Publicité et environnement : actualités de l’encadrement du « greenwashing »
Le « greenwashing » (en français : écoblanchiment) peut être défini comme une communication abusive voire mensongère émanant d’un organisme qui met en avant un positionnement écologique qui ne reflète cependant pas la réalité.
Dans un contexte de recrudescence des pratiques de greenwashing, nous revenons sur les dernières évolutions concernant leur encadrement.
Encadrement de la publicité mensongère
Le code de la consommation prévoit des sanctions en cas de pratiques commerciales trompeuses.
La loi Climat et Résilience a complété le 2° de l’article L. 121-2 du code de la consommation relatif à ces pratiques en y ajoutant une dimension environnementale :
- Le b) vise désormais les allégations portant sur « Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions “ fabriqué en France ” ou “origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service » ;
- Et le e) vise désormais les allégations portant sur « La portée des engagements de l’annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ».
Etant précisé que cette même loi a modifié également l’article L. 132-2 du code de la consommation relatif aux sanctions applicables aux pratiques commerciales trompeuses : au texte qui prévoit qu’elles sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros et que le montant de l’amende peut toujours être porté à 10 % du CA ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit, il a été ajouté que ce taux peut être porté à 80 % dans le cas des pratiques commerciales trompeuses lorsqu’elles reposent sur des allégations en matière environnementale.
La Commission vient d’ailleurs de proposer plusieurs modifications de la directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales (DPCD), directive qui est à l’origine des dispositions précitées du code de la consommation en France.[1]
Dans sa proposition, la Commission définie ainsi l’allégation environnementale : « tout message ou toute déclaration non obligatoire en vertu du droit de l’Union ou du droit national, notamment du texte, une image, une représentation graphique ou un symbole, sous quelque forme que ce soit, y compris un label, une marque, une dénomination sociale ou une dénomination de produit, dans le cadre d’une communication commerciale, qui affirme ou suggère qu’un produit ou un professionnel a une incidence positive ou nulle sur l’environnement, est moins préjudiciable pour l’environnement que d’autres produits ou professionnels, ou a amélioré son incidence environnementale au fil du temps ».
Premièrement, la liste des caractéristiques du produit au sujet desquelles un professionnel ne peut induire les consommateurs en erreur est élargie pour intégrer « son incidence environnementale ou sociale », ainsi que « sa durabilité » et « sa réparabilité ».
Deuxièmement, de nouvelles pratiques sont ajoutées à la liste, qui sont considérées comme trompeuses à l’issue d’une évaluation au cas par cas, comme « une allégation environnementale relative aux performances environnementales futures sans engagements ni objectifs clairs, objectifs et vérifiables et sans système de contrôle indépendant ».
Enfin, de nouvelles pratiques sont ajoutées à la « liste noire » existante des pratiques commerciales déloyales interdites. Ces nouvelles pratiques consistent notamment à :
- « Afficher un label de durabilité qui n’est pas fondé sur un système de certification ou qui n’a pas été mis en place par des autorités publiques » ;
- « Présenter une allégation environnementale générique au sujet de laquelle le professionnel n’est pas en mesure de démontrer la performance environnementale excellente reconnue en rapport avec l’allégation » ;
- « Présenter une allégation environnementale concernant le produit dans son ensemble, alors qu’elle ne concerne en réalité qu’une des caractéristiques du produit » ;
- « Ne pas informer le consommateur de l’existence d’une caractéristique d’un bien introduite pour en limiter la durabilité » ;
- « Affirmer qu’un bien présente une certaine durabilité, sur le plan du temps d’utilisation ou de l’intensité, alors que tel n’est pas le cas » ;
- « Présenter un bien comme réparable alors qu’il ne l’est pas ou omettre d’informer le consommateur qu’un bien n’est pas réparable, conformément aux exigences légales » ;
- « Inciter le consommateur à remplacer les consommables d’un bien avant que des raisons techniques ne le justifient » ;
- « Ne pas informer le consommateur qu’un bien est conçu pour fonctionner de manière limitée si l’on utilise des consommables, des pièces de rechange ou des accessoires qui ne sont pas fournis par le producteur d’origine ».
La proposition de la Commission va être examinée par le Conseil et le Parlement européen.
Encadrement de la mention « neutre en carbone » dans la publicité
Un décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité vient d’être adopté. Il met en œuvre l’article 12 de la loi Climat et Résilience précitée.
Pour rappel, l’article L. 229-68 du code de l’environnement sur les allégations environnementales, créé par cette loi, prévoit : « Il est interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou d’employer toute formulation de signification ou de portée équivalente, à moins que l’annonceur rende aisément disponible au public les éléments suivants :
- Un bilan d’émissions de gaz à effet de serre intégrant les émissions directes et indirectes du produit ou du service ;
- La démarche grâce à laquelle les émissions de gaz à effet de serre du produit ou du service sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. La trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre est décrite à l’aide d’objectifs de progrès annuels quantifiés ;
- Les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles respectant des standards minimaux définis par décret. »
Ce décret crée dans le code de l’environnement une nouvelle section 9 sur les allégations environnementales.
Concernant le champ d’application de cette nouvelle section, elle concerne :
- Les annonceurs qui affirment « dans une publicité qu’un produit ou un service est “ neutre en carbone ”, “ zéro carbone ”, “ avec une empreinte carbone nulle ”, “ climatiquement neutre ”, “ intégralement compensé ”, “ 100 % compensé ” ou « emploie(nt) toute formulation de signification ou de portée équivalente » ;
- La publicité définie très largement, à savoir « à la correspondance publicitaire et aux imprimés publicitaires, à l’affichage publicitaire, aux publicités figurant dans les publications de presse, aux publicités diffusées au cinéma, aux publicités émises par les services de télévision ou de radiodiffusion et par voie de services de communication en ligne, ainsi qu’aux allégations apposées sur les emballages des produits ».
Le décret définit les modalités de communication des annonceurs sur la neutralité carbone de leurs produits ou services.
Concernant le bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné, il devra couvrir l’ensemble de son cycle de vie, être établi conformément aux exigences de la norme NF EN ISO 14067 (ou tout autre standard équivalent) et être mis à jour tous les ans.
Concernant la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’annonceur devra publier sur son site de communication au public en ligne, ou à défaut sur son application mobile, un rapport de synthèse décrivant l’empreinte carbone du produit ou service dont il est fait la publicité et la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées. Le décret décrit ensuite en détail les annexes que doit comporter ce rapport.
Enfin, concernant les modalités de compensation des émissions de gaz à effet de serre résiduelles, les réductions et séquestrations d’émissions issues de projets de compensation doivent respecter les principes définis par l’article L. 229-55 du code de l’environnement (à savoir être mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles). Ces projets ne doivent pas être défavorables à la préservation et la restauration des écosystèmes naturels et de leurs fonctionnalités. Les réductions labelisées « Bas Carbone » sont réputées respecter ces principes. Etant précisé qu’un annonceur ne pourra afficher la mention « Compensation réalisée en France », ou toute mention de signification ou de portée équivalente, que si la totalité des projets de compensation sont réalisés en France.
Il s’applique à l’ensemble des publicités diffusées à compter du 1er janvier 2023.
Pour rappel, l’autorité administrative peut sanctionner le non-respect de l’interdiction et le manquement aux obligations prévues à la présente section par une amende de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000 € pour une personne morale, ces montants pouvant être portés jusqu’à la totalité du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale (Art. L. 229-69 du code de l’environnement).
[1] https://ec.europa.eu/info/publications/proposal-empowering-consumer-green-transition-and-annex_en