Responsabilité pénale de la personne morale : rappel des conditions de mise en œuvre
Introduite par la loi n°92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du Code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales est en droit français une responsabilité par ricochet nécessitant l’intervention de personnes physiques.
L’article 121-2 du Code pénal prévoit en effet que « les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement […] des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants », étant toutefois précisé que cette responsabilité n’exclut pas pour autant celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
Sur ce fondement, la Cour de cassation avait institué, par un célèbre arrêt de la Chambre criminelle en date du 20 juin 2006[1], une présomption d’imputation de l’infraction d’imprudence à la personne morale, qui avait alors ébranlé la doctrine.
Fort heureusement, la Haute Juridiction revient aujourd’hui sur cette jurisprudence, dite « Sollac », en opérant un retour à la lettre du texte, conforme au principe d’interprétation stricte de la loi pénale[2].
A l’occasion de travaux d’aménagement d’une école, deux employés de la société Charpente Euro Picardie, sous-traitant de la société Charpentes et traditions bois, sont blessés par l’écroulement d’un mur de façade et d’une charpente. L’un d’eux décède des suites de ses blessures, l’autre subit une incapacité inférieure à trois mois.
Déclarées coupables en première instance d’homicide involontaire et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à trois mois, les sociétés Charpentes et traditions bois et BTT, chargée de la maçonnerie, relèvent appel de la décision.
Par un arrêt en date du 6 avril 2011, la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel d’Amiens confirme leur culpabilité, en retenant « un manque certain de rigueur administrative, voire un laxisme, de la part des différents intervenants […] au regard du respect des différentes prescriptions légales et réglementaires en matière d’hygiène et de sécurité […] en relation de causalité directe et immédiate avec l’accident du travail, dont ont été victimes MM. Y… et X… »
Statuant sur les pourvois formés notamment par les sociétés Charpentes et traditions bois et BTT, la Cour de cassation considère qu’en se prononçant ainsi, « sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants des sociétés prévenues, et s’ils avaient été commis pour le compte de ces sociétés, au sens de l’article 121-2 du Code pénal, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision. »
Cet arrêt confirme le repositionnement de la Cour de cassation initié par un arrêt en date du 11 avril 2012[3], approuvé par la doctrine, en rappelant que la responsabilité pénale de la personne morale ne peut être engagée que si les conditions posées par l’article 121-2 du Code pénal sus-énoncé sont réunies.
La simple constatation d’un comportement fautif et l’établissement d’un lien de causalité avec le dommage subi par la victime ne suffisent plus : il appartient dorénavant au juge du fond de démontrer en outre que l’infraction, qu’elle soit intentionnelle ou non intentionnelle, a été commise (i) par les organes (de droit ou de fait) ou représentants (i.e. préposés titulaires d’une délégation de pouvoirs) de la société prévenue, (ii) pour le compte de cette dernière, c’est-à-dire es qualités.
[1] Cass. crim., 20 juin 2006, n°05-85.255.
[2] Cass. crim., 2 oct. 2012, n°11-84.415, FS-P+B
[3] Cass. crim., 11 avr. 2012, n°10-86.974.