Opérations transfrontalières au sein de l’UE : vers une harmonisation des procédures et une protection accrue des parties prenantes
Publiée le 25 avril 2018, la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières a pour objectif de « prévoir des procédures spécifiques et exhaustives pour les transformations, scissions et fusions transfrontalières, afin de favoriser la mobilité transfrontalière au sein de l’UE, tout en offrant aux parties prenantes des sociétés [i.e. salariés, créanciers et associés] une protection adéquate afin de préserver l’équité du marché unique ».
Voici un tour d’horizon des procédures proposées.
- Transformations transfrontalières (transferts de siège)
Dans la lignée de l’arrêt Polbud[1], la proposition de directive a pour objectif d’ouvrir les transformations transfrontalières aux petites et moyennes entreprises (PME), en assurant le maintien de leur personnalité morale, et en introduisant une procédure uniforme protectrice des droits des salariés, des créanciers et des associés des sociétés concernées :
- Première étape : préparation du projet de transformation transfrontalière et élaboration de deux rapports destinés aux associés et aux salariés. Dans les entreprises de taille moyenne et les grandes entreprises, ces documents seraient soumis pour vérification à un expert indépendant. Le projet et les rapports seraient mis à la disposition du public.
- Deuxième étape : assemblée générale de la société, afin d’initier le processus de transformation transfrontalière. Cette décision serait ensuite soumise à l’autorité nationale compétente de l’État membre de départ qui, à l’issue d’un premier contrôle de la légalité[2], délivrerait ou non un certificat préalable à la transformation.
- Troisième étape : transmission du certificat préalable à la transformation susvisé à l’autorité compétente de l’État membre de destination, pour un second contrôle de la légalité.
La transformation transfrontalière prendrait effet à compter de la date d’immatriculation de la société transformée dans l’État membre de destination, à la suite des contrôles décrits ci-avant.
- Fusions transfrontalières
La proposition de directive vise à pallier les lacunes du régime actuel, issu de la directive de 2005 sur les fusions transfrontalières[3], en harmonisant les règles applicables en matière de protection des salariés, des créanciers et des associés, et en simplifiant les procédures mises en place :
- Pour les salariés : renforcement de l’information à fournir sur les impacts de la fusion projetée.
- Pour les créanciers : possibilité de demander des garanties « adéquates» auprès de l’autorité administrative ou judiciaire compétente.
- Pour les associés : création (i) d’un droit de retrait au profit des détenteurs d’actions avec droit de vote n’ayant pas approuvé le projet commun de fusion transfrontalière et des titulaires d’actions sans droit de vote, et (ii) d’une procédure de contestation du rapport d’échange proposé.
- Scissions transfrontalières
La proposition de directive vise à introduire un nouveau cadre juridique réglementant les scissions transfrontalières, inspirée de celle prévue pour les transformations transfrontalières :
- Première étape : préparation du projet de scission transfrontalière et élaboration de deux rapports destinés aux associés et aux salariés. Dans les entreprises de taille moyenne et les grandes entreprises, ces documents seraient soumis pour vérification à un expert indépendant. Le projet et les rapports seraient mis à la disposition du public.
- Deuxième étape : assemblée générale de la société, afin d’initier le processus de scission transfrontalière. Cette décision serait ensuite soumise à l’autorité nationale compétente de la société qui se scinde qui, à l’issue d’un premier contrôle de la légalité[4], délivrerait ou non un certificat préalable à la scission.
- Troisième étape : transmission du certificat préalable à la scission susvisé aux autorités compétentes des États membres des entreprises bénéficiaires, pour un second contrôle de la légalité.
La scission transfrontalière prendrait effet à une date fixée par l’État membre de la société scindée, qui serait nécessairement postérieure aux contrôles décrits ci-avant.
Comme pour les fusions transfrontalières, les règles applicables en matière de protection des salariés, des créanciers et des associés seraient uniformisées :
- Pour les salariés : renforcement de l’information à fournir sur les impacts de la scission projetée.
- Pour les créanciers : possibilité de demander des garanties « adéquates» auprès de l’autorité administrative ou judiciaire compétente.
- Pour les associés : création (i) d’un droit de retrait au profit des détenteurs d’actions avec droit de vote n’ayant pas approuvé le projet de scission transfrontalière et des titulaires d’actions sans droit de vote, et (ii) d’une procédure de contestation du ratio d’échange proposé.
Cette proposition de directive devrait être adoptée prochainement.
[1] Arrêt Polbud – Wykonawstwo, affaire C-106/16, ECLI:EU:C:2017:804 : « 1) Les articles 49 et 54 TFUE doivent être interprétés en ce sens que la liberté d’établissement est applicable au transfert du siège statutaire d’une société constituée en vertu du droit d’un État membre vers le territoire d’un autre État membre, aux fins de sa transformation, en conformité avec les conditions imposées par la législation de cet autre État membre, en une société relevant du droit de ce dernier, sans déplacement du siège réel de ladite société. […] 2) Les articles 49 et 54 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne le transfert du siège statutaire d’une société constituée en vertu du droit d’un État membre vers le territoire d’un autre État membre, aux fins de sa transformation en une société relevant du droit de ce dernier, en conformité avec les conditions imposées par la législation de celui-ci, à la liquidation de la première société. »
[2] « Les États membres veillent à ce que l’autorité compétente de l’État membre de départ n’autorise pas la transformation transfrontalière lorsqu’elle constate, après examen du cas d’espèce et compte tenu de tous les faits et circonstances pertinents, qu’elle constitue un montage artificiel visant à obtenir des avantages fiscaux indus ou à porter indûment atteinte aux droits légaux ou contractuels des travailleurs, des créanciers ou des associés minoritaires. »
[3] Directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 (JO L 310 du 25.11.2005, p. 1), remplacée et abrogée le 19 juillet 2017 par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés (texte codifié) (JO L 169, 30.6.2017, p. 46).
[4] Cf. note 2.