Réforme du droit des contrats : publication de la loi de ratification le 21 avril 2018 – Présentation générale
Le 1er octobre 2016, est entrée en vigueur l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Cette réforme a eu pour effet essentiel de codifier des notions jurisprudentielles acquises et constantes. Elle a également permis l’introduction de nouvelles notions et obligations.
La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 a été publiée au Journal officiel du 21 avril 2018. Cette loi ne se contente pas de ratifier l’ordonnance du 10 février 2016. Elle y apporte également des modifications notables pour certaines et sans réelle incidence pour d’autres. Pour l’essentiel, ces modifications n’entreront en vigueur que le 1er octobre 2018 alors que d’autres de ces modifications rétroagiront au 1er octobre 2016.
Le 1er octobre 2016, est entrée en vigueur l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations[1].
Avant cette réforme et depuis 1804, les dispositions du Code civil sur le droit commun des obligations avaient peu évolué, donnant naissance à une jurisprudence abondante, véritable source de droit, destinée à préciser, compléter et moderniser le droit écrit en tenant compte de l’évolution des mœurs, des technologies et des pratiques.
Ainsi, la réforme du droit des contrats a essentiellement eu pour effet de redonner sa place à un droit écrit, accessible et prévisible pour garantir modernité et sécurité juridique.
Un an et demi après l’entrée en vigueur de cette réforme, le Parlement a enfin voté la loi ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016.
Le vote de cette loi a été l’occasion de rectifier les « malfaçons » de la réforme dénoncées par les praticiens du droit.
Les débats ont révélé des désaccords entre le Sénat et l’Assemblée Nationale sur les modifications devant être apportées par la loi de ratification. La commission mixte paritaire est parvenue à un accord le 14 mars dernier.
La loi de ratification distingue deux catégories de modification des textes du code civil issus de la réforme du 1er octobre 2016.
La loi apporte des modifications dites « interprétatives » qui rétroagissent au 1er octobre 2016 et des modifications de fond qui n’entreront en vigueur que le 1er octobre 2018.
- Les modifications de fond
Conformément à son article 16, la loi de ratification entrera en vigueur le 1er octobre 2018. Ainsi, les modifications de fond apportées par la loi ne s’appliqueront qu’aux contrats conclus après le 1er octobre 2018. Tout contrat conclu avant cette date et après le 1er octobre 2016 demeure soumis aux dispositions du Code civil telles qu’elles sont issues de l’ordonnance du 10 février 2016.
Sont recensés dans un tableau, ci-après, les modifications de fond apportées par la loi de ratification qui entreront en vigueur le 1er octobre 2018. Les modifications apportées apparaissent en rouge.
Article du Code civil en vigueur avant le 1er octobre 2016
| Article du Code civil en vigueur du 1er octobre 2016 au 1er octobre 2018
| Article du Code civil en vigueur à compter du 1er octobre 2018
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Pas de disposition préexistante | Art. 1110. – Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. Le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties.
| Art. 1110. – Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.
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Pas de disposition préexistante | Art. 1117 – L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur.
| Art. 1117 – L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur, ou de décès de son destinataire.
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Art. 1116. – Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
| Art. 1137. – Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
| Art. 1137. – Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
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Art. 1123. – Toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi.
| Art. 1145. – Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles.
| Art. 1145. – Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi. La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles.
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Pas de disposition préexistante | Art. 1161. – Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.
| Art. 1161. – En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.
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Pas de disposition préexistante | Art. 1171. – Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.
| Art. 1171. – Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.
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Pas de disposition préexistante | Art. 1223. – Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.
| Art. 1223. – En cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix.
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Pas de disposition préexistante | Art. 1327. – Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette.
| Art. 1327. – Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette. La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
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Pas de disposition préexistante | Art. 1343-3. – Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger.
| Art. 1343-3. – Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros.Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée. |
- Les modifications à « caractère interprétatif»
La loi précise en son article 16 que « les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du Code civil ont un caractère interprétatif. »
Ces modifications interprétatives rétroagissent au 1er octobre 2016. De sorte que tout contrat conclu après le 1er octobre 2016 y compris ceux conclus avant le 1er octobre 2018, sont soumis à ces nouvelles dispositions.
Il s’agit-là d’une dérogation – autorisée par la jurisprudence – à l’article 2 du Code civil qui dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. »
Sont recensées dans un tableau ci-après les modifications – mineures pour l’essentiel et dont le caractère interprétatif ne laisse aucun doute – apportées par la loi de ratification et ayant effet rétroactif au 1er octobre 2016. Les modifications apparaissent en rouge.
Article du Code civil issu de l’Ordonnance du 10 février 2016 en vigueur à compter du 1er octobre 2016
| Article du Code civil issu de la loi de ratification du 20 avril 2018 en vigueur avec effet rétroactif au 1er octobre 2016
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Art. 1112. – L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.
| Art. 1112. – L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages.
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Art. 1143. – Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.
| Art. 1143. – Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. |
Art. 1165. – Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts.
| Art. 1165. – Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat.
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Art. 1216-3. – Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord. Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
| Art. 1216-3. – Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord. Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette.
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Art. 1217. – La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut: – refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ; – poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ; – solliciter une réduction du prix ; – provoquer la résolution du contrat ; – demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
| Art. 1217. – La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : – refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ; – poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ; – obtenir une réduction du prix ; – provoquer la résolution du contrat ; – demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
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Art. 1221. – Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.
| Art. 1221. – Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier. |
Art. 1304-4. – Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle–ci n’est pas accomplie.
| Art. 1304-4. – Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli.
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Art. 1305-5. – La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires.
| Art. 1305-5. – La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions. |
Art. 1327-1. – Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession ou n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte.
| Art. 1327-1. – Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession et n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte. |
Art. 1328-1. – Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord. Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. | Art. 1328-1. – Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le débiteur originaire ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord. Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. |
Art. 1347-6. – La caution peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal. Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.
| Art. 1347-6. – La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal. Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.
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Art. 1352-4. – Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites à proportion du profit qu’il a retiré de l’acte annulé.
| Art. 1352-4. – Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé. |
[1] Cf. article intitulé « Entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de la réforme du droit des obligations. Les nouveautés qui ont retenu notre attention » publié dans notre e-newsletter de septembre 2016