Revirement de jurisprudence : la clause limitative de responsabilité survit à la résolution d’un contrat
Par un arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, a jugé qu’en cas de résolution d’une vente, la clause limitative de responsabilité survivait malgré l’anéantissement rétroactif du contrat.
La Cour de cassation a ainsi harmonisé sa jurisprudence avec les nouvelles dispositions du Code civil issues de la réforme du droit des contrats entrée en vigueur au 1er octobre 2016, lesquelles prévoient le maintien de certaines clauses même en cas de résolution. L’occasion de revenir aussi sur ces nouvelles dispositions.
1/ Le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation
Dans le cadre de l’arrêt commenté[1], le vendeur d’une chaudière installée sur une centrale exploitée par l’acquéreur avait procédé à des réparations. De nouvelles fuites ayant été constatées, l’acquéreur avait fait diligenter une expertise, laquelle avait imputé les désordres aux réparations réalisées par le vendeur. L’acquéreur avait alors demandé la résolution du contrat et le paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériels et de ses pertes d’exploitation. En défense, le vendeur se prévalait d’une clause limitative de réparation prévue au contrat de vente.
La Cour d’appel avait condamné le vendeur à indemniser l’acquéreur sans appliquer ladite clause, au motif que la résolution de la vente emportait anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur.
La position des juges d’appel était cohérente avec la jurisprudence antérieure de la Haute Juridiction.
En effet, la Cour de cassation considérait alors qu’en raison du caractère rétroactif de la résolution du contrat, qui entraînait la remise des choses en leur état antérieur, il n’y avait pas lieu d’appliquer les clauses régissant les conditions et les conséquences de la résiliation[2]. Etaient notamment concernées par cette jurisprudence les clauses limitatives de responsabilité[3].
Seules certaines clauses étaient jusqu’alors considérées comme présentant une autonomie juridique par rapport à la convention principale, de sorte qu’elles ne devaient pas être affectées par l’inefficacité de cet acte. Il en était ainsi des clauses de règlement des différends (clauses attributives de compétence[4] ou clauses compromissoires[5]), ainsi que des clauses pénales[6] (lesquelles se distinguent des clauses limitatives de responsabilité en ce qu’elles évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution d’une obligation contractuelle).
Dans son arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence et élargissant ainsi la liste des clauses juridiquement autonomes, a censuré l’arrêt d’appel en jugeant qu’ « en cas de résolution d‘un contrat pour inexécution, les clauses de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables »[7].
Cette décision, bien que rendue sous l’empire de la législation antérieure à la réforme du droit des contrats, semble cohérente au regard des nouvelles dispositions du Code civil relatives à la résolution et ses effets, en vigueur depuis le 1er octobre 2016[8].
2/ Les nouvelles dispositions du Code civil relatives aux effets de la résolution
Le nouvel article 1230 du Code civil dispose que « La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution[9], telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence ».
Ces nouvelles dispositions ont probablement incité la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence.
En effet, la clause limitative de responsabilité a précisément pour but de régler les conséquences de l’inexécution contractuelle à l’origine de la résolution, telles que les conditions d’indemnisation de la victime. Il est logique que cette clause conserve son applicabilité nonobstant l’anéantissement rétroactif du contrat.
A noter que dans l’arrêt commenté, la clause objet des débats était une clause limitative de réparation, qui portait donc uniquement sur le plafond de réparation auquel la victime pouvait prétendre du fait d’une inexécution de son cocontractant.
Il est toutefois permis de penser que cette nouvelle solution s’applique, plus largement, à toute clause limitative de responsabilité venant encadrer les conditions de mise en jeu de la responsabilité des parties.
[1] Cass. Com., 7 février 2018, n°16-20352
[2] Cass. Com., 3 mai 2012, n°11-17779
[3] Cass. Com., 5 octobre 2010, n°08-11630
[4] Cass. Com., 5 juillet 2017, n°15-21894
[5] Cass. Civ. 2e, 20 mars 2003, n°01-02253
[6] Cass. Civ. 3e, 15 février 2005, n°04-11223
[7] Surlignage en gras ajouté
[8] Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
[9] Surlignage en gras ajouté