Renforcement de la compétitivité du capital investissement à la française avec la société de libre partenariat
Dans un contexte concurrentiel plus âpre entre les différentes structures de capital-investissement européennes suite à la directive européenne 2011/61/UE dite directive « AIFM »[1]visant à créer un cadre harmonisé pour les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») en Europe tout en renforçant la protection des investisseurs et des épargnants, le gouvernement a souhaité afficher sa volonté d’attirer non seulement les investisseurs institutionnels français, mais aussi les investisseurs étrangers qui se tournaient jusqu’à présent vers les « Limited Partnerships » anglais et les «Sociétés en Commandite Spéciales» luxembourgeoises. La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, plus connue sous le nom de « loi Macron » offre désormais aux investisseurs en capital-risque de la Place financière de Paris un « Limited Partnership » Made in France compétitif : la Société de libre partenariat ou SLP[2].
1. L’INSPIRATION ANGLO-SAXONNE
La SLP est un nouveau type de FIA appartenant à la catégorie des fonds professionnels spécialisés (« FPS »). Elle offre une alternative aux sociétés d’investissement à capital variable (« SICAV ») et aux fonds communs de placement (« FCP »), destinés aux financements alternatifs (infrastructures, dettes …) et aux placements financiers non cotés européens.
Reprenant les caractéristiques essentielles de la société en commandite simple, la SLP est dotée d’une gouvernance familière aux investisseurs institutionnels étrangers avec deux catégories d’associés : les associés commandités (équivalents des « General Partners » dans un Partnership) dont la responsabilité est illimitée, et les associés commanditaires qui ne répondent des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports (équivalents des « Limited Partners » dans un Partnership). La nuance avec la société en commandite simple réside dans le fait que la SLP associe les investisseurs à la vie de la société en permettant, par dérogation au droit commun, d’une part, que les associés commanditaires puissent intervenir dans la gestion de la SLP (sans pouvoir accomplir toutefois d’actes de gestion externe) et, d’autre part, que les parts des associés commanditaires soient des titres financiers négociables.
Toute personne physique ou morale autorisée par les statuts peut être un associé commandité de la SLP. Les investisseurs de la SLP sont par principe professionnels. Les parts de commanditaires ne peuvent être souscrites que par des investisseurs professionnels ou réputés comme tels : (i) les investisseurs professionnels français ou étrangers, tels que définis par les dispositions du Code monétaire et financier[3], (ii) les personnes en charge de la gestion des actifs de la SLP, et (iii) les non-professionnels, sous réserve que leur souscription soit d’au moins 100.000 euros.
La SLP permet de dissocier ou au contraire de centraliser la gouvernance du fonds et sa gestion. La gestion du portefeuille d’actifs, qui représente seulement une partie de la gestion de la société de la SLP, peut être effectuée soit en interne par son gérant (dans ce cas le véhicule sera autogéré), soit déléguée, de façon globale ou partielle, à une société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des marchés financiers.
2. LA SOUPLESSE DE FONCTIONNEMENT
Le fonctionnement et l’investissement au sein de la SLP se veulent empreints de souplesse et soumis à la liberté contractuelle. Contrairement aux SICAV et FCP, les statuts et la documentation destinée à l’information des associés peuvent être rédigés dans n’importe quelle langue usuelle des affaires[4]. Les statuts de la SLP définissent librement la politique et les règles d’investissement et d’engagement de la société, que ce soient (i) les modalités d’émission et de libération des parts et titres, (ii) les décisions devant être prises collectivement par les associés ainsi que les formes et conditions dans lesquelles elles sont prises, (iii) ou encore les modalités de transfert des parts. La SLP n’est pas restreinte quant au champ de ses actifs éligibles. Elle peut ainsi investir dans tout bien respectant les critères fixés par le Code monétaire et financier[5], mais aussi dans les placements émis sur le fondement d’un droit étranger et les avances en compte courant consenties, pour la durée de l’investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles la SLP détient une participation. Si ses statuts le prévoient, la SLP peut comporter un ou plusieurs compartiments, dérogeant au principe d’unicité du patrimoine, les actifs d’un compartiment déterminé ne répondant que des dettes, engagements et obligations et ne bénéficiant que des créances qui concernent ce compartiment. La SLP peut emprunter librement[6], sous réserve que ses statuts le lui permettent, véritable avantage au début de la vie de la SLP. Enfin, dans une optique d’allègement de ses formalités, la SLP n’aura pas l’obligation de déposer ses comptes chaque année[7].
3. L’ATTRACTIVITÉ FISCALE
L’objectif de la SLP est de maintenir les avantages fiscaux dont bénéficient actuellement les investisseurs français dans les SICAV et les FCP, tout en assurant la neutralité fiscale pour les investisseurs étrangers.
En effet, jusqu’à présent, la transparence fiscale des FCP et des SICAV était assurée dans les faits en droit interne, mais n’était pas toujours reconnue par les États étrangers, en raison de la singularité des formes juridiques que ces véhicules utilisent. Ainsi, certains pays refusaient et refusent toujours de reconnaître leur transparence fiscale, privant leurs membres de l’application des conventions fiscales internationales. Il en résulte généralement une double imposition du revenu, une première fois dans le pays de la source et une seconde fois dans le pays de résidence du membre.
La SLP, qui dispose d’une personnalité morale et dont le fonctionnement est aligné sur les standards internationaux que constituent les Limited partnerships anglo-saxons, devrait bénéficier d’un régime de transparence fiscale de nature à répondre à la demande de neutralité fiscale des investisseurs français et étrangers. Ce régime devrait ainsi éviter aux investisseurs étrangers de subir une double imposition en raison d’un conflit interétatique sur la qualification juridique et fiscale d’un type de fonds d’investissement[8].
La création des SLP vient combler un véritable manque dans la gamme des fonds d’investissement français, les investisseurs institutionnels étrangers se tournant jusqu’à présent vers des véhicules gérés et régulés dans d’autres pays de la zone euro plus favorables fiscalement. En s’alignant sur les standards anglo-saxons et luxembourgeois pour dynamiser la gestion d’actifs en France, la SLP devrait renforcer l’attractivité de la place financière française en répondant à la demande de la clientèle institutionnelle internationale.
[1] Directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs dite directive « AIFM ».
[2] La SLP ne pourra vraisemblablement faire ses premiers pas qu’au cours du premier semestre 2016 dans l’attente des textes d’application. Ces textes permettront d’approfondir son régime juridique et fiscal.
[3] Article L.214-144 du Code monétaire et financier.
[4] A l’exception de l’extrait réservé à l’enregistrement qui doit être rédigé en langue française.
[5] Article L 214-154 du Code monétaire et financier.
[6] Contrairement au FCPI qui peut procéder à des emprunts dans la limite de 10% de ses actifs (Article R.214-48-1 du Code monétaire et financier).
[7] Les dispositions de l’article L.221-7 al 1. du Code commerce ne s’appliquent pas à la SLP.
[8] La fiscalité du SLP est théoriquement alignée sur les standards internationaux.