Rupture brutale de relations commerciales établies : une succession de contrats ponctuels peut caractériser une relation commerciale établie
Par arrêt du 15 septembre 2009, la Cour de cassation vient de juger que « la qualification de relations commerciales établies au sens de l’article L. 442-6, I, 5e du Code de commerce n’est pas conditionnée par l’existence d’un échange permanent et continu entre les parties et qu’une succession de contrats ponctuels peut être suffisante pour caractériser une relation commerciale établie. »[1]
Au cas d’espèce, un négociant en vin participait depuis plusieurs années à un salon professionnel dans le cadre de la Foire de Paris. L’organisateur de ce salon ayant décidé de le réserver aux producteurs négociants, caves coopératives et importateurs de vins, à l’exclusion des négociants en vin, avait informé ce négociant, huit mois avant l’édition suivante du salon, qu’il ne pourrait y participer.
Estimant que cette décision lui causait un grave préjudice, le négociant en vin a assigné l’organisateur du salon pour rupture brutale des relations commerciales établies.
En effet, l’organisateur du salon, en contrepartie du paiement de diverses sommes, fournissait aux exposants divers services tels que, la réservation d’un stand, un pack comportant des services de communication, des services Internet à l’année, des prestations promotionnelles, ainsi qu’une assurance.
Bien que les relations entre les parties ne pouvaient se poursuivre en dehors de la période pendant laquelle se tenait la Foire de Paris, ces prestations étaient fournies au négociant chaque année depuis la création de son entreprise, treize ans auparavant. En outre, l’objet des prestations liées à cette succession de contrats était identique, ou quasiment identique, d’une année sur l’autre et certaines prestations accessoires étaient fournies tout au long de l’année.
Tenant compte de la régularité, du caractère significatif et de la stabilité de la relation commerciale entre les parties, la Cour de cassation a estimé que « la victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec son partenaire commercial »[2] et a confirmé la décision d’appel de la Cour d’appel qui avait accueilli favorablement la demande du négociant.
Par le passé, la Cour de cassation avait toutefois exclu l’existence d’une relation commerciale établie au motif que cinq commandes passées sur une période de six mois et de longs pourparlers ne prouvaient que des relations commerciales « ponctuelles et non suivies ». [3]
Plus récemment, la Cour de cassation avait jugé que ne constituait pas une relation commerciale établie une succession de contrats indépendants autonomes les uns des autres dans leur objet qui n’impliquait aucun courant d’affaires entre les parties ni aucun droit à la réitération du contrat[4].
Si l’arrêt commenté peut sembler contradictoire avec ces précédentes décisions, la Cour de cassation a, en réalité, complété son raisonnement en précisant les caractères d’une véritable relation commerciale établie (régularité, stabilité et caractère significatif de la relation) et en affirmant que, même en l’absence de contrat cadre, une relation commerciale établie peut recouvrir des contrats successifs distincts ayant un objet identique.
[1] Cass. Com., 15 septembre 2009, n°08-19.200 (n°772 F-PB), Sté Comexpo Paris c/ Sté Christian Carbonnières
[2] Idem
[3] Cass.Com., 25 avril 2006, n°02-19.557, inédit
[4] Cass. Com., 16 déc. 2008: JurisData n°2008-046299; Bull. Civ.2008 IV, n°207