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Publié le 28 mars 2023 par Victor Trouttet

Saisie sans poursuite ne vaut

La loi pénale est d’interprétation stricte. Ce principe visé à l’article 111-4 du Code pénal est un principe irriguant le droit pénal français. Il en découle que l’application des règles en matière pénale doit se faire de manière littérale.

La Cour de cassation dans un arrêt du 1 février 2023[1] rappelle ce principe d’interprétation stricte de la loi pénale concernant le refus de restitution d’un objet saisi.

Dans cet arrêt, la somme de 58 600 euros appartenant à un mis en cause avait été saisie de manière incidente dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment du trafic de stupéfiant. Une enquête pour non justification des ressources était alors diligentée et classée sans suite le 22 février 2017.

Le Tribunal correctionnel condamnait ledit mis en cause et disait qu’il n’y avait pas lieu à restitution de la somme de 58 600 euros au motif que la demande portait sur une somme qui n’avait pas été saisie dans le cadre de l’information.

Une requête en restitution de la somme de 58 600 euros était présentée au procureur de la république qui rejetait la demande.

La Chambre de l’Instruction était saisie suite à cette non-restitution.

Cette dernière refusait de restituer la somme en arguant qu’elle provenait de l’activité de cambiste du mis en cause et qu’il était permis de considérer que cette activité correspondait à l’activité prohibée par l’article L. 511-5 du code monétaire et financier de telle sorte que la somme litigieuse était le produit d’une infraction.

Ainsi la saisie opérée dans le cadre d’une enquête ayant été ensuite classée sans suite du fait d’une infraction insuffisamment caractérisée peut-elle faire l’objet d’un refus de restitution au motif que la somme saisie est l’instrument ou le produit d’une infraction ?

La Cour de cassation dans un arrêt du 1 février 2023 répond par la négative à cette question et casse l’arrêt de la Chambre de l’Instruction.

En effet, l’article 41-4 alinéa 2 du Code de procédure pénale dispose :

« Il n’y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ; la décision de non-restitution prise pour l’un de ces motifs ou pour tout autre motif, même d’office, par le procureur de la République ou le procureur général peut être déférée par l’intéressé au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction, dans le délai d’un mois suivant sa notification, par déclaration au greffe du tribunal ou de la cour ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; ce recours est suspensif ».

La restitution d’un objet placé sous-main de justice peut être refusée pour trois raisons énoncées par le texte :

  • le bien apparait comme un danger éventuel pour les personnes ou les biens,
  • le bien est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction,
  • lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.

En dehors de ces trois hypothèses il n’est pas possible de refuser la restitution d’un objet placé sous main de justice. La Chambre de l’instruction ne pouvait donc ici, alors qu’elle relevait que la procédure avait fait l’objet d’un classement sans suite en ce qui concerne la non-justification de ressources, affirmer qu’une autre infraction aurait été commise mais non poursuivie et que le refus de restitution était fondé sur ce lien entre ladite infraction et la somme d’argent.

En somme la Cour de cassation, dans cette décision en adéquation avec le principe de légalité criminelle, précise le caractère restrictif des motifs de non restitution de l’article 41-4 du code de procédure pénale.


[1] Crim., 1 février 2023 n°22-80.461