Modification des règles relatives au contrôle des investissements étrangers en France
« Les relations financières entre la France et l’étranger sont libres » : tel est le principe énoncé à l’article L.151-1 du Code monétaire et financier. Ce principe connaît cependant un certain nombre d’exceptions, comme le prévoit l’article L.151-2 du même Code, selon lequel le Gouvernement peut soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle un certain nombre d’opérations en vue d’assurer la défense des intérêts nationaux.
L’exception la plus importante au principe de liberté des investissements étrangers réside dans la procédure d’autorisation préalable, en vertu de laquelle certains investissements en provenance de l’étranger doivent être soumis au Ministère de l’économie, lequel peut interdire l’opération projetée ou l’autoriser sous conditions[1].
Les dispositions applicables aux investissements soumis à autorisation viennent d’être légèrement modifiées par un décret du 7 mai 2012[2], l’occasion de faire un rappel des règles applicables à la procédure d’autorisation des investissements étrangers en France et plus précisément de clarifier le champ des opérations soumises à autorisation.
La nature de l’investissement
Les opérations considérées comme des investissements devant faire l’objet d’une autorisation préalable sont définies par le Code Monétaire et Financier. La définition varie selon que l’investissement est réalisé par un investisseur ressortissant de l’Union Européenne[3] ou par un investisseur d’un pays tiers[4].
Dans un cas comme dans l’autre, est considéré comme un investissement le fait :
- d’acquérir le contrôle d’une entreprise dont le siège social est établi en France ; ou
- d’acquérir tout ou partie d’une branche d’activité d’une entreprise dont le siège social est établi en France[5].
Est également considéré comme investissement, mais seulement dans le cas des investissements en provenance de pays tiers, le fait de franchir le seul de 33,33% de détention du capital ou des droits de vote d’une entreprise dont le siège social est établi en France[6].
La référence explicite à la notion de contrôle indirect de l’investisseur a été supprimée du champ de ces articles par le décret du 7 mai dernier. Elle est désormais remplacée par de nouvelles dispositions plus claires et précises, applicables aux investissements effectués par une entreprise française contrôlée par une personne (physique ou morale) étrangère.
Ainsi, le nouvel article R.153-5-2 du Code Monétaire et Financier soumet à autorisation les investissements réalisés par une entreprise française contrôlée par une personne physique ressortissante d’un Etat autre que la France par une entreprise dont le siège social se situe hors de France ou par une personne physique de nationalité française résidant hors de France.
L’activité objet de l’investissement
Ces activités sont listées à l’article R.153-2 du Code monétaire et financier pour les investissements en provenance de pays tiers, aux articles R.153-4 (qui renvoie à l’article R.153-2) et R.153-5 pour les investissements en provenance d’un Etat membre de l’UE. De manière générale, les secteurs d’activités visés relèvent de la Défense nationale ou touchent à des questions d’ordre public[8].
Le décret du 7 mai 2012 est venu exclure explicitement les casinos du champ d’application de la procédure d’autorisation en ce qui concerne les investissements en provenance de pays tiers et vient supprimer la disposition qui les visait auparavant explicitement dans le cadre des investissements en provenance de l’UE.
Les opérations soumises à autorisation sont définies plus strictement dans le cadre des investissements en provenance de l’UE. Ainsi, les activités objet de l’investissement sont définies de manière plus limitative[9]. De plus, outre le fait que la définition même de l’investissement est plus restreinte dans le cadre d’un investissement en provenance de l’UE[10], les investissements dans la plupart des secteurs d’activité listés ne sont soumis à la procédure d’autorisation que lorsque l’investissement consiste dans le fait d’acquérir tout ou partie d’une branche d’activité d’une entreprise mais pas lorsqu’il consiste dans le fait d’acquérir le contrôle d’une entreprise française[11]. Ceci a pour conséquence de limiter le champ des opérations devant relever de ladite procédure lorsque l’investisseur est ressortissant de l’UE.
Nous attirons l’attention des lecteurs sur le fait que la procédure d’autorisation doit nécessairement être respectée dès lors que l’opération envisagée tombe dans son champ d’application, les conséquences de son non-respect pouvant être très lourdes.
[1] Les investissements étrangers non soumis à autorisation préalable font l’objet de simples déclarations : déclaration au Ministère de l’économie, déclaration statistique auprès de la Banque de France.
[2] Décret n°2012-691 du 7 mai 2012 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable
[3] Les expressions « investisseur ressortissant de l’UE » et « investissement en provenance de l’UE » viseront ici les investissements réalisés « par une personne physique ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France, par une entreprise dont le siège social se situe dans l’un de ces mêmes Etats ou par une personne physique de nationalité française qui y est résidente » : article R.153-5 du Code monétaire et financier.
[4] Il s’agit des investissements réalisés par « une personne physique qui n’est pas ressortissante d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France, par une entreprise dont le siège social ne se situe pas dans l’un de ces mêmes Etats ou par une personne physique de nationalité française qui n’y est pas résidente » : article R.153-2 du Code monétaire et financier.
[5] Article R.153-1 du Code monétaire et financier pour les investissements en provenance de pays tiers ; article R.153-3 du Code monétaire et financiers pour les investissements en provenance de l’UE.
[6] Article R.153-1 précité.
[7] Selon l’article L.151-3, I sont soumis à autorisation préalable les investissements dans (i) les activités participant à l’exercice de l’autorité publique, même à titre occasionnel, (ii) les activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale et (iii) les activités de recherche, de production ou de commercialisation d’armes, de munitions, de poudres et substances explosives.
[8] Les secteurs d’activités concernés sont globalement les suivants :
- Jeux d’argent ;
- Sécurité privée ;
- Recherche, développement ou production en lien avec les agents pathogènes ou toxiques ou les moyens destinés à faire face à leur utilisation illicite ;
- Activités relatives aux matériels conçus pour l’interception des correspondances et des conversations ;
- Centres d’évaluation agréés ;
- Biens et technologies à doubles usage de l’annexe IV du règlement 428/2009 (anciennement 1334/2000) ;
- Moyens de cryptologie et prestations de cryptologie ;
- Activités exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale ;
- Activités de recherche, production ou commerce d’armes, munitions, poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériel de guerre ;
- Activités des entreprises ayant conclu un contrat d’étude ou de fourniture d’équipements au profit du ministère de la défense pour la réalisation d’un bien ou d’un service relevant d’un des quatre précédents secteurs.
Pour davantage de précision dans la définition des secteurs concernés, se référer aux articles R.153-2, R.153-4 et R.153-5 du Code monétaire et financier.
[9] A titre d’exemple, certaines activités ne sont visées, quand l’investisseur est membre de l’UE, que lorsque « le contrôle de l’investissement est exigé par les nécessités de la lutte contre le terrorisme et la criminalité » : Article R.153-5 CMF, 4° et 5°.
[10] Le franchissement du seuil de détention de 33,33% des droits de vote ou du capital ne rentrant pas dans la définition de l’investissement lorsque l’investisseur est ressortissant de l’UE.
[11] Ainsi, l’article R.153-4 qui fait référence à un certain nombre d’activités est applicable tant à l’acquisition du contrôle qu’à l’acquisition d’un branche d’activité d’une société. En revanche, l’article R.153-5 ne fait référence qu’à l’investissement consistant dans le fait d’acquérir une branche d’activité d’une entreprise.