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Publié le 5 décembre 2023 par Claire Filliatre

Publication du nouveau règlement relatif à la protection des produits artisanaux et industriels européens

Après l’approbation du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen, le règlement relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels a été publié le 27 octobre 2023 au Journal officiel de l’Union européenne.

Ce Règlement marque une étape importante dans la protection de la dénomination des produits artisanaux et industriels européens en instaurant un système unique de protection sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Le nouveau règlement relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels[1] (le « Règlement ») constitue l’une des principales propositions du plan d’action en faveur de la propriété intellectuelle présenté par la Commission européenne en novembre 2020[2].

La protection européenne des indications géographiques est établie depuis de longues année pour des produits agricoles tels que le Champagne ou le Prosciutto di Parma. Ce n’était pas encore le cas des produits artisanaux et industriels, même si un certain nombre d’États membres avaient mis en place un système de protection pour ces produits.

Cette absence d’un cadre unitaire de protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels dans l’Union européenne (« UE ») a entraîné des variations de la protection juridique entre les différents États membres.

Le nouveau Règlement vient remédier à cette situation en harmonisant la protection de ces produits européens de grande valeur sur l’ensemble du territoire de l’UE.

Une protection unifiée à l’échelle de l’UE

Les dénominations des produits artisanaux et industriels qui satisfont aux conditions requises pour bénéficier de la protection du règlement relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels seront désormais protégées à l’échelle de l’UE au moyen d’un enregistrement unique couvrant l’ensemble du territoire européen.

Auparavant, les acteurs concernés devaient enregistrer leur indication géographique dans chaque État membre, lorsque cela était possible, pour lutter contre les infractions.

Aux termes du nouveau Règlement, les producteurs de produits artisanaux et industriels peuvent désormais bénéficier d’une protection dans les 27 États membres par l’intermédiaire d’un seul enregistrement d’indication géographique.

Définition et exigences applicables à une indication géographique

Le nouveau Règlement définit les « produits artisanaux et industriels » comme (a) des produits fabriqués soit entièrement à la main, soit à l’aide d’outils manuels ou numériques, soit encore par des moyens mécaniques, pourvu que la contribution manuelle soit une composante importante du produit fini, ou (b) des produits fabriqués de manière normalisée, y compris la production en série et au moyen de machines.

Pour que la dénomination d’un produit artisanal ou industriel puisse bénéficier d’une protection en tant qu’indication géographique, le produit doit satisfaire aux trois exigences suivantes :

  • Le produit doit être originaire d’un lieu déterminé, d’une région déterminée ou d’un pays déterminé ;
  • La qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit doit être essentiellement attribuable à son origine géographique ; et
  • Au moins une des étapes de production du produit doit avoir lieu dans l’aire géographique délimitée.

Les produits qui sont contraires à l’ordre public sont exclus de la protection des indications géographiques.

Champ de protection

Les indications géographiques qui seront inscrites dans le registre des indications géographiques de l’Union pour les produits artisanaux et industriels seront protégées contre :

  • Toute utilisation commerciale directe ou indirecte de l’indication géographique à l’égard de produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux qui sont couverts par l’enregistrement ou lorsque l’utilisation de la dénomination permet de profiter de la réputation de l’indication géographique protégée, de l’affaiblir, de l’atténuer ou de lui porter préjudice ;
  • Toute usurpation, imitation ou évocation de la dénomination protégée en tant qu’indication géographique, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si l’indication géographique protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation », « parfum », « senteur », « manière » ou d’une mention similaire ;
  • Toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité, sur des documents ou sur des informations fournies sur des interfaces en ligne afférentes au produit, ainsi que contre l’utilisation pour l’emballage d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit ;
  • Toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

La protection des indications géographiques s’appliquera également aux noms de domaines, aux marchandises vendues par l’intermédiaire de modes de vente à distance, tels que le commerce électronique, ainsi qu’aux marchandises entrant sur le territoire douanier de l’Union sans y être mises en libre circulation.

Examen des demandes d’enregistrement

Le processus d’examen des demandes d’enregistrement d’une indication géographique se déroulera en deux phases :

  • Une première phase au niveau national : les producteurs devront déposer dans un premier temps leurs demandes d’indication géographique auprès des autorités désignées des États membres pour examen ;
  • Une seconde phase au niveau européen : les autorités nationales désignées soumettront ensuite les demandes retenues à une évaluation approfondie et à l’approbation de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (« EUIPO »).

Il convient de noter qu’une procédure de demande directe auprès de l’EUIPO sera également possible pour les États membres qui obtiennent une dérogation de la Commission après avoir justifié (i) qu’ils ne disposent pas d’une protection spécifique nationale des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels, et (ii) que l’intérêt local pour la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels est faible.

La Commission européenne pourra, à tout moment avant la fin de la procédure d’enregistrement, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité compétente d’un État membre ou de l’EUIPO, reprendre à cette dernière le pouvoir de prendre une décision concernant la demande d’enregistrement lorsque l’enregistrement de l’indication géographique proposée pourrait être contraire à l’ordre public, ou lorsque ledit enregistrement ou le rejet de la demande d’enregistrement pourrait compromettre les relations commerciales ou extérieures de l’UE.

Le nouveau Règlement définit également les procédures d’opposition au niveau national et au niveau de l’UE.

Application et contrôle de la qualité

Les États membres doivent désigner une ou plusieurs autorités compétentes chargées des contrôles, disposant d’un personnel qualifié et des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement de leurs fonctions.

Le Règlement prévoit deux types de contrôles :

  • La vérification qu’un produit désigné par une indication géographique respecte le cahier des charges correspondant ;
  • La surveillance de l’utilisation des indications géographiques sur le marché, y compris dans le commerce électronique.

Pour un produit désigné par une indication géographique et originaire de l’UE, la vérification du respect du cahier des charges correspondant est effectuée au moyen d’une auto déclaration effectuée via un formulaire type figurant en annexe du Règlement.

Avant de mettre le produit sur le marché, les producteurs devront ainsi présenter une auto déclaration à l’autorité de contrôle désignée. Une fois le produit mis sur le marché, les producteurs devront soumettre tous les trois ans une nouvelle auto déclaration afin de démontrer que le produit continue de respecter le cahier des charges. Dans l’hypothèse où le cahier des charges serait modifié et que cette modification aurait des conséquences pour le produit concerné, l’auto déclaration devra être mise à jour sans délai.

L’autorité de contrôle compétente vérifiera, a minima, que les informations fournies dans l’auto déclaration sont complètes et cohérentes. En l’absence de réserves, elle délivrera un certificat autorisant à utiliser l’indication géographique pour le produit concerné ou renouvellera le certificat existant.

Dans le cadre de cette procédure, des contrôles peuvent toutefois avoir lieu avant et après que le produit a été mis sur le marché. Ces contrôles seront effectués, sur la base d’une analyse des risques et, le cas échéant, des notifications des producteurs intéressés de produits désignés par l’indication géographique, par l’autorité de contrôle compétente ou par un ou plusieurs organismes de certification de produits ou personnes physiques auxquels des missions de contrôle ont été déléguées.

En lieu et place de la procédure d’auto déclaration, les États membres peuvent prévoir une procédure de vérification de la conformité du produit au cahier des charges directement par l’autorité de contrôle compétente, ou par un ou plusieurs organismes de certification de produits ou personnes physiques auxquels des missions de contrôle ont été déléguées.

S’agissant de la surveillance de l’utilisation des indications géographiques sur le marché, l’autorité de contrôle désignée devra surveiller l’utilisation des indications géographiques sur le marché, que les produits concernés soient en stockage, en transit, en cours de distribution ou proposés à la vente en gros ou au détail, y compris dans le commerce électronique.

Elle devra, si nécessaire, prendre les mesures administratives et judiciaires qui s’imposent pour empêcher l’utilisation de dénominations de produits ou de services qui sont produits, fournis ou commercialisés sur leur territoire et qui enfreignent la protection des indications géographiques.

A noter qu’il revient aux États membres de déterminer le régime des sanctions applicables. Celles-ci doivent être proportionnées et dissuasives, viser à décourager tout comportement frauduleux de la part des producteurs de produits désignés par une indication géographique, et dissuader toutes personnes de porter atteinte à des indications géographiques.

Perspectives internationales

Le nouveau règlement devrait faciliter l’internationalisation des produits artisanaux et industriels européens en assurant aux producteurs de l’UE une protection des indications géographiques à la fois sur les marchés de pays tiers qui sont parties à l’acte de Genève de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)[3] et dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux.

Les producteurs de produits artisanaux et industriels de l’UE auront ainsi la possibilité de demander une protection internationale pour les dénominations de leurs produits, ce qui renforcera leur compétitivité à l’échelle mondiale.

Les producteurs de pays tiers pourront également demander une protection dans le cadre de ce nouveau système pour leurs produits artisanaux et industriels renommés qui sont conformes aux exigences de l’UE.

Prochaines étapes

Les États membres, l’EUIPO, la Commission et les parties intéressées disposent d’un délai de deux ans pour se préparer à l’application intégrale du nouveau système, prévue pour décembre 2025.

Les indications géographiques nationales qui existent déjà pour des produits artisanaux et industriels cesseront d’exister un an après la date d’application intégrale du Règlement.


[1] Disponible ici : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202302411

[2] La communication de la Commission sur le plan d’action en faveur de la propriété intellectuelle afin de soutenir la reprise et la résilience dans l’Union européenne est disponible ici : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52020DC0760

[3] Disponible ici : https://www.wipo.int/wipolex/fr/text/371576