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Publié le 28 avril 2015 par Soulier Avocats

Applicables au 1er avril 2015, les obligations et responsabilités des employeurs et des donneurs d’ordre en cas de détachement de salariés en France ont été enfin précisées par un décret du 30 mars 2015

La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale avait complété le dispositif visant à encadrer les conditions de détachement de salariés en France et notamment introduit une obligation de vigilance des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage en matière d’hébergement et de législation du travail.

Le décret n° 2015-364 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et à la lutte contre le travail illégal va permettre sa pleine application.

Il sera rappelé en préambule les dispositions de l’article L.1262-1 du Code du travail qui donne le cadre général d’un détachement par une entreprise étrangère d’un ou plusieurs de ses salariés en France :

« Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.

Le détachement est réalisé :

1° Soit pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;

2° Soit entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe ;

3° Soit pour le compte de l’employeur sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire. »

Les détachements intra-groupe sont donc bien soumis aux formalités visées.

 

1. Les obligations de l’entreprise étrangère :

A) La déclaration préalable

L’employeur établi hors de France doit, préalablement au détachement, adresser une déclaration à l’unité territoriale de la Direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) du lieu de la prestation.

Cette déclaration préalable, prévue à l’article R.1263-3 du Code du travail (CT) , doit, depuis le 1er avril 2015, comporter de nouvelles informations relatives à l’entreprise qui détache les salariés (état-civil complet, coordonnées téléphoniques et adresse électronique des dirigeants et du représentant de l’entreprise en France, désignation de l’organisme auquel sont versées les cotisations sociales) et sur les modalités de prise en charge des frais de voyage, de nourriture et d’hébergement.

L’omission de la déclaration est passible d’une amende, prononcée par le directeur de la DIRECCTE d’un montant maximum de 2.000 € par salarié détaché (4.000 € en cas de réitération), le montant total de l’amende ne pouvant excéder 10.000 €.

B) La désignation du représentant de l’entreprise en France (CT, article R.1263-2-1 nouveau)

Le décret du 30 mars se contente de préciser que le représentant « accomplit au nom de l’employeur les obligations qui lui incombent » en termes de conservation et de mise à disposition des documents évoqués ci-après.

C) Les documents à tenir à disposition des agents de contrôle

Le décret complète les dispositions antérieures et renforce les moyens de contrôle des administrations.

Les entreprises établies hors de France devront dorénavant tenir à disposition des agents de contrôle, outre les documents requis depuis 2008 (bulletins de salaire, justificatif d’un examen médical, éventuelle autorisation de travail, et justificatif de la régularité de l’entreprise au regard d’une convention internationale de sécurité sociale) :

  • Tout document attestant du paiement effectif du salaire,
  • Un relevé d’heures indiquant le début, la fin et la durée du travail journalier de chaque salarié,
  • La copie de la désignation du représentant de l’entreprise,
  • Le contrat de travail ou tout document attestant notamment du lieu du recrutement,
  • Tout document attestant du droit applicable au contrat liant l’employeur du salarié détaché et le cocontractant établi sur le territoire français,
  • Tout document attestant du nombre de contrats exécutés et du montant du chiffre d’affaires réalisé par l’employeur dans le pays où il est établi et sur le territoire français.

Tous les documents doivent être traduits en français.

 

2. Les obligations du donneur d’ordre/maître d’ouvrage établi en France

A) Obligation de vérification

L’entreprise établie en France doit vérifier auprès de son prestataire de services étranger qu’il s’est bien acquitté de ses obligations de déclaration et de désignation du représentant. Il doit en conséquence demander, avant le début de chaque détachement, les copies des documents correspondants.

Le non-respect de cette obligation est passible de la même amende que celle applicable à l’entreprise étrangère qui détache des salariés sans effectuer les démarches requises.

B) Obligation d’enregistrement

L’entreprise doit annexer une copie des déclarations de détachement et une copie des titres de travail des salariés étrangers détachés à son registre unique du personnel, et les rendre accessibles aux délégués du personnel.

Le nombre de salariés détachés est ajouté aux mentions devant figurer au bilan social obligatoire pour les entreprises ayant au moins 300 salariés.

C) Obligation de vigilance au regard de l’hébergement des salariés détachés

L’entreprise établie en France, informée par un agent de contrôle du fait que les salariés de son cocontractant ou de son sous-traitant direct ou indirect sont soumis à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, doit lui enjoindre de faire cesser la situation. L’employeur étranger a 24 heures pour confirmer que la situation a pris fin. L’entreprise française transmet aussitôt la réponse à l’agent de contrôle.

En cas d’absence de régularisation de l’employeur, c’est le maître d’ouvrage établi en France qui devra prendre en charge l’hébergement des salariés détachés dans des locaux conformes.

D) Obligation de vigilance en matière de législation du travail :

Le dispositif est identique : dès lors que l’entreprise établie en France est informée par un agent de contrôle de manquements de l’employeur à la législation du travail, elle a l’obligation d’enjoindre à son cocontractant de faire cesser la situation. Pour ces infractions, l’employeur étranger dispose de 15 jours pour informer que la situation est régularisée. Le délai est de 7 jours si le manquement est le non-paiement total ou partiel de la rémunération.

L’entreprise établie en France doit adresser la réponse à l’agent de contrôle. A défaut de réponse de l’employeur dans le délai imparti, elle devra l’en informer.

L’entreprise établie en France est passible d’une amende de 5e classe (7.500 € maximum pour une personne morale) si elle ne remplit pas ces obligations d’injonction et d’information. Si le manquement visé est le non-paiement du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié, l’entreprise établie en France pourra être tenue solidairement avec l’employeur responsable du paiement des rémunérations et charges dues.