De cette manière, l’employeur a la possibilité d’apporter des arguments dans l’espoir d’une minoration du montant de l’indemnité par le juge sans pour autant que celle-ci puisse être inférieure à 6 mois de salaire comme le prévoit expressément l’article L. 1253-3-1 du Code du travail.
[1] Cf. article intitulé L’illicéité d’un motif de licenciement « contamine les autres motifs du licenciement publié sur notre Blog au mois d’août 2022
[2] Cass. soc., 19 oct. 2022, n° 21-15.533
[3] C.trav., art. L. 1253-3-1
[4] C.trav., art. L. 1235-2-1