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Publié le 28 janvier 2022 par Soulier Avocats

Nouvelle prorogation jusqu’au 31 décembre 2022 des mesures d’adaptation du contrôle des investissements étrangers en France pendant la crise sanitaire

Le principe en droit français est la liberté des relations financières entre la France et l’étranger.

Toutefois, certains investisseurs effectuant certains types d’investissements dans des domaines d’activité dits « sensibles » doivent se soumettre à une procédure d’autorisation préalable auprès du ministre de l’Economie.

Le contrôle des investissements étrangers dans ces domaines d’activité a largement été renforcé ces dernières années, et ce tout particulièrement depuis la crise sanitaire liée à l’émergence et la propagation du coronavirus. 

Au niveau européen, un cadre juridique commun aux pays membres, issu d’un règlement du 19 mars 2019[1], établissant un filtrage des investissements directs dans l’Union Européenne et une coopération entre Etats membres, est entré en application le 11 octobre 2020.

Au niveau national, la loi « PACTE » du 22 mai 2019[2], son décret d’application du 31 décembre 2019[3]  et un arrêté en date du même jour ont remodelé et enrichi la procédure d’autorisation préalable, renforcé les pouvoirs du ministre de l’Economie et instauré un nouveau dispositif de sanctions pécuniaires.

Il est renvoyé, pour un exposé détaillé de la réglementation applicable, à nos précédents articles sur le sujet[4].

Dans le contexte particulier de la crise sanitaire liée à la Covid-19, un nouveau renforcement du contrôle des investissements étrangers est apparu nécessaire.

Dans une communication du 26 mars 2020, la Commission Européenne avait en ce sens notamment alerté les Etats membres sur l’impact sur l’Union Européenne dans son ensemble des « acquisitions d’actifs liés à la santé »[5].

En droit interne, deux mesures de renforcement du dispositif de contrôle des investissements étrangers en France ont ainsi été très rapidement adoptées.

Dans un premier temps, un arrêté du 27 avril 2020 avait complété la liste des « technologies critiques » protégées en vertu de l’article 6 de l’arrêté du 31 décembre 2019 visé ci-dessus en y ajoutant les « biotechnologies ».

Pour rappel, cet article 6, pris en application de l’article R. 151-3, III, 1° du Code monétaire et financier, définit « la liste des activités de recherche et de développement portant sur des technologies critiques » pour lesquelles les investissements étrangers sont soumis à autorisation préalable.

Y figurent notamment les domaines de la cybersécurité, de l’intelligence artificielle ou encore de la robotique.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, justifiait notamment l’ajout des « biotechnologies » en rappelant que « ce sont plusieurs milliers d’entreprises, qui participent à la recherche sur les vaccins contre le Covid-19 »[6].  

Bien que ce dernier ait annoncé qu’il s’agirait d’une mesure transitoire, l’arrêté du 27 avril 2020 ne fixe pas le terme de son application et est donc à ce jour toujours en vigueur.

L’absence de définition juridique précise de la notion de « biotechnologie » a été critiquée par certains auteurs, qui ont relevé la nécessité de « définir le terme avec rigueur, car le champ d’application du dispositif d’autorisation des investissements étrangers en dépend » [7].

La définition de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, aux termes de laquelle la biotechnologie regroupe « les applications de la science et de la technologie à des organismes vivants ou à leurs composantes, produits ou modélisations, dans le but de modifier des matériaux, vivants ou non, à des fins de production de connaissances, de biens ou de services » semble en effet trop générale pour éviter toute contestation de la part des investisseurs étrangers.

Il convient de noter l’efficacité de cette mesure dès lors qu’entre 2020 et 2021, les contrôles des investissements étrangers dans les biotechnologies ont presque doublé[8].

Dans un deuxième temps, un décret du 22 juillet 2020[9] avait abaissé le seuil d’acquisition des droits de vote susceptible de déclencher le contrôle par des investisseurs étrangers dans les sociétés françaises cotées.

Un décret avait prorogé une première fois la durée d’application de cette mesure du 22 juillet 2020 au 31 janvier 2021[10].

La situation sanitaire actuelle ne permettant toujours pas « d’écarter les risques pour la sécurité nationale liés à des prises de participation minoritaires opportunistes dans les entreprises françaises cotées »[11], la mesure temporaire d’abaissement du seuil a récemment de nouveau été prorogée par décret[12] jusqu’au 31 décembre 2022.

Pour rappel, l’article R. 151-2, 3° du Code monétaire et financier précise que constitue notamment un investissement soumis à autorisation le fait pour un investisseur étranger « de franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français ».

Le décret du 22 juillet 2020 avait apporté une dérogation temporaire et exceptionnelle en abaissant, jusqu’au 31 décembre 2020, ce seuil de 25% à 10%, pour les investissements dans des sociétés de droit français dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

Toutefois, cet abaissement provisoire n’est applicable « ni à une personne physique possédant la nationalité d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale et domiciliée dans l’un de ces Etats, ni à une entité dont l’ensemble des membres de la chaîne de contrôle, au sens du II de l’article R. 151-1 du Code monétaire et financier, relèvent du droit de l’un de ces mêmes Etats ou en possèdent la nationalité et y sont domiciliés »[13].

Afin de limiter les freins à la liquidité des marchés lors de ces opérations d’acquisition d’une fraction minoritaire des droits de vote, la procédure à suivre par l’investisseur étranger franchissant le seuil de 10% a toutefois été allégée[14].

Son projet d’investissement doit en effet faire l’objet d’une simple notification préalable au ministre de l’Economie et n’est soumis au dépôt d’une demande d’autorisation que sur demande de ce dernier exprimée dans un délai de dix jours ouvrés.


[1] Règlement (UE) n° 2019/452 du Parlement Européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union

[2] Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

[3] Décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France

[4] Voir les articles intitulés Le filtrage des investissements directs étrangers par l’Union européenne et Contrôle des investissements étrangers en France : entre renforcement et plus grande lisibilité pour les investisseurs publiés sur notre Blog le 12 septembre 2019 et le 28 février 2020

[5] Voir l’article intitulé Les investissements directs étrangers à l’épreuve du Coronavirus Covid-19publié sur notre Blog le 29 avril 2020

[6] Déclaration Bruno LeMaire à LCI en date du 29 avril 2020

[7] Dalloz actualités, X. Delpech, 5 mai 2020, Ajout de la biotechnologie dans la liste des investissements étrangers soumis à autorisation

[8] Communiqué de presse n°1733, Paris, le 29 novembre 2021, « Bruno Le Maire et Franck Riester annoncent la prolongation d’un an de l’abaissement exceptionnel du seuil de contrôle des investissements étrangers en France de 25 à 10% »

[9] Décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 relatif à l’abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé

[10] Décret n° 2020-1729 du 28 décembre 2020 modifiant le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020

[11] Communiqué de presse n°1733 précité

[12] Décret n° 2021-1758 du 22 décembre 2021 prorogeant l’abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé

[13] Article 1 alinéa 2 du décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020

[14] Article 2 du décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020